Sénégal : Ces niches pour un financement domestique de la santé
Au Sénégal on est à 32 dollars (17.000 francs) par habitant consacrés à la santé, alors qu’il faut, selon les besoins et la barre fixée dans les objectifs du développement durable, sont de 45 dollars (24.000 francs). Il faut alors trouver d’autres sources domestiques de financement. Trouver les arguments pour faire un plaidoyer afin de faire passer le budget de 8% à 10% au moins chaque année. Dr Farba Lamine Sall, expert en économie de la santé au bureau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de Dakar, indique que cela «passera sûrement par la mobilisation du secteur privé investisseur».
Chercheur en économie de la santé au Consortium pour la recherche sur l’économie et le social (CRES) à Dakar, Dr Pape Boubacar Yona Mané est du même avis. Il ne pense pas qu’il faille chercher « à réinventer la roue. » « Ce qui a été inventé marche bien ailleurs. Les pays qui font mieux ont développé la santé autour des systèmes d’assurance ».
Dr Mané relève deux grands types de système d’assurance basés sur le travail comme en France et en Allemagne ou on coupe à la base de manière obligatoire. Pour le Sénégal, sa solution porte sur l’implication du secteur informel qui est très important. «D’abord en formalisant les entreprises du secteur pour connaître les revenus des personnes salariées et de les faire contribuer à l’élargissement de l’assiette des recettes fiscales », explique le chercheur au CRES pour qui le financement de la santé ne peut être réglé que par le travail et l’impôt global parce que le niveau de la santé dépend de la situation économique.
En plus de la nécessité de booster les sources domestiques de financement à partir du potentiel privé, Dr Farba Lamine Sall invite à la lutte contre « le gaspillage des ressources».
«Par exemple, les gains que l’on peut faire en termes d’efficience constituent notre première source de financement. A preuve, le rapport mondial 2010 de l’OMS indique que 20 à 40% de l’ensemble des dépenses de santé des pays à faible revenu, sont gaspillés à cause de l’inefficience », souligne-t-il.
Samba Cor Sarr du Comité d’éthique et scientifique au ministère de la Santé reconnaît ce fait mais affirme que le Sénégal est en train de faire «un effort au niveau de qualité dans l’utilisation des ressources disponibles ».
« C’est pourquoi, dans le cadre de la stratégie nationale de financement de la santé, ce point est mis en exergue afin de dégager des mécanismes d’efficience dans la dépense des ressources», relève-t-il.
Taxe-sida, taxe-tabac, CMU pour innover
Depuis 2013, le Sénégal a initié la Couverture maladie universelle (CMU) qui intervient dans le financement à travers la subvention des mutuelles et l’assistance médicale avec le système de gratuité.
Le financement effectif est apprécié à travers les dépenses de santé évaluées chaque année lors d’une enquête sur les comptes de la santé. Le taux de CMU est passé, depuis son lancement en 2014, de 20% à 47%, selon une annonce du président sénégalais Macky Sall, lors d’une rencontre sur la couverture santé universelle organisée par le Japon, le 19 septembre 2017.
«Depuis le lancement de cet important programme en 2014, 675 mutuelles de santé ont été installées dans les 552 communes du Sénégal et 2.428.258 bénéficiaires », a souligné le président sénégalais, cité par l’Agence de presse sénégalaise.
Farba Lamine Sall ajoute qu’avec l’absence de couverture risques maladies, ce qui est supporté par les populations par paiement direct est extrêmement important. La CMU a donc l’ambition de réduire cela en favorisant la mise en commun des ressources.
Pour le financement la lutte contre le Sida, Massogui Thiandoum renseigne que son organisation, l’Alliance nationale des communautés pour la santé (ANCS), a suggéré le prélèvement de 1% sur le salaire du dernier mois de chaque employé au Sénégal. La contribution serait de 5 milliards de francs, soit l’équivalent des dépenses annuelles dans la lutte contre le Sida. «L’idée est soumise aux autorités de la santé. Les experts réfléchissent sur la proposition, mais c’est lent», regrette M. Thiandoum.
Dans le flot de schémas possibles, Ousmane Amadou Sy, spécialiste en économie de la santé et directeur d’Oasysgroup, pense à l’implication des secteurs des télécoms, les services bancaires, les mines, les énergies, le tourisme, l’hôtellerie, etc. «L’Etat pourrait par exemple promouvoir et plaider davantage pour la RSE (Responsabilité sociétale d’entreprise) comme un levier de financement innovant de certains secteurs névralgiques de la vie nationale : santé, éducation, sécurité, environnement, etc. », propose M. Sy.
Dans le même ordre d’idée, on cite la taxe spéciale comme celle sur le tabac et l’alcool « même si l’imposition des taxes sur ces produits est généralement inéquitable, car ce sont principalement les pauvres qui consomment ces produits visés.», avance Farba Lamine Sall de l’OMS.
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