L’ARMP INFLIGE UN SECOND CAMOUFLET À MANSOUR FAYE

Le gendarme des marchés publics a de nouveau décidé de suspendre la procédure de passation du marché de concession de l’eau dans les centres urbains que l’ancien ministre de l’Hydraulique avait refilé dans des conditions particulièrement opaques à Suez

L’ancien ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement a été encore une fois désavoué par l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP). Le gendarme des marchés publics a de nouveau décidé de suspendre la procédure de passation du marché de concession de l’eau dans les centres urbains de notre pays que Mansour Faye avait décidé, dans des conditions particulièrement opaques, de refiler à la multinationale française Suez. Ce alors que la Sénégalaise des Eaux, qui gère ce secteur avec d’excellents résultats depuis 1996, avait pourtant présenté la meilleure offre financière après avoir passé avec succès l’épreuve des tests techniques ! Après avoir saisi l’alors ministre de l’Hydraulique d’un recours gracieux, la SDE avait saisi l’ARMP qui, le 07 mars dernier, avait ordonné l’annulation du choix de Suez et la reprise des évaluations.

La Société des eaux (SDE) a encore une fois touché — mais pas encore fait couler ! — l’ancien ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, M. Mansour Faye, dans les eaux profondes et troubles du marché de l’hydraulique urbaine pour les 15 prochaines années ! Elle vient pour la deuxième fois en deux mois d’obtenir de l’ARMP la suspension de la procédure d’attribution du fabuleux marché de distribution de l’eau potable dans les grandes villes de notre pays — et pour les 15 prochaines années s’il vous plait — à la multinationale française Suez. La société dirigée par M. Abdoul Ball avait saisi le gendarme des marchés publics d’un nouveau recours le 30 avril dernier pour contester l’attribution provisoire faite à Suez du marché ayant fait l’objet d’un appel d’offres international pour la gestion du service public de distribution d’eau potable dans les grandes villes du Sénégal. Après un recours gracieux introduit auprès du ministre de l’Eau et de l’Assainissement, la SDE a déposé le 30 avril son nouveau recours devant le Comité de Règlement des différends (CRD) de l’ARMP. Pour le moment, on ne connait pas les motivations à partir desquelles l’ARMP a ordonné à l’autorité contractante, c’est-à-dire au ministère de l’Eau qui remplace l’ancien ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement qui avait conduit jusqu’ici le dossier, de suspendre la procédure de passation du marché. Ce qu’on sait en revanche, c’est que cette nouvelle décision de l’ARMP — qui confirme la précédente — est un deuxième camouflet pour Mansour Faye. Ce après la première annulation du choix de Suez et la reprise des évaluations ordonnée par la même ARMP. Ce qui, en principe, aurait dû avoir comme effet de remettre les compteurs à zéro pour les trois postulants que sont les françaises Suez et Veolia CGE et la Sénégalaise des Eaux (SDE).

Entretemps, mais ça M. Mansour Faye ne l’avait pas dit, Veolia avait décidé de se retirer de la compétition, tout en demandant le remboursement de son cautionnement de l’ordre de 800 millions de nos francs. Nous écrivions alors que l’ARMP indiquait à l’autorité contractante, en l’occurrence le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement de Mansour Faye de reprendre toute l’évaluation. « Dans le cas d’espèce, la SDE a autant porté des griefs sur les spécifications techniques comme les travaux, les fournitures techniques, les termes de référence… que sur l’évaluation financière. Donc c’est en prenant en compte tous ces paramètres que le CRD a rendu sa décision » précisait une source. Cette dernière ajoutait alors que « le ministre Mansour Faye, conscient de la faiblesse technique de la commission d’évaluation de son ministère, avait mis en place une autre commission technique en faisant appel à des compétences externes. Cette commission était composée d’inspecteurs des impôts, du domaine, de fiscalistes, d’hydrauliciens, d’un représentant de la Primature, de la Sones…Sa mission a été de bien faire les évaluations techniques et financières. Une fois ce travail fini, il est soumis à la commission du ministère. Donc je suis surpris parce que ceux qui ont travaillé dans le dossier ont plus d’expérience que les membres du CRD » confiait au lendemain de la première décision de l’AIMP, une source proche du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement. Comble du paradoxe, la SDE même moins disante (286,9 francs CFA le mètre cube) que Suez (298,5 francs CFA m3) et Veolia (366,3 francs) avait été écartée au profit de Suez. La décision de l’Armp du 07 mars remettait en selle la SDE qui devait plier bagages au soir du 31 décembre dernier pour laisser la place à Suez. Hélas, plutôt que de s’exécuter ou de reprendre ses calculs (qui parlaient de toute façon d’euxmêmes !), la commission de dépouillement du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement s’était précipitée pour refaire une réévaluation —si elle n’avait pas repris tout simplement la première — pour donner encore le gigantesque marché à Suez. Et le plus curieux, c’est la précipitation dont a fait montre le maire de StLouis pour baliser le terrain à Suez qui lui avait offert la veille du lancement de l’appel d’offres international des bennes-tasseuses pour sa ville.

Un Mansour Faye qui, bien que muté à un autre département ministériel à l’issue du remaniement du 07 avril dernier, n’avait même pas eu l’élégance de laisser son successeur, M. Serigne Mbaye Thiam, gérer la continuité du dossier. Au contraire, il a profité de la passation de service avec son successeur pour… annoncer l’attribution du marché à Suez ! Encore une fois, Mansour Faye avait caché à l’opinion un détail important. A savoir que l’autre entreprise française, Veolia, s’était désistée la veille du nouvel examen des offres, faisant qu’en réalité, seuls Suez et la SDE étaient en compétition. Voici ce que nous expliquions au lendemain du nouveau choix porté par Mansour Faye à ses amis de Suez : « la validité des offres pour l’appel d’offres international expirait le 27 mars dernier. Ce que constatant, le ministère a écrit à la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) le 02 du mois en cours (avril) pour solliciter une prolongation de cette validité. Or, dès le 03 avril, c’est-à-dire le lendemain de l’expédition de cette lettre, Veolia adressait une lettre au ministère pour l’informer de son désistement à l’appel d’offres et réclamer par la même occasion le remboursement de sa caution. Laquelle se monte à… 800 millions de nos francs ! En disant que la commission de dépouillement a examiné « trois offres » et en faisant mention de trois soumissionnaires dans l’avis d’attribution paru dans Le Soleil, le ministre Mansour Faye a donc pris des libertés avec la vérité ». Pour rester polis, bien sûr…

Le Témoin

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