FADIA: L’HISTOIRE D’UNE JEUNE CITE AU PEUPLEMENT ULTRA RAPIDE

L’origine du nom «Fadia», l’identité des premiers habitants, l’histoire de la localité…? des questions qui paraissent superflues, mais dont les réponses permettent de découvrir la véritable histoire de cette jeune cité au peuplement rapide.

Les ruelles de Fadia sont très fréquentées ces derniers jours par les taxis collectifs qui font la navette entre la banlieue et les Parcelles Assainies. Les véhicules évitent la route principale rendue impraticable par les fortes averses enregistrées la semaine dernière. Ils empruntent ainsi les petites ruelles à la recherche de potentiels clients. Les chauffeurs se sont habitués à l’environnement et au paysage de cette zone  tampon entre la banlieue et le département de Dakar. Mais la plupart d’entre eux ignorent l’histoire de cette jeune cité qui a poussé à un rythme exponentiel en moins d’une vingtaine d’années. Les échoppes, boutiques et autres lieux de travail ont supplanté les dunes de sable et les montagnes recouvertes d’une végétation luxuriante. Il y a vingt-quatre ans, deux promoteurs immobiliers, Moustapha dit Yves Diagne et Mbackiou Faye se sont associés pour bâtir cette cité. Les deux hommes d’affaires avaient acquis cet espace auprès des Layènes ayant accepté de leur vendre leurs titres de propriété. Ils ont ensuite procédé au lotissement de l’endroit avant de le revendre à des particuliers. C’est ainsi qu’est née en 1993 la cité Fadia. Et l’appellation est venue des deux promoteurs. Chacun a choisi la première syllabe de son nom : «Fa» pour Mbackiou Faye et «Dia» pour Yves Diagne. Ils ont ainsi attribué 351 parcelles de 150 mètres carrés à raison de 1 800 000 Fcfa l’unité, soit 12 000 F Cfa le mètre carré. L’imam du quartier, Mouhamadou Bâ de préciser, qu’avec les frais de notaire, la parcelle est finalement revenue à environ 2 300 000 Fcfa à chaque propriétaire. L’imam de révéler qu’aujourd’hui en 2017, la parcelle est vendue entre 30 et 32 millions Fcfa. Si la maison se trouve à un angle, elle est monnayée à 33, voire 35 millions Fcfa, a confié l’imam Mouhamadou Bâ qui fait en même temps office d’adjoint au chef de quartier et l’un des premiers habitants de la localité. Les premiers occupants étaient des commerçants et des fonctionnaires. Le premier à s’installer sur les lieux est un commerçant du nom de Cheikh Camara. C’est ensuite que le célèbre contributeur dans les journaux en l’occurrence Mody Niang, à l’époque  Inspecteur de l’enseignement élémentaireà Pikine est venu s’installer avec sa famille, puis Mouhamadou Mbodj du M23, l’imam Bâ, l’ancien ministre de la Culture sous Wade Modou Bousso Lèye, etc. L’imam Bâ de se rappeler : «A l’époque, il faisait trop frais et il y avait beaucoup de moustiques. On priait même dans la mosquée pour que Dieu nous préserve de ces bestioles. Il y a eu des gens  qui ont revendu leurs maisons à cause de ces moustiques. Feu Commandant Malouf du service d’hygiène de Pikine nous rassurait en nous disant que ces insectes moustiques ne transmettaient pas de paludisme et nous  demandait de veiller à ne pas déverser d’ordures dans le lac d’à côté pour ne pas le souiller. Selon lui, il suffisait juste que les eaux soient infectées pour que les moustiques transmettant le paludisme fassent leur apparition dans la localité.»

LES «MODOU-MODOU» A L’ORIGINE DU PEUPLEMENT RAPIDE

Mody Niang, l’un des premiers occupants, se rappelle les champs d’oseille qui s’y trouvaient. Il dit s’étonner du peuplement très rapide de la zone. «J’étais Inspecteur départemental de l’enseignement élémentaire à Pikine et j’habitais une maison en location. En cherchant une demeure à moi, j’ai pu acquérir une parcelle à la Cité Fadia. Personne ne pouvait imaginer que ça allait grandir à ce point. C’est parce qu’il y a eu beaucoup d’émigrés notamment en Italie et en Espagne qui ont acquis des maisons à Fadia. Cela peut se comprendre. Dakar, étant la capitale où se concentrent toutes les activités économiques, forcément elle accueille du monde». En l’espace de cinq ans, 33% de la localité ont été habités. Les notables du quartier estiment être convaincus que la dévaluation du franc Cfa en 1994 a été avantageuse pour les «Modou-Modou» qui se sont offert en masse des maisons dans la cité. L’un des premiers notables du quartier, le vieux Ousmane Bâ de dire que ces émigrés ont joué un rôle majeur dans l’accélération du processus d’occupation et de peuplement de la zone. Aujourd’hui, il n’y a même pas dix parcelles nues à la Cité Fadia qui se délimite à partir du supermarché Score jusqu’au Lycée des Parcelles assainies. «Sinon, pour le reste, les gens l’appellent Fadia mais cela ne s’appelle pas ainsi», renchérit-il.  L’imam d’ajouter qu’en effet, c’est au milieu des années 90 que des quartiers comme Guentaba 1, Guentaba 2 et Guentaba 3 dénommé également Ndingala ont vu le jour. Dépotoirs d’ordures ou dunes de sable, ils ont  été terrassés puis lotis.

Comité de gestion

La Cité Fadia est à l’instar de nombreux quartiers, menacé par les problèmes d’homosexualité, de prostitution et de vente d’alcool. Il s’y ajoute des problèmes d’ordre infrastructurel que le comité de gestion de la localité tente de résoudre. Ce comité est une initiative des notables du quartier qui, à chaque fois que le besoin se fait sentir, avec l’appui de certains résidents, s’attaque à certains problèmes sans l’aide de l’Etat ou des collectivités territoriales. Leur slogan «Lou Niou Song Daan Ko» (Ndlr : Ensemble, nous vaincrons). C’est ainsi qu’ils ont réussi à chasser de leur localité, un groupe d’homosexuels qui était en location dans le quartier et qui n’hésitait pas à s’afficher ouvertement. De même, les notables renseignent avoir fait une pétition pour la fermeture de deux bars du quartier. Si l’un a fait faillite, l’autre résiste toujours et se trouve à vingt mètres du Lycée des Parcelles assainies (LPA). Cette réputation de Fadia comme refuge des prostituées et d’homosexuels a cependant tendance à disparaître selon le trésorier de l’Asc Guentaba, Tékhèye Faye Kounta, pour qui, cela était dû au fait que c’était un quartier calme.

D’après lui, ces adeptes d’une vie dissolue, fréquentent de moins en moins, cette localité devenue un quartier populaire. C’est par ailleurs, grâce à ce comité de gestion que le quartier a pu bénéficier de raccordement à l’eau et de branchement à des égouts. De même, l’éclairage public a été toujours assuré par les populations. «C’est récemment lors de la campagne électorale qu’on a pour la première fois obtenu l’installation d’une centaine de lampes de la part de la mairie», soulignent les notables du quartier qui veulent faire de Fadia, la cité la plus propre de Dakar. Pour cela, ils se cotisent pour payer des camions de ramassage d’ordures. Deux fois l’an, tous les habitants sortent pour de grandes opérations de nettoiement «Set Setal» suivies de reboisement. Actuellement, l’imam renseigne qu’ils ont pu mobiliser 17 millions Fcfa environ en l’intervalle de quinze mois pour refaire la mosquée. Ils doivent boucler le budget de 36 millions nécessaires pour mener à bien tous les travaux. Aujourd’hui, la zone dispose de trois terrains nus.

Et les résidents réfutent toute idée de construction sur ces sites. La dernière en date venait de la mairie de Golf Sud qui voulait ériger un foyer dans l’un de ces espaces vides. Mais la mairesse Aïssatou Sow Diawara s’est vue opposée un niet catégorique des habitants. Ces derniers veulent garder ces sites pour des aires de jeu, des espaces de loisirs ou d’endroits pour accueillir des manifestations publiques, sportives ou religieuses. Cependant, pour Mody Niang, Fadia a perdu de sa superbe et son calme légendaire. «Il y a beaucoup de bruit dans le quartier maintenant. Les enfants crient de gauche à droite, sans compter les ‘’gamou’’ et autres manifestations publiques de jour comme de nuit. La Cité Fadia est devenue comme la plupart des quartiers de Dakar, bruyante et peut-être même de plus en plus désordonnée.» Il se désole également des inondations causées, dit-il, par les gravats. «Jadis, c’était un quartier où les ruelles étaient très sablonneuses de sorte que même après une forte pluie, cinq voire dix minutes après l’eau s’infiltrait. Mais depuis quelques années, beaucoup de maisons sont inondées à la suite de fortes pluies. Les gravats sont une horreur pour Dakar. Les populations ne sont pas conscientes des dégâts que cela provoque. Les gens les étalent au-devant de chez eux quand ils construisent. Ce qui fait que l’eau ne s’infiltre plus, elle ruisselle. J’ai été même inondé une fois d’ailleurs alors que dix ans auparavant, c’était impensable ». En définitive, il souligne que le lotissement n’a pas été bien fait. «Les promoteurs cherchaient le maximum de profit. De ce fait, ils n’ont pas bien nivelé la zone. Ce qui favorise également des inondations parce que certaines poches notamment les points bas de la cité ne peuvent pas contenir toutes les eaux qui s’y déversent», conclut-il pour le regretter.

 

 

l’AS

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