Foreign corrupt practices act : Focus sur la loi qui a été fatale à Gadio
Cheikh Tidiane Gadio, l’ancien ministre des Affaires étrangères arrêté à New York pour corruption et blanchiment présumés, saura ce lundi s’il sera libéré sous caution ou s’il reste en prison. En attendant l’heure du verdict (20 heures Gmt), focus sur la Foreign Corrupt practices act, la loi qui lui a été fatale.
Donald Trump la qualifiait de « loi horrible ». La Foreign corrupt practices act (Fcpa), la loi américaine contre les pratiques de corruption à l’étranger, a été promulguée en 1977 par le Président Jimmy Carter. Au fil des années, elle sera modifiée et renforcée.
Onze années après sa promulgation, le texte fut amendé pour la mise en œuvre de la convention de l’Ocde sur la lutte contre la corruption. Et c’est cet amendement qui étendra le champ de la loi aux personnes étrangères et repoussera sa portée jusqu’au-delà des frontières américaines. Le ministère américain de la Justice et la Securities and exchanges commission (Sec) sont chargés de l’application de cette redoutable loi.
Ce texte a été mis en place contre le fait d’influencer les fonctionnaires étrangers avec des paiements personnels ou des récompenses pour l’obtention de marchés ou de faveurs. Il concerne toute personne ayant une connexion avec les États-Unis et se livrant à des pratiques de corruption à l’étranger.
La loi s’applique également à tout acte des entreprises américaines, des sociétés étrangères négociant des titres aux États-Unis, des ressortissants américains (Gadio semble être dans ce cas puisqu’il aurait acquis la nationalité américaine depuis 2000).
Aussi, des citoyens et des résidents agissant dans le cadre d’une pratique de corruption étrangère, qu’ils soient ou non physiquement présents aux États-Unis, sont tous susceptibles d’être dans le champ de la Fcpa. Laquelle exige aussi des sociétés dont les titres sont cotés aux États-Unis, de respecter ses dispositions comptables.
Avant Gadio, quelques géants…
Ces dix dernières années, le tableau des victimes de la Fcpa s’avère impressionnant. Que des mastodontes de l’économie mondiale ! Qui ont écopé de lourdes amendes pour avoir été condamnés pour corruption, versement de pots de vin, entre autres.
En 1988, par exemple, Siemens Ag a payé une amende record de 450 millions de dollars (environ 230 milliards de francs Cfa) pour avoir violé la Fcpa. Puis, en 2012, la firme japonaise Marubeni Corporation, écopera d’une amende de 54,6 millions de dollars Us (près de 28 milliards de francs Cfa).
Entre 1995 et 2004, le consortium Tksj (Technip, Snamprogetti, Netherlands Bv, Kellog Brown and Root Inc et Jgc Corporation) remporte quatre gros contrats au Nigeria d’une valeur de plus de 6 milliards de dollars. Cependant, ces contrats avaient été obtenus, selon la justice américaine, après le versement de 51 millions de dollars (plus de 30 milliards de francs Cfa) pour corrompre des représentants du gouvernement nigérian. Les entreprises le paieront cash, puisqu’elles seront sévèrement sanctionnées : elles seront condamnées à payer des pénalités criminelles et civiles d’environ 1,5 milliard de dollars (près de 1000 milliards de francs Cfa).
En janvier 2014, c’est au tour d’Alcoa de subir les foudres de la Fcpa. Sixième producteur mondial d’aluminium, la firme américaine plaide coupable pour corruption à l’étranger et écope une amende de 223 millions de dollars (plus de 112 milliards de francs Cfa).
Quatre années plus tôt, la firme mondiale de fabrication de matériels électroniques, Hewlett Packard (HP), est soupçonnée d’avoir versé 10,9 millions de dollars (plus de 7 milliards de francs Cfa) en pots-de-vin entre 2004 et 2006 au Procureur général de Russie. Ce, pour décrocher un contrat de 35 millions d’euros (plus de 21 milliards de francs Cfa). Elle plaidera coupable et acceptera de payer une pénalité de 32,5 millions (17 milliards de francs Cfa).
Alstom et Total dans les filets de la Fcpa
Même Alstom n’a pas pu échapper à la loi Fcpa. En effet, la société française qui a raflé le marché de production des 15 rames du Train express régional (TER) du Sénégal, avait été incriminée et condamnée pour avoir distribué des dizaines de millions de dollars de pots-de-vin dans plusieurs pays du monde, dont l’Indonésie, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et les Bahamas, violant ainsi la Fcpa. La justice américaine lui a infligé une amende record de 772 millions 290 mille dollars (près de 500 milliards de francs Cfa).
Total, le major français, qui vient de décrocher un contrat d’exploration pétrolière au Sénégal, a lui aussi, était épinglé. D’après le procureur général adjoint américain Mythili Raman, Total a « accepté de payer 245,2 millions de dollars (environ 148 milliards de francs Cfa) de pénalités monétaires pour violation de la Fcpa, en relation avec des paiements illégaux effectués par des tiers à un fonctionnaire iranien pour obtenir des concessions pétrolières et gazières ».
Et ce ne sont pas que les grosses firmes internationales et les hommes d’affaires qui ont fait les frais de la Fcpa. En effet, comme Cheikh Tidiane Gadio (présumé innocent), des hommes politiques ont aussi dû faire face à cette loi. Par exemple, William J. Jefferson, ancien membre du congrès américain a fait l’objet de poursuites pour avoir soudoyé des gouvernants africains afin d’obtenir des intérêts commerciaux.
L’ancien congressman « a été condamné à 13 ans de prison pour avoir utilisé son bureau pour corrompre via des pots-de-vin. Il a été condamné à une amende de 470 000 dollars (282 millions de francs Cfa) », renseigne le département de la Justice dans ses archives.
seneweb
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