Avant-première mondiale de Yao, avec Omar Sy

Un film drôle et touchant, un regard à la fois frais et positif, un très attachant duo Yao-Seydou, des sourires complices, quelques pas de danse déjantés, ou l’art d’écouter le silence. C’est un peu tout cela Yao, long métrage du réalisateur français Philippe Godeau, avec Omar Sy, le plus sénégalais des acteurs français, et le très prometteur Lionel Basse. Un film projeté ce mardi 11 décembre au Grand Théâtre. En avant-première mondiale.

C’est un homme qui s’est peut-être perdu, ou alors se cherche-t-il, ce Seydou Tall…Vie de famille compliquée, comme on dit aux curieux, quand on veut en dire le moins, et qu’on en suggère tout de même davantage…C’est aussi le père d’un gamin balloté entre papa et maman. Sans faire dans le détail indiscret (les ellipses au cinéma servent aussi à cela), l’histoire raconte d’ailleurs que le bonhomme, qui vit en France, n’a peut-être pas toujours été un père ou un époux présent, disponible.

Son voyage au Sénégal ? Appelons cela, pour faire court quand bien même il s’agit d’un long métrage, un retour au bercail, un retour aux sources. Les voyages font parfois cet effet-là, vous réconciliant avec vous-même, ou avec l’essentiel, dépoussiérant vos vieilles habitudes et votre bonne vieille petite routine confortable.

Seydou Tall, c’est Omar Sy, l’acteur chouchou des Français. Si la ressemblance n’est pas fortuite, elle ne s’arrête certainement pas là : Seydou Tall est aussi acteur de cinéma, français d’origine sénégalaise, comme Omar Sy lui-même, sauf que le personnage est aussi l’auteur d’un bouquin autobiographique où il raconte sa vie, celle d’un ancien enfant des «cités», à l’époque où «Il était jeune dans les Yvelines».

A l’écran, la scène est tordante, le livre finit entre les dents d’une petite chèvre un peu comme celle de monsieur Seguin, mâchouillé comme de vulgaires feuilles…de choux…Puis sauvé de justesse par une bande d’écoliers. On le raccommodera, entre un grossier fil rouge, quelques clous et coups de marteau, et la lueur pleine d’espoir d’une bienveillante lampe tempête.

C’est cet ouvrage qui va justement jouer les intermédiaires avec le personnage de Yao, interprété par le très jeune Lionel Basse, qui n’a pas vraiment sa langue dans sa poche ; à la vie comme à la ville d’ailleurs. Le public du Grand Théâtre de ce mardi 11 décembre pourra en témoigner…

Face caméra cette fois, disons que pour rencontrer son idole, Yao est vraiment prêt à tout : la fugue, braver les interdits, vivre dangereusement, avaler les 387 kilomètres qui séparent son Kanel natal, au nord du pays, de Dakar la capitale, resquiller, avec la complicité du boubou de la voisine, faire profil bas quand on le traite de voyou…

Yao, petite bulle de fraîcheur…

Sans oublier que d’une certaine façon, c’est encore cet ouvrage-là qui va comme qui dirait jouer les traits d’union ; entre Seydou Tall…et Seydou Tall lui-même. L’histoire lui taille parfois une destinée de baobabs (ils sont très présents dans le film) : droit dans ses bottes, majestueux, les racines enfouies dans le sable chaud, pas anesthésié. Il y a d’ailleurs cette scène-là, où Omar Sy, pardon…Seydou Tall, va se brûler la voute plantaire, en voulant marcher pieds nus… Il y a des sensations comme celles-là, qui vous rabibochent avec la terre, vous remettent les idées en place, vous équilibrent, vous redonnent foi…

Idem pour la rencontre avec Yao, une bulle d’air et de fraîcheur à lui tout seul ! Comment dire…Yao, il est espiègle, c’est un passeur d’essentiel (s), une vraie pipelette qui a toujours tellement de choses à dire, de l’irrévérence à revendre, un petit curieux qui rêve d’être astronaute, et qui parle de Mars avec passion.

Yao, le film, c’est une sorte d’éternel voyage, un côté road movie façon Thelma et Louise ; sans Thelma, sans Louise, ni cadavre dans le placard. A la place, une belle histoire entre un adulte déboussolé et un gamin-boussole.

Yao, c’est aussi un autre regard, à la fois frais et positif, sur la vie, sur les choses et les gens, sur le temps qui passe, sur la Providence, les petits riens, la générosité des petites gens…Sans parler de tous ces petits et grands silences, ou les fervents recueillements à l’heure de la prière, qui sont autant de respirations et de re-créations : l’art d’écouter le silence.

On aime la générosité d’acteur d’Omar Sy, son incomparable sourire à pleines dents, son côté monsieur-tout-le-monde pour ne pas dire monsieur «normal», ses pas de danse déjantés, la danse du filet de poisson par exemple (en wolof ça mord davantage), la très touchante complicité qu’il y a entre Yao et Seydou…

Pareil pour la musique du film, toujours très à propos faut-il ajouter : le tranchant d’un harmonica, des notes de jazz, le son du tam-tam ou des airs de musique pour la route…Au volant d’une vieille guimbarde poussière, dont on s’attend forcément à ce qu’elle finisse par crever.

Tourné au Sénégal, entre Dakar, Thiès, Saint-Louis, Podor, Loumpoul et Diofior, Yao vous fera peut-être sourire : on y vend des babioles aux touristes, le bakchich fait partie du deal, on y parle de bouchons de circulation, mais sans la pression du quotidien, sans le jugement moralisateur. Le regard est neuf, pas délavé, les gestes simples, tendres. Cela suffit.

Réactions

PHILIPPE GODEAU, REALISATEUR DU FILM YAO, AVANT LA PROJECTION : «J’ai voulu transmettre les valeurs que…»

Le film a été principalement tourné au Sénégal : un jour à Paris et deux mois et demi au Sénégal. Pourquoi ce film ? Voilà, quand j’étais adolescent, je venais voir mon père en Afrique et je pense que ces voyages ont fait un petit peu ce que je suis aujourd’hui et j’avais envie, grâce au cinéma, d’essayer de transmettre ce que ça m’a laissé, les valeurs que ça m’a données. (…) J’ai essayé de mettre ça dans le film. (…) J’ai eu beaucoup de chance, non seulement c’est l’acteur numéro 1 français (le public applaudit, Ndlr), mais c’est un homme exceptionnel, qui a des valeurs qui sont, j’espère, proches des miennes.

On dit qu’il n’y a pas de hasard (j’ai mis ça dans le film), que c’est Dieu qui se promène incognito. Alors je ne sais pas si c’est Dieu ou le hasard, mais en tout cas ça nous a permis de rencontrer Lionel (Lionel Basse, dans le rôle de Yao, Ndlr). Je crois qu’on a vu 600 enfants au Sénégal, et ce n’est pas comme si j’avais hésité entre plusieurs. On a eu Lionel, voilà. (…) Quand on l’a rencontré il était en CM1, c’était le premier de sa classe (…), et à son dernier bulletin il a eu 17,9 de moyenne. On peut faire du cinéma et faire des études.

HUGUES DIAZ, DIRECTEUR DE LA CINEMATOGRAPHIE : «C’est un film qu’on recommande»

Yao, c’est d’abord le synopsis, le texte, le récit, et moi j’ai surtout été admiratif des paysages. C’est la rencontre des origines, du pays d’origine, mais c’est tout un voyage à travers le Sénégal, dans ce qu’il a de plus naturel. Moi j’ai été impressionné par des symboles forts, et surtout on a vu un peu le grand jeu de Omar Sy, c’est ce qu’on attendait aussi : un homme très réceptif. Ce n’était pas du tout évident la première fois que j’ai lu et que je les ai vus à l’épreuve un peu dans les tournages, mais c’est là que j’ai compris qu’être un acteur professionnel demandait de grandes dispositions : d’humilité, d’adaptation, et vraiment, cerise sur le gâteau, le jeune Yao a été exceptionnel. En tout cas c’est un film qu’on recommande, non seulement pour son potentiel culturel, traditionnel. C’est un film très profond.

OUSMANE WILLIAM MBAYE, REALISATEUR : «Une autre facette de la  personnalité de Omar Sy»

Moi j’ai trouvé le film très bien, intéressant, et ce qui m’a surpris, c’est que le comédien Omar Sy, qui d’habitude fait des rôles beaucoup plus comiques, dans ce film il nous présente une autre facette de sa personnalité et de son talent, qui est un travail beaucoup plus intérieur, et ça m’a surpris agréablement. Ça veut dire que le meilleur acteur français aujourd’hui a plusieurs registres sur lesquels il peut travailler. (…) Pour moi, ce film, c’est un bon road-movie pour un voyage intérieur.

JOHNNY SPENCER DIOP, DISTRIBUTEUR INDEPENDANT, EXPLOITANT, CONSULTANT EN MATIERE D’EXPLOITATION : «Les cinéphiles sont encore là…»

Je pense que c’est un très bon film. Bon, peut-être qu’il y a eu quelques problèmes au niveau de la projection, mais sinon, dans l’ensemble, je pense que ça a été une bonne chose de projeter le film ici, en avant-première mondiale. Il se trouve aussi que le public est venu très nombreux, la salle était archi-comble, et ça montre que les cinéphiles sont encore là, ils sont toujours là, ils sont présents quand il y a de beaux événements, de beaux films. Je pense aussi que Omar Sy est à féliciter, ainsi que toute son équipe, du fait que, ils ont choisi Dakar, le Sénégal, pour lancer le film en avant-première mondiale. Je pense que c’est une bonne chose, et j’espère que ça fera tache d’huile, que tout le monde puisse se dire : effectivement, il y a des choses possibles au Sénégal. Maintenant, j’aurais aimé que, quand il y a ce genre d’événements, qu’on associe au moins les professionnels du secteur, qui sont dans la distribution, l’exploitation, pour leur donner le maximum de chances d’avoir une bonne projection, pour un film aussi important.

 

Sud

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