BARGNY, ENTRE ÉMERGENCE ET URGENCE ENVIRONNEMENTALE

Existe-t-il des solutions ou Bargny est-elle vouée à disparaître ? Dans un web-documentaire, Pierre Vanneste et Laurence Grun donnent à voir les conséquences de la pollution et de l’érosion côtière dans cette petite commune située à 30 kilomètres de Dakar

De petites maisons de pêcheurs qui contrastent avec l’énorme usine en arrière-plan. Un récit en noir et blanc, pour des séquences de témoignages par la voix des habitants qui racontent les difficultés auxquelles Bargny fait face quotidiennement. C’est ainsi que Pierre Vanneste et Laurence Grun, réalisateurs Belges basés à Bruxelles, ont choisi de raconter cette commune de la banlieue de Dakar dans leur web-documentaire « Bargny, ici commence l’émergence ».

Depuis soixante-dix ans, Bargny est soumise aux effluves polluants de la cimenterie Sococim appartenant au groupe français Vicat, l’une des plus grandes de l’Afrique de l’Ouest. À cette pollution de l’air s’ajoute l’érosion côtière, accentuée par le réchauffement climatique. Certaines maisons sont menacées par la montée des eaux.

Mais Bargny n’est pas au bout de ses peines. En 2008 a débuté la construction d’une centrale électrique à charbon qui doit assurer 12% des besoins du Sénégal en électricité, mais qui contribue, aussi, à polluer davantage encore cette zone côtière. Et à cinq kilomètres de Bargny, un autre chantier inquiète les habitants : celui du nouveau pôle urbain de Diamniadio.

Quelle croissance ?

Les habitants, qui ont organisé en 2013 une marche pour attirer l’attention du gouvernement, se sentent seuls face à ces défis. La tension est d’autant plus vive que la zone attribuée à la centrale à charbon avait précédemment été accordée aux populations victimes de l’érosion côtière.

« L’émergence commencerait d’abord par la justice sociale. Équitable pour tous. C’est pourquoi, je ne crois pas à ce Sénégal émergent. Pour moi, ce n’est qu’une parole creuse. Tout comme la croissance de 6,5%. Nous sommes devenus plus pauvres. On n’a même pas l’argent pour se faire soigner, ni pour acheter le gaz, ni pour le pain, ni pour manger les trois repas [quotidiens]. Donc, cette croissance dont ils se targuent, si on ne la sent pas au niveau des populations, ça sert à quoi ? », s’interroge un homme face à leur caméra.

En 2014, le président sénégalais a adopté le Plan Sénégal Émergent (PSE), « un nouveau modèle de développement pour accélérer sa marche vers l’émergence », dont le web-documentaire a tiré son titre. Un plan qui a pour objectif de faire accéder le Sénégal à la « modernité » d’ici à 2035. « Une promesse certes séduisante, mais qui n’est pas sans conséquences », soulignent les auteurs du web-documentaire.

« Nous sommes au courant des inquiétudes des habitants. Notre position est claire : nous sommes pour une ville moins polluée, à défaut de pouvoir dégager ces entreprises polluantes. L’objectif est alors d’intégrer ces industries », explique Lamine Seck, chargé des relations publiques à la mairie de Bargny.

Dialogue avec les autorités

Installée en 2014, la nouvelle équipe du maire Gaye Abou Ahmed Seck s’est « retrouvée face à une situation compliquée, qui précédait [son] arrivée ». L’équipe a convoqué une première réunion publique en septembre 2016 pour discuter de la construction de la centrale à charbon, lors de laquelle « les habitants ont eu la possibilité de se prononcer », affirme Lamine Seck. « Il n’y avait jamais eu de concertation entre la centrale et le pouvoir local. À la suite de nombreux débats, les réunions publiques ont abouti à la signature d’un protocole », précise-t-il.

Le document porte sur quatre engagements majeures. Premièrement – et avec la garantie de l’État sénégalais -, la centrale sera convertie du charbon au gaz. De plus, le plan prévoit le relogement des habitants dont les maisons ont été détruites, le développement de plusieurs projets éducatifs et environnementaux par la Senelec (entreprises publique d’électricité)  ainsi que la construction d’une maison de l’environnement du Sénégal.

En outre, une structure verra le jour grâce à laquelle « on pourra mesurer et surveiller notre qualité de l’air », confirme le maire Gaye Abou Ahmad Seck. « Oui, nous sommes confrontés à un certain nombre de défis et nous travaillons activement pour les résoudre avec le gouvernement. Nous proposons une solution de relogement qui concernera 450 foyers. La zone a déjà été identifiée et nous avons réussi à négocier avec la Senelec, qui versera 1 milliard de francs CFA », annonce le maire, par ailleurs membre de l’APR, parti au pouvoir.

Gaye Abou Ahmad Seck se veut rassurant : « Il faut recontextualiser la situation : Bargny est au cœur d’un projet de développement dont on pourra tirer profit. Nous sommes dans une dynamique positive, on travaille pour trouver des solutions. Bargny ne va pas disparaître. »

jeuneafrique

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