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C’est l’air du temps dans toutes les (ex ?) colonies françaises : réformer les systèmes politiques et électoraux dans l’objectif d’empêcher toute alternance et toute cohabitation

En copiant sur son collègue béninois la suppression du poste de Premier ministre, Macky Sall s’inscrit, comme Patrice Talon, dans une logique de confiscation des prérogatives parlementaires. Au Bénin, seuls deux partis de la mouvance présidentielle sont admis à participer aux élections législatives prochaines. Toutes les listes de l’opposition ont été recalées du fait notamment de l’application de la nouvelle charte des partis politiques. Talon semble avoir bien assimilé la leçon de Sall : la meilleure manière de gagner une élection avant le vote est d’éliminer ses rivaux. Une malice d’une simplicité enfantine qui relèverait d’un « extraordinaire génie politique », si l’on en croit certains journalistes, griots modernes, prêts à s’extasier devant tout acte de celui qui détient les fonds politiques.

Talon va-t-il à son tour inspirer Sall dans la rédaction de la prochaine charte des partis politiques ? Les premières indiscrétions font penser que oui. On parle notamment d’étendre le « parrainage » de façon à faciliter la dissolution des partis d’opposition jugés menaçants ou récalcitrants. C’est l’air du temps dans toutes les (ex ?) colonies françaises : réformer les systèmes politiques et électoraux dans l’objectif d’empêcher toute alternance et toute cohabitation. C’est un des aspects de l’actuelle conjoncture de reflux démocratique qui devrait inciter les forces de résistance des (toujours) possessions françaises à coordonner leurs luttes au niveau sous-régional.

Pour le moment, au Sénégal, l’actualité est à la suppression du poste de Premier ministre. Rappelons qu’il y un an, dès son accession au pouvoir, Talon a nommé un gouvernement sans Premier ministre. Ici, des constitutionnalistes ont averti que la suppression du poste de Premier ministre entraînera celle de la plupart des instruments du contrôle parlementaire : motion de censure, déclaration de politique générale, séances de questions au gouvernement, etc.

On peut à bon droit constater que les députés n’utilisent pas ces instruments comme il le faudrait. Mais il s’agirait de les engager à jouer pleinement leurs rôles plutôt que de remettre en cause le principe républicain de l’existence de contre-pouvoirs outillés.

Au lendemain du coup d’État de décembre 1962 ayant entraîné l’éviction de Mamadou Dia, Senghor a instauré un régime méga-présidentialiste sans Premier ministre. Ses griots d’alors parlaient de « constitution à l’américaine ». On entend cette même musique aujourd’hui. Mais c’est faux. La Constitution américaine institue un président fort mais totalement responsable devant le Parlement qui peut bloquer ses décisions et même parfois le destituer (impeachment).

La toute-puissance des nouveaux Faidherbe

Si l’Assemblée n’a plus de Premier ministre à censurer, elle devrait pouvoir engager la responsabilité du président de la République. Sinon, le pouvoir (législatif) n’aurait plus aucun moyen d’arrêter le pouvoir (exécutif) et la république ne le serait plus que de nom. Autant alors supprimer le Parlement. Mais c’est peut-être cela le vrai projet : dépouiller les institutions démocratiques de leurs prérogatives pour ne laisser subsister que la toute-puissance des Présidents-Gouverneurs, ces nouveaux Faidherbe du 21ème siècle.

Mamadou Bamba Ndiaye est ancien député, Secrétaire général du Mps/Selal

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