MON GRAND, TU M’AS FAUSSÉ COMPAGNIE !

L’œuvre que Momar Seyni Ndiaye a accomplie est colossale – Le Sénégal vient de perdre l’une des figures les plus pétillantes du journalisme, un maître incomparable dans l’art de la communication

 

Le 10 avril 2019, Boubacar Badji, journaliste-photographe de SenePlus, m’appela à mi-journée, pour me dire qu’une information circulait en cette matinée-là, sur les réseaux sociaux, concernant Momar Seyni Ndiaye. Il sait que je suis très proche de cet homme et que cette rumeur qu’il voulait que je vérifiasse, était déchirante. L’info indiquait que Grand Momar est décédé. Je voulais, je souhaitais, je priais, de toute mon âme, que ce fût un poisson d’avril !

J’appelai un confrère de la Sen Tv où Grand Seyni était consultant pour vérifier ce que je considérais comme une « fake news ». Hélas, la réponse, émanant d’une voix chevrotante, confirma ce que je ne voulais pas entendre, ce que je refusais d’admettre. Mais ne désespérant pas, je me retournai sur mon ordinateur pour jeter un coup d’œil sur les sites et autres réseaux. Aussi, ma main trembla-t-elle, si violemment que je n’arrivais pas à composer les lettres du clavier. Mais je me rendis vite à la réalité et j’acceptai le décret divin. Momar m’a faussé compagnie. Le Maître nous a quittés pour un monde meilleur. Mais un véritable Maitre ne meurt jamais après sa mort. Donc pour dire que le Maître n’est pas mort. Sa disparition ne signifie pas la fin mais le début d’une nouvelle ère, le début de quelque chose d’autre qui est ce legs de savoirs que nous nous devons de fructifier et de transmettre à d’autres générations. Et écrire pour rendre hommage au maitre, au confrère, à l’ami devient un devoir, voire une exigence même si, pour une fois, j’aurais préféré ne pas écrire parce que les mots me manquent pour exprimer mon affliction incommensurable en ce moment de deuil, parce que les phrases ne suffisent pas pour mesurer la profondeur insondable de ma peine. Mais les relations fusionnelles que j’entretenais avec cet homme droit, loyal, serviable me contraignent d’exprimer toute ma douleur à travers ma plume. Ainsi, serait-il ingrat pour moi de ne pas revenir sur cette personnalité exceptionnelle à l’affabilité proverbiale, à l’intelligence puissante et au stoïcisme admirable.

Momar Seyni Ndiaye, notre MSN national

Dans l’histoire du football, le fameux acronyme MSN (Messi-Suarez-Neymar) a laissé des traces indélébiles dans la Liga espagnole. En 2015, ce triumvirat ‘‘Messi-Suarez-Neymar’’ a brillé de son plus bel éclat au point de porter le Barça encore une fois au sommet de l’Europe. La MSN espagnole était une combinaison de riches talents qu’aucune défense, si forte fût-elle, ne pouvait contenir durablement. Au Sénégal, nous avons notre MNS dans le domaine des médias. Il s’agit de ce Prométhée de la presse, Momar Seyni Ndiaye (MSN), que la déesse Camarde a emporté ce jour mémorable du 10 avril 2019. MSN était ce que Victor Hugo appelait une constellation de liberté, de bonne conscience, de courage et de dévouement. Ainsi, le Sénégal vient de perdre l’une des figures les plus pétillantes du journalisme, un maître incomparable dans l’art de la communication.

Le regard direct, l’expression avenante, le sourire affable, tel apparaissait, dès l’abord, MSN. De lui, émanait une parfaite courtoisie modulée par une discrétion et une retenue naturelles. Il était respecté de tous ses collègues et étudiants pour ses analyses structurées, ses capacités scientifiques et pédagogiques, ses qualités humaines, sa grande discrétion et son humilité légendaire. Ces capacités et qualités lui ont toujours permis de s’imposer dans toutes les rédactions qui ont travaillé sous sa responsabilité et dans tous les services qu’il a dirigés efficacement. Mais de son côté le plus sublime – et il l’a démontré dans ses fonctions de professeur – j’ai appris avec lui qu’une remontrance bien méritée et bien justifiée venant de lui était plus positive qu’un compliment sincère.

Partageant généreusement toutes ses connaissances avec ses disciples sans garder aucun secret, il ne demandait que trois choses : l’assiduité dans la pratique, la discipline et la rigueur. Ainsi, par sa parole, ses écrits et ses actions, il a rempli majestueusement la triple mission d’enseignement, de recherche et de formation. Il était l’archétype de l’universitaire. Un universitaire est un homme qui va à l’essentiel, un homme qui sait transmettre aux jeunes ses connaissances et son expérience, un homme qui sait éduquer et inculquer des valeurs. Cet universitaire modèle, c’était Grand Seyni.

L’œuvre que MSN a accomplie est colossale. Aussi, aura-t-il marqué d’une pierre blanche l’histoire de la presse sénégalaise. Il a mené une carrière journalistique de 36 ans caractérisée par un double impératif : celui du travail bien fait et celui du devoir parfaitement accompli. Si MSN mérite aujourd’hui que sa mémoire soit honorée par ceux qui furent ses élèves-confrères, c’est pour leur avoir fait aimer le journalisme et la communication. Son œuvre est et restera à son image. Consistant dans les idées, humain dans les rapports, responsable dans le travail, discret dans les sources, disert dans les propos, généreux dans le savoir et l’avoir, il était de ces gens de bien qui faisaient du bien sans faire de bruit.

Formateur hors-pair, inlassable forgeur de consciences, il a participé à la formation de plusieurs générations de journalistes qui font le bonheur et l’honneur de la presse sénégalaise. C’est pourquoi, aujourd’hui, ces journalistes, devenus ses confrères tout en restant ses disciples, portent toujours en eux le souvenir inoubliable d’un éducateur qui ne s’est jamais lassé de donner la quintessence de son savoir. Si un savant est surtout celui qui met à la portée des autres son érudition en les aidant à la fructifier, alors Grand Seyni était un grand savant. Combien de jeunes gens auront goûté à la succulence et aux voluptés de son enseignement qu’il dispensait avec dévotion ? Ce n’était pas le professeur qui se faisait obéir en morigénant ses étudiants. Il s’efforçait, en tant que réveilleur de potentialités et de talents en dormance, de tirer de leurs frêles intelligences ce qui s’y cachait de fin, de meilleur, comme le musicien tire d’une guitare, fût-elle faite de vieilles cordes, des sons exquis.

Grand Momar, ton dévoué ami, frère et disciple que je serai éternellement te dit merci d’avoir fait de ta vie une œuvre utile.

Je terminerai en reprenant à Jean le Rond d’Alembert ceci : « Adieu, mon cher maître : le ciel vous tienne en joie ! »

Seneplus

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