LE CHANT DU CYGNE ?
Jusque-là, le Parti socialiste battait certes de l’aile, mais il a pu tenir, bon an, mal an ! – Mais depuis quelques temps, le parti, comme s’il avait fini de perdre tous ses repères, se cherche désespérément dans une majorité en mode « patchwork »
Pendant que Macky Sall et son parti chantent urbi et orbi le “Fast-track’’, chez certains de leurs alliés comme le Parti socialiste, les choses semblent aller en mode “Low-Track’’ . Si ce n’est à reculons. Jusque-là, le Parti socialiste battait certes de l’aile, mais il a pu tenir, bon an, mal an ! Depuis quelque temps, les choses semblent aller de mal en pis. Le parti, comme s’il avait fini de perdre tous ses repères, se cherche désespérément dans une majorité en mode patchwork. Secrétaire général adjoint à la vie politique, Mamadou Wane relativise. Pour lui, le Ps est une institution qui dépasse les personnes. “Ce n’est pas un départ, dit-il, qui va empêcher le parti d’exister. Le Ps est notre patrimoine et nous n’avons aucune inquiétude par rapport à son avenir. En 2000, quand nous avions perdu le pouvoir, beaucoup pensaient que le parti allait disparaitre. Mais il est resté debout avec, à sa tête, le camarade secrétaire général Ousmane Tanor Dieng’’.
Comme le dit M. Wane, les premières frictions dans le Ps ont été, en effet, enregistrées depuis la perte du pouvoir, en 2000. Tel un baobab qui s’effondre, cela avait provoqué beaucoup de dégâts en son sein. Des dinosaures avaient quitté le navire en pleine tempête. Laissant derrière une formation politique bien mal-en-point. Ainsi, de 2000 à 2012, les rescapés de l’ancien Ps ont souffert, mais n’ont point abdiqué. Grâce, en partie, à son commandant de bord Ousmane Tanor Dieng, la barque a pu être sauvée. Le deuil des départs vécu avec beaucoup de courage et de dignité. La résurrection a commencé à partir de l’année 2009. La plus vieille formation politique du Sénégal remporte, aux élections locales, plusieurs localités importantes.
Ainsi avait-elle engagé la bataille de la Présidentielle de 2012. Classé quatrième avec un score de plus de 11 %, Tanor, ses camarades et alliés décident de soutenir au deuxième tour l’adversaire de leur ancien bourreau Abdoulaye Wade. “C’était, rappelle le journaliste Ibrahima Bakhoum, après une longue traversée du désert. Avec les autres partis membres de Benno Bokk Yaakaar, ils se sont ligués pour chasser leur adversaire commun Abdoulaye Wade. C’est ainsi que le Ps a pu se retrouver à nouveau au cœur du pouvoir. Certains espéraient enfin pouvoir se positionner.
Avec la réélection du président Macky Sall, ils ont pensé que leur tour est maintenant arrivé d’être récompensés’’. Dans ce lot, il faut sans doute inscrire Maitre Moussa Bocar Thiam qui, lui, n’a pas fait dans la langue de bois. Jusque-là fidèle parmi les fidèles d’Otd, l’homme fit partie des plus farouches adversaires de la bande à Khalifa Ababacar Sall. Maintenant, il pointe du doigt le système Otd de distribution des quotas du Ps dans le gouvernement de Macky II. Mamadou Wane trouve qu’il faut voir ailleurs les raisons d’un tel départ : “Peut-être il a peur de perdre sa mairie. Il ne faut pas oublier que nous sommes à la veille des locales. Il pense, peut-être, qu’aller se réfugier quelque part lui permettrait de garder sa mairie. Il faut rester serein dans la vie.’’
Et d’ajouter : “Quoi qu’il en soit, le moment est mal choisi. D’autant plus que celui (Ousmane Tanor Dieng) qui l’avait accueilli en 2005 n’est même pas au Sénégal. Il est en France. Il aurait pu attendre son retour pour discuter avec lui. C’est ça l’élégance. Ça ne sert à rien de se précipiter.’’ Maire de Ourossogui, dans le Fouta fortement dominé par l’Alliance pour la République, le dissident chercherait ainsi, si l’on en croit le Sga, à lutter pour sa survie politique. Quitte à rompre les liens avec sa famille naturelle. Mais sera-t-il pour autant bien accueilli par la famille qu’il s’est choisie ? Rien n’est moins sûr. Le Ps, par contre, prend acte de sa décision. “C’est une décision personnelle. Il sort librement comme il était entré dans le parti en 2005. C’est son droit le plus absolu. Nous sommes un parti démocratique, ouvert et solidaire’’, affirme M. Wane.
Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye cristallisent les débats
Il faut noter, par ailleurs, que le professeur Gorgui Ciss, même s’il n’est pas allé jusqu’à tourner le dos au Ps, n’est pas non plus loin de défendre les mêmes arguments que son désormais ex-camarade. C’est ainsi le règne de Serigne Mbaye Thiam et d’Aminata Mbengue Ndiaye dans le gouvernement qui est fortement remis en cause. Un faux débat, selon Wane. “Ils ont été proposés par le Ps. Leur travail a été salué non seulement par les camarades de parti, mais aussi par le président et les Sénégalais. Avec responsabilité, loyauté et compétence, ils ont accompli leurs missions avec brio. Nous devons nous en enorgueillir, les féliciter’’. Selon lui, ce genre de débat devait être posé dans les instances. “Avant la formation du gouvernement, il y a eu le secrétariat national. Le bureau politique élargi a aussi été convoqué. Et puis combien sont-ils, les cadres qui ont toujours été là bien avant Me Thiam, qui n’ont pas eu de poste et qui continuent de travailler dans l’intérêt du parti, sans bruit ? Dans la vie, il ne faut pas être prétentieux. Un militant doit être désintéressé, engagé, déterminé, avoir des valeurs et des principes’’.
“Je ne serai pas surpris que d’autres suivent”
Mais, à entendre le doyen Bakhoum rapportant les propos d’un ancien responsable du Ps, on serait tenté de dire que la politique ce n’est pas seulement des principes. Selon lui, ce responsable, vers la fin de leur règne, disait : “La politique, ce n’est pas une affaire de l’au-delà. C’est une affaire d’ici-bas. Donc, c’est ici que nous devons être rétribués de nos efforts. Alors, si nous ne sommes pas rétribués maintenant, quand est-ce que le serions-nous ?’’ Et dans ce contexte, les ego s’agitent au fur et à mesure, dans tous les camps. Doyen Bakhou explique : “Certains se disent que ce gouvernement est peut-être transitoire. Il va durer deux ou trois mois. Ils se disent que c’est le moment de tenter leur chance, en dehors de leur formation. C’est pourquoi je considère ce départ comme le dernier en date ; non le dernier. Je ne serai pas surpris que d’autres suivent.’’ Au demeurant, la question qui mérite aujourd’hui d’être posée, c’est : que reste-til des 11 % du Ps obtenus à la Présidentielle de 2012, la dernière à laquelle il a eu un candidat issu de ses flancs ?
Le Parti socialiste s’est-il massifié entre 2012 et maintenant ? Pourrait-il, un jour, revenir aux affaires ? Les questions se multiplient, mais ne trouvent pas de réponse précise. Ibrahima Bakhoum, lui, semble pessimiste, bien que n’excluant pas totalement un dernier sursaut d’orgueil. “Dans ces conditions, avec, d’un côté, les ’khalifistes’ qui ont pris leurs distances depuis, de l’autre, des ‘tanoristes’ qui se rebellent, tant qu’il en sera ainsi, le Ps ne sera pas fort. Et l’Apr ne va pas se priver d’aller encore pomper dans ce parti. Je ne peux pas dire que l’avenir du Ps est assombri, mais au moins, on peut douter des capacités du parti à rebondir à partir de Tanor. Ce sera difficile’’.
Par rapport aux conséquences de cette situation sur la vie de la majorité, le journaliste ne semble pas s’en faire. Pour lui, Macky Sall tient les manettes. “C’est lui, dit-il, qui distribue les rôles. Il n’y a qu’une chose qui intéresse les hommes politiques, c’est le décret. On n’obéit qu’à celui qui tient les décrets. Je ne pense pas que cela puisse avoir des conséquences fâcheuses sur la majorité’’. Le Sga à la vie politique du Ps, Mamadou Wane, ne dit pas le contraire. Pour lui, il n’y a aucun malaise dans la majorité. Par rapport à l’absence de Tanor du pays, il rétorque : “Depuis presque 26 ans, il n’a pas pris de congé. Nous sortons d’une élection et il a battu campagne tambour battant. A un moment donné, il a besoin de recul. C’est tout. Mais ce n’est pas pour raison de maladie. Ni à cause d’un quelconque malaise. Dieu merci.’’ Par rapport à une éventuelle récompense de Me Thiam par l’Apr, il dit : “Nous ne sommes pas à la place du président. Nous gérons notre parti. Il a pris une décision politique et nous apporterons une réponse politique. Le reste, ce n’est pas de notre ressort. Nous n’avons aucun commentaire par rapport à sa destination ou comment il sera accueilli.’’
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