Sénégal : pour une formalisation de … l’informel (chercheur)

Qualifié à tort ou à raison de « dynamique », le secteur informel reste une équation pour experts et décideurs : là où certains vantent son rôle de soupape de sécurité sociale et sa capacité à générer des emplois, d’autres le dénigrent pour sa faible contribution aux recettes fiscales, son manque de régulation et de contrôle, des mécanismes qui pour les économistes demeurent importants pour la survie économique. Dr Alioune Diouf, qui vient de soutenir une thèse de doctorat sur le sujet propose une « formalisation encadrée » de ce secteur. Explications !

Il faut donc « aller vers la formalisation du secteur informel, en l’encadrant pour pouvoir accroître la productivité et générer des revenus afin de les fiscaliser dans le temps », a indiqué cet ancien inspecteur du Trésor, Alioune Diouf.  «Et comme il existe une niche au niveau de secteur informel, nous pensons qu’en appréhendant cette option on peut augmenter les recettes fiscales ».

Dr Alioune Diouf s’entretenait, le 22 novembre 2018 avec Ouestaf News en marge de la cérémonie de soutenance à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar de sa thèse de doctorat d’Etat sur le thème : «La fiscalisation du secteur informel».

La  formalisation de ce secteur « va passer par différentes mesures (…) notamment par la mise en place d’une politique fiscale, de contrôle, de lutte contre la corruption, mais aussi l’application de pénalités », a défendu le Dr Alioune Diouf. Une stratégie qui passe par l’adoption de ce qu’il appelle des mesures « auto-fiscales », en même temps que l’accompagnement par un outil de formalisation.

Selon Dr Diouf, « l’Etat du Sénégal est dans un contexte de recherche d’accroissement de ses recettes fiscales (…) et comme il existe une niche au niveau de secteur (…) nous pensons qu’en appréhendant cette option on peut augmenter les recettes fiscales ».

Le secteur informel sénégalais ne contribue qu’à hauteur de 3% des recettes fiscales intérieures « en dépit de la mise en place de la Contribution Global unique (CGU) », souligne une étude de la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), consulté par Ouestaf News.

La CGU visait entre autres un « élargissement » de l’assiette fiscale en incluant les entreprises, les très petites entreprises ainsi que les petites et moyennes entreprises du secteur informel.

Ce secteur génère « des ressources mais est mal fiscalisé parce que quand ce n’est pas formalisé, identifié, tracé, les chiffres vont s’avérer volumineux  (…) mais ne seront pas rentables », souligne de son côté Abdou Seye, un inspecteur principal du Trésor interrogé par Ouestaf News.

Alors, «pour plus d’équité, il faut fiscaliser le secteur informel mais sans pour autant décourager ses entreprises dans la production des richesses», soutient le Dr Alioune Diouf. Toutefois, les experts reconnaissent la difficulté et la délicatesse d’une telle entreprise.

Selon la DPEE, les entreprises du secteur informel sont souvent inconnues au niveau de l’administration fiscale et les entrepreneurs font souvent «des sous-déclarations».

Pour l’inspecteur principal du Trésor, Abdou Sèye, la formalisation du secteur informel passera nécessairement par « l’identification et le recensement des entreprises du secteur informel. Mais, s’empresse-t-il  de clarifier, « il ne faudra pas aussi taper fortement sur le secteur informel jusqu’à l’étouffer (puisque) trop d’impôt tue l’impôt ».

En 2011, une Enquête nationale sur le secteur informel au Sénégal (ENSIS) publiée en par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) informait que ce secteur représente 41,6% du produit intérieur brut (PIB) et emploie environ 48,8% de la population active (non agricole).

En Afrique subsaharienne, le secteur informel représente entre 25% et 65% du PIB et entre 30% et 90% de l’emploi non agricole, selon l’édition 2017 des Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne du Fonds monétaires international (FMI).

Ce rapport fait ressortir que la part de l’économie informelle décroit quand le niveau de développement augmente.

Au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au  Ghana, en Guinée, et Guinée-Bissau et au Niger, le secteur informel représente 30 à 40% du Produit intérieur brut (PIB), selon le FMI.

Au Nigeria, première économie de l’Afrique subsaharienne, le secteur informel représente entre 50 et 65% du PIB, souligne la même source.

Malgré ce « dynamisme », la productivité de ce secteur est cependant plus faible que dans le secteur formel.

« La productivité des entreprises ne s’élève qu’à un cinquième ou un quart de celle des entreprises formelles », indique le FMI.

« Les autorités doivent donc adopter une stratégie équilibrée afin de formaliser le secteur informel en s’attachant à en accroître la productivité, tout en promouvant l’expansion des entreprises formelles », recommande l’institution économique.

ouestaf

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