«IL Y A UNE RELATION DE CAUSE A EFFET ENTRE L’HYDROQUINONE ET LE CANCER»: (Dermatologue)

Dermatologue de son état, Dr Ibrahima Ndiaye revient sur les maladies de la peau mais aussi sur la dépigmentation, un phénomène qui prend de l’ampleur avec l’utilisation de l’hydroquinone, des corticoïdes, mais aussi et surtout du gluthiation.

Selon le spécialiste, il y a une relation de cause à effet entre l’hydroquinone et le cancer.

L’AS : est-ce que vous pouvez nous définir ce qu’est la dermatologie ?

Dr Ibrahima Ndiaye : Beaucoup de gens ne comprennent pas ce qu’est la dermatologie. La dermatologie, c’est la dermato-vénéréoallergologie. Pourquoi ces trois terminologies ? La dermatologie, c’est toutes les maladies qui touchent la peau. La peau est très vaste et il y a ce que l’on appelle la peau glabre, c’est-à-dire la peau où il n’y a pas de poil comme au niveau du cuir chevelu ; les maladies qui y touchent sont l’apanage du dermatologue. Les maladies qui touchent les ongles aussi sont du ressort du dermatologue. Allergologie, parce que beaucoup de maladies allergiques se reflètent sur la peau et c’est le dermatologue qui les soigne. Il y a un module spécial, appelé allergologie dans notre spécialité. Un autre domaine que les gens oublient est la vénéréologie ; ce n’est pas une maladie des veines, mais c’est tout ce qui touche les infections sexuellement transmissibles comme les pertes blanches pour la femme. Pour les hommes, il y a beaucoup de pathologies sur le plan génital, c’est le dermatologue qui les soigne. Le dermatologue est très outillé pour soigner des maladies sur le plan génital aussi bien chez l’homme que chez la femme. Beaucoup de gens ignorent ce côté. Si c’est un homme qui a un problème sur la partie génitale, on l’envoie chez l’urologue et si c’est une femme on l’envoie chez le gynécologue. Certes, nous partageons ces pathologies avec eux.

Quelles sont les maladies de la peau les plus fréquentes?

Aujourd’hui, parmi les maladies de la peau les plus fréquentes, on peut citer : la dermatologie infectieuse, la dermatologie bactérienne et virale. Ce sont des maladies liées aux microbes, aux champignons. En dehors de ces pathologies infectieuses, il y a une pathologie qui est extrêmement fréquente, c’est l’acné. C’est un problème qui touche beaucoup plus les femmes puisqu’il interpelle la beauté. Il pose un problème de traitement chez beaucoup de médecins et le traitement n’est pas si facile que les gens le croient. C’est l’une des pathologies les plus faciles à diagnostiquer, mais très difficiles à traiter. Il y a d’autres qui sont aussi fréquentes comme la dermatite atomique ou l’eczéma atopique communément appelé «ndokhou citi», en wolof. Elle est un peu liée à l’asthme, ce sont deux maladies apparentées. Elles se manifestent par des lésions sur la peau, sous forme de grattage ou de clave qui perturbe l’ambiance de la famille. Le traitement n’est pas si difficile, mais c’est très long. Il se fait cas par cas et peut aller jusqu’à 12 ans. C’est une pathologie qu’il faut expliquer à la famille. Sa fréquence est liée à l’industrialisation et elle est plus fréquente en milieu urbain qu’en milieu rural.

Qu’est-ce qu’il faut faire pour éviter ces pathologies ?

Il faut lutter contre l’urbanisation, la pollution. Le ministre de l’Environnement doit s’y mettre. Il y a aussi des facteurs individuels et d’hygiène. Quand je parle de la dermatologie infectieuse, c’est un problème d’hygiène collectif et individuel. Ces pathologies sont liées au climat, à la promiscuité et à l’humidité. Ces facteurs jouent un rôle important dans la transmission de cette pathologie. Il faut assainir l’environnement et expliquer aux gens comment il faut faire en sorte que l’hygiène se fasse de façon individuelle et collective.

Parlons de la dépigmentation, quelles sont ses conséquences sur la peau ?

La dépigmentation est un phénomène qui a toujours existé dans notre histoire, même du temps de la colonisation. Les esclaves utilisaient des produits à base d’hydroquinone pour se dépigmenter dans le but de se rapprocher du maître. A cette époque, il y avait vraiment le complexe de supériorité entre les maîtres et les esclaves. Elle est arrivée au Sénégal dans les années1966avec l’apparition des femmes commerçantes qui partaient en voyage. Elles se rendaient dans les pays comme le Zaïre et les pays anglophones. Ce sont ces femmes qui ont importé la dépigmentation. Elle a connu des évolutions au Sénégal avec l’utilisation des produits acides et toxiques comme l’eau de javel. Les dames utilisaient n’importe quoi. Aujourd’hui, il y a deux produits qui sont utilisés sur le marché, les corticoïdes et l’hydroquinone. L’hydroquinone est un produit très dangereux. Il y a même des relations de cause à effet entre l’hydroquinone et le cancer. L’effet secondaire le plus classique que l’hydroquinone peut donner, c’est que lorsqu’on est en contact avec le soleil, il y a un phénomène réactionnel de phototoxique cutané qui fait que le produit développe des réactions cutanées locales là où le soleil tape. On a au niveau du dos ce que l’on appelle «thiere», en français on appelle cela la pseudohochronose exogène. Il y a aussi les tâches noires sur le visage que l’on appelle les lunettes, des tâches noires au niveau des extrémités des membres supérieurs et inférieurs. L’autre produit, ce sont les corticoïdes. Ce sont des produits qui ne doivent pas être vendus sur le marché public. Ce sont des produits classés tableau, qui ne doivent être vendus que dans les pharmacies. Ce sont des produits anglophobes qui filtrent le marché et sont vendus comme des bonbons et qui contiennent cette molécule que l’on voit dans tous les tubes appelés le clobetasol. Ils sont utilisés par les femmes avec des quantités extrêmement importantes. Ils donnent des effets secondaires sur le plan local et général. Sur le plan local, on peut avoir de l’acné, des vergetures, des poussées de poils, le vieillissement de la peau. L’utilisation des corticoïdes rend la peau fragile aux infections. Les femmes qui se dépigmentent développent des infections à type de champignons, de gale, de bactéries. Elles développent aussi un tableau de Risi pèle de la jambe qui, s’il se développe et n’est pas bien traité, peut conduire à la mort. Il est important de situer tous ces effets secondaires liés aux corticoïdes. En les utilisant sur de longues durées, les corticoïdes passent par le sang. Tout produit que l’on dépose sur le corps franchit la barrière cutanée et passe dans le sang. En passant dans le sang, ils peuvent donner un diabète, une hypertension artérielle, mais aussi perturber le cycle gynécologique de la femme. Chez une femme enceinte, on peut avoir un tableau de prématuré ou des avortements précoces. Les corticoïdes ne restent pas sur la peau, mais ils passent dans le sang et donnent des effets secondaires très graves.

Il y a aussi d’autres produits comme le gluthiation ?

Aujourd’hui, les femmes se lancent dans l’utilisation de cette molécule que l’on appelle le gluthiation. C’est un produit utilisé en milieu neurologique. Les gens ont constaté que son utilisation sur des pathologies neurologiques conduisait à dépigmenter la femme, et c’est comme cela qu’ils ont dévié ce produit vers la peau. Si on l’utilise, il peut donner des complications neurologiques extrêmement graves. Il faut éviter de l’acheter sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas un médicament que l’on doit acheter de gauche à droite. Aux Etats Unis, c’est le gluthiation 2000 qui est permis dans les instituts de beauté. Et là-bas, on ne vient pas dans un institut de beauté et dire : je veux m’éclaircir. On vous signe des protocoles pour rajeunir la peau. Dans ces instituts de beauté, c’est juste 10 injections de gluthiation. Au Sénégal, j’ai vu des gens qui utilisent le gluthiation 75000. S’agissant de ses effets secondaires, on peut en mourir.

Qu’est-ce que l’on doit faire pour sensibiliser les femmes sur les effets nocifs de la dépigmentation ?

Il faut descendre à la base, notamment dans les écoles. Il existe une association dénommée «Aida» qui effectue un travail colossal. Et je pense que le travail a répondu, puisque les statistiques montrent que la dépigmentation a diminué au Sénégal. La presse aussi doit jouer son rôle en parlant des sujets qui peuvent être utiles pour la population.

L’AS

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