LES FAKES NEWS SONT DEVENUS INTEGRANTES DE LA COMMUNICATION

Le journaliste et formateur au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) de l’université Cheikh anta diop de dakar (ucad), Mame Less Camara n’en peut plus de la «dictature» des fausses informations communément appelées fakes news ou infotox qu’il assimile à la propagande particulièrement dans un contexte de guerre des chiffres entre pouvoir et opposition au sujet du scrutin du 24 février dernier.

«Vérifier», «recouper», «démentir» avec des formules de politesse du genre : «Mes chers amis, on m’a appris de par les médias que des bruits courent… Je précise que c’est du pur mensonge et que des gens mal intentionnés ont essayé de pirater mon compte pour glisser ce fake news…». De nos jours, les journalistes, les hommes politiques, les religieux et les simples citoyens passent un temps fou à longueur de journée à vérifier, recouper et à démentir des infotox.

A l’heure des réseaux sociaux, la parole est libérée. Chacun avec son téléphone portable est émetteur et diffuseur d’informations fausses ou vraies. «Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel», disait l’écrivain italien Umberto Eco (1932-2016).

Faisant l’historique des fakes news, Mame Less Camara estiment qu’elles datent des années hitlériennes avec Joseph Goebbels dont le nom reste indissolublement lié à l’emploi des techniques modernes de manipulation des masses. «Goebbels disait à ses soldats, mentez, mentez, il en restera toujours.

C’est la théorie du complot avec mille entrées et mille sorties où la vérité se perd», fait remarquer le journaliste-formateur au Cesti et très respecté dans la profession. Plus récemment, Mame Less Camara fait remonter le phénomène des fakes news à la naissance du journalisme citoyen aux Etats Unis. Des années plus tard, le journalisme citoyen est arrivé en France. «Nos pays ne sont que la troisième vague de cette manière de faire du journalisme par de simples citoyens, avec la vérification, l’éthique et la déontologie, en moins.

Aujourd’hui, on a convaincu les gens que l’on peut s’informer à travers les réseaux sociaux, ce qui n’est pas vrai», recadre l’ancien directeur de Walf Fm. Avec les fakes news, soutient-il, on fait dans la diversion pour mieux détruire l’autre. D’autant plus que tout se passe comme si l’esprit humain est attiré par cela. Il déplore aussi le fait que les médias du service public qui devaient balancer certaines informations ont tardé à faire leur mue et par conséquent sont en retard sur le public. «Si l’antidote du fact checking n’a pas encore prospéré au Sénégal, c’est parce qu’il s’est développé en marge des organisations professionnelles».

Mame Less Camara : «IL Faut protéger Les Journalistes»

Par ailleurs, Mame Less Camara a fait un vibrant plaidoyer pour la participation des journalistes dans l’actionnariat des organes de presse dans lesquels ils évoluent. «Le mode de financement doit être revu, il n’est plus question que l’on finance à travers l’aide à la presse certains pionniers qui ont le mérite de prendre des risques». En disant cela, Mame Less Camara est conscient que le journalisme est la profession la plus exposée.

«Il faut protéger les journalistes», a-t-il plaidé. Il estime également qu’à l’avenir, les médias privés doivent être financés au même titre que ceux du public. Analysant le scrutin présidentiel du 24 février dernier, à l’aune des «fakes news» avec la guerre des chiffres au sujet des résultats, l’ancien directeur de Envi Fm, Océan Fm et de Wal Fm considère que «les fakes news sont devenues partie intégrante de la communication politique .

La génération communication est au pouvoir. Et cette élection présidentielle a conforté cela. Parce que du côté du pouvoir comme de l’opposition, on a essayé de vendre les candidats comme des produits marketing, en conformant les discours avec les attentes du public. Et dans ces circonstances, le citoyen n’est pas dans le sac à malice pour séparer la bonne graine de l’ivraie». Tout en reconnaissant la bonne campagne de Ousmane Sonko avec un discours qui a convaincu la diaspora, il estime qu’une fois confronté à la réalité, Sonko a été englouti dans la masse. «La réalité l’a rattrapé avec son manque d’appareil», analyse-til.

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