Exclusif : Les confidences de la Présidente de l’Ethiopie chez Bruno Diatta
Sahle-Work Zewde, Présidente de l’immense Ethiopie est une femme triste, mais digne. Regard sombre, elle fait bonne figure, la mise soignée, elle pénètre à pas feutrés comme si elle marchait sur des œufs dans la villa située au quartier dakarois de Fann Résidence, chez Bruno Diatta, le défunt chef du protocole de la Présidence de la République. C’est un bout de femme avec une grande stature et un titre gratiné de Présidente de la république d’Ethiopie, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique après le Nigéria.
Face aux membres de la famille de Bruno Diatta, son petit frère Benjamin, son épouse Thérèse Turpin toujours ravagée par le deuil mais debout, «le patriarche» ami de la famille Talla Cissé, ancien chef de cabinet de Abdou Diouf et son épouse, l’ancien ambassadeur Henri Antoine Turpin, Jean Charles Faye, Pierre Edouard, le fils de Bruno etc…Toute la fratrie est là. Malgré, la fatigue du voyage, son avion a atterri il y a à peine trois heures, malgré l’atmosphère lourde, la Présidente de l’Ethiopie se laisse guider par son cœur qu’elle ouvre comme un livre : «J’ai laissé mon cœur au Sénégal. Quand je suis arrivée en 1989, j’ai été adoptée par cette famille. Je suis heureuse d’être membre de cette famille et Bruno est à la base de tout ça.» La famille s’est dite honorée de cette visite et a remercié avec gratitude la Présidente qui, malgré un agenda chargé, a tenu à présenter ses condoléances et prier pour le repos de l’âme de Bruno Diatta. En marge de cette visite, elle a accordé un entretien à Igfm pour parler du Sénégal, du crash d’Ethiopian Airlines et de la place des femmes. Le tout l’œil rivé sur sa montre…
« Le Sénégal m’a adopté grâce à Bruno »
Madame la Présidente, dès que vous êtes arrivée, vous avez tenu à venir présenter vos condoléances à la famille de Bruno, que représentait-il pour vous ?
Bruno était un grand ami, c’est bien évidemment l’une des premières personnes que j’ai connues en arrivant au Sénégal. Puisqu’il était le chef du protocole de la Présidence. Donc, c’est lui que j’ai rencontré en premier, quand je suis arrivée dans ce pays. Et j’ai comme l’impression qu’il m’a adopté dès le premier jour et nous sommes restés très liés. C’était un grand diplomate, avec les qualités qu’on lui connaissait, efficace, discret, fidèle en amitié. Et donc c’est un ami, un frère que nous avons tous perdu. C’est ce que je garde de lui.
«Le Sénégal m’a beaucoup apporté»
Vous disiez devant la famille que vous aviez laissée votre cœur au Sénégal, c’est ce que le Sénégal représente pour vous ?
Le Sénégal a été mon premier poste d’ambassadeur. Donc cela compte énormément. En venant au Sénégal, j’ai été la deuxième femme de la diplomatie éthiopienne à être nommée ambassadeur avec un groupe qui était réservé exclusivement aux hommes. Je suis venue dans un pays où j’ai découvert la démocratie, la liberté de pensée, de réfléchir et qui donne libre accès à une contribution dans la marche du monde. Le Sénégal m’a beaucoup apporté. Déjà, c’est le premier pays, ça marque. Ensuite, quand on est adopté comme je l’ai été et que l’on y apprend beaucoup et qu’on essaie d’apporter nos ambitions pour le renforcement des relations entre l’Ethiopie et le Sénégal, je crois qu’on laisse quelque chose.
Vous avez quitté le Sénégal en tant qu’ambassadeur, aujourd’hui vous revenez en tant que présidente, le Sénégal a-t-il changé ?
Le Sénégal a changé énormément et en bien. Je n’ai pas pu reconnaître certains quartiers qui ont considérablement changé. En plus, il y a beaucoup de travaux, d’infrastructures qui ont émergé, et la ville s’est agrandie. Le Sénégal comme il y a 30 ans est un grand pays qui compte.
Qu’est-ce que cela fait d’être la première femme Présidente d’Ethiopie et la seule femme Présidente en Afrique ?
On se dit qu’il y a beaucoup à faire. Parce que ça ne devrait pas être le cas. J’espère qu’il y aura dans l’avenir beaucoup plus de femmes présidentes, beaucoup de femmes politiques. Les femmes doivent être là où elles doivent être. Mais ça ajoute à beaucoup plus de responsabilités. Il faut le dire et il faut faire en sorte qu’on laisse la place aussi aux femmes. Et donc là où je suis, quand je regarde autour de moi, je me dis qu’il y a beaucoup à faire. Je suis déterminée à œuvrer pour que les femmes aient la place qui leur revient.
Que faudrait-il faire pour améliorer le sort des femmes en Ethiopie et par delà l’Afrique ?
Je crois qu’il faut travailler pour l’égalité des genres, il faut démocratiser les opportunités, il faut pouvoir admettre que les femmes doivent être aussi à la table où les décisions sont prises.
«Le crash de l’avion d’Ethiopian Airlines a été une tragédie»
Madame la Présidente, toute l’Afrique a été endeuillée par le crash de l’avion d’Ethiopian Airlines, comment avez-vous vécu cette épreuve ?
C’est une tragédie, mais il ne faut pas la limiter à l’Ethopie. Il se trouve que c’est notre compagnie aérienne, mais il y avait 33 nationalités. C’est un événement qui nous a tous profondément marqués, attristés. Mais quelque part Ethiopian Airlines n’appartient pas seulement à l’Ethiopie. Le fait qu’il y a 33 nationalités montre qu’Ethiopian Airlines est une compagnie internationale.
Et cette vague de condoléances qui a traversé l’Afrique, qu’est-ce que cela vous a fait?
Bien sûr ! J’ai été très émue de voir ça. Comme je dis tout le monde a été choqué, c’est une compagnie qui est profondément africaine et nous avons été très touchée par les marques de sympathie et de compassion de tout le continent. Je veux profiter de cette occasion pour présenter à mon tour mes condoléances à tous les pays qui ont perdu leurs citoyens.
Qu’est-ce que ça fait de revenir au Sénégal ?
C’est toujours un plaisir renouvelé. C’est comme en venant de l’Est de l’Afrique, je me rends à l’ouest le point le plus avancé à l’ouest. C’est comme s’il n’y avait rien entre les deux. Et on va d’une maison à une autre qui nous appartient. Cela rétrécit les distances, cela rattache les frontières, cela nous rapproche et c’est toujours avec émotion que je reviens au Sénégal.
IGFM
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