POUR QUE LE DIALOGUE SOIT VRAIMENT NATIONAL
Si l’on ne s’efforce pas de convaincre Idy, Sonko et les autres absents de rejoindre le Dialogue, on serait passé à côté d’une opportunité historique de pacifier durablement les rapports politiques dans notre pays
« Politique » le Dialogue lancé en grande pompe et solennité mardi dernier au Palais de la République le sera incontestablement. Pour ce qui est de « national », il faudra sans doute repasser. A tout le moins, devront encore être déployés de gros efforts de persuasion et multipliés les gages de confiance afin que cette grand’messe puisse mériter le qualificatif de « national ». En effet, un grand raout peut-il prétendre être consensuel et représentatif de la diversité de la Nation si d’importantes franges de celle-ci n’y prennent pas part soit parce qu’elles n’y ont pas été conviées — ce qui ne serait apparemment pas le cas si l’on en croit le ministre de l’Intérieur — soit parce qu’elles ont choisi de bouder ? Toujours est-il que dans ce pays, aucune initiative, aucune décision ne saurait prétendre emporter l’adhésion de tous nos compatriotes sans qu’y adhère une force comme le Parti démocratique sénégalais (Pds), premier parti de l’opposition parlementaire. Car il est évident que l’hirondelle Oumar Sarr — que le camp du pouvoir a exhibé comme un trophée durant toute la journée de mardi dernier — ne saurait constituer le printemps libéral. Ainsi que nous l’écrivions très tôt, c’est-à-dire dès le lendemain de la décision de Me Madické Niang de se présenter à la dernière élection présidentielle, le Parti démocratique sénégalais (Pds), qu’on le veuille ou non, c’est la propriété de son fondateur, Me Abdoulaye Wade. En tant que tel, le seul héritier légitime et qui ne soit jamais tenté de vendanger ce patrimoine devenu national par la force des choses, c’est Karim Wade, fils de Abdoulaye. Il est le seul dont on soit absolument sûr qu’il ne trahira jamais son père et la pensée de celui-ci. En même temps, nous avions prédit que Me Madické Niang allait ramasser une gamelle à la présidentielle. Avec un score de moins de 1 %, il a confirmé nos prédictions. En choisissant de désobéir à la consigne de son parti et de prendre part au Dialogue dit national, Oumar Sarr, jusque-là coordonnateur national et secrétaire général national adjoint du Pds, aura le même destin de feuille morte que Me Madické Niang. Ce quand bien même, il faut reconnaître, le pauvre, il a été humilié et désavoué par la direction du Pds alors même qu’il avait engagé ce parti à prendre part au Dialogue par le biais du Front de résistance nationale (Frn).
Que l’on nous comprenne bien : entre Wade et Macky Sall, le jeu est suffisamment trouble pour que nous y interférions ou prenions parti pour l’un au détriment de l’autre. Pour nous, c’est tous les deux des joueurs de poker et il faut les laisser à leur partie. On n’oubliera pas, en effet, que c’est l’abstention de Wade et la consigne qu’il a donnée en ce sens qui ont grandement contribué à la réélection au premier tour de son successeur. Il s’y ajoute que beaucoup de responsables de premier plan du Pds, y compris des « karimistes » de choc, ont non seulement voté pour le président Macky Sall mais ont encore activement battu campagne pour lui ! Si nous disons donc qu’aucun dialogue qui se veut national ne saurait se tenir sans la participation du Pds, c’est juste pour tenir compte de la réalité des faits et de la situation du terrain.
Ce n’est pas tout : lors de la présidentielle du 26 février dernier, presque 42 % des suffrages de nos compatriotes se sont exprimés en faveur de l’Opposition et essentiellement pour M. Idrissa Seck (+ de 21 % des voix) et Ousmane Sonko (+ 15 %). Soit plus de 36 % rien que pour ces deux candidats. Il se trouve qu’aucun des deux n’a été aperçu à la journée nationale du dialogue de mardi dernier. Ça commence à faire beaucoup, donc, entre les absences du Pds, de Idrissa Seck et d’Ousmane Sonko. Si l’on ne s’efforce pas de convaincre ces forces de rejoindre le Dialogue devant démarrer dans deux semaines, on serait passé à côté d’une opportunité historique de pacifier durablement les rapports politiques dans notre pays où prévaut une atmosphère de guerre civile larvée toutes ces dernières années. Au moins depuis que Karim Wade et Khalifa Sall ont été emprisonnés puis le premier nommé « banni » en plus. Encore une fois, l’initiative d’un dialogue politique lancée par le président de la République est excellente. Nous l’avions saluée à sa juste mesure en son temps en disant que le moment était venu de mettre entre parenthèses la politique politicienne pour s’attaquer enfin aux nombreux problèmes de ce pays en particulier l’Education, l’Emploi des jeunes, la Santé des populations, l’Economie d’une manière générale. Cette initiative, si on veut qu’elle réussisse, il faut s’en donner les moyens en termes de gages de confiance, de préjugés abandonnés et jetés par-dessus bord, de susceptibilités rentrées ou ravalées, de subjectivismes vaincus. Pour cela, il convient d’examiner la situation avec froideur et bannir la ruse ainsi que les petites combines politiciennes. Prendre les choses telles qu’elles sont et tenir compte des rapports de forces
Un Dialogue « national » sans Wade, Idy et Sonko ? Hum…
Ou on est dans une démocratie représentative, c’est-à-dire un système dans lequel les populations s’expriment par le biais de leurs élus, et alors il faudra accepter toutes les servitudes qui s’y rattachent, ou alors nous serions dans un système bâtard de démocratie « substitutive » où la part belle serait donnée à des escrocs qui usurperaient par conséquent la voix des citoyens. Vous aurez sans doute compris où nous voulons en venir : s’il s’agit de parler des problèmes des Sénégalais — et des maux de notre pays en général —, seuls sont qualifiés pour le faire ceux dépositaires de leurs suffrages ou ceux bénéficiant de leur onction légitime par le biais des élections. Or, s’il est incontestable que la majorité présidentielle devra trôner à la table des négociations, il n’en est pas moins indispensable que l’opposition aussi, à travers ses élus ou en tout cas ses partis représentatifs devrait également y avoir sa place. Ce qu’on ne comprend pas, en revanche — et c’est là que réside la faiblesse du schéma présidentiel— c’est que des gens ne représentant qu’eux-mêmes, pis des individus surgis de nulle part et qui se prétendent « Non alignés » puissent non seulement être conviés à ces pourparlers, mais encore bénéficier du même niveau de représentation que la majorité et l’opposition ! Il y a là une erreur, sinon une injustice inacceptable, à réparer assurément. Si le président de la République veut réellement pacifier enfin l’espace politique national, s’il veut aussi faire accomplir à notre Démocratie des avancées majeures sur des questions aussi essentielles que le financement des partis politiques, le Statut de l’opposition et de son chef, l’accès aux médias d’Etat etc., il faudra assurément qu’il discute sérieusement avec des forces représentatives et dépositaires des suffrages des Sénégalais. Et de celles-là ne font pas partie, évidemment, ces usurpateurs qui se présentent comme des Non-Alignés et qui ne sont mandatés par personne pour parler en son nom. Encore une fois, pas de dialogue national sans le Pds (Me Abdoulaye Wade et son fils Karim), sans Idrissa Seck et sans Ousmane Sonko, voire Mamadou Lamine Diallo, Abdoul Mbaye et Thierno Alassane Sall.
A propos d’Idrissa Seck, j’entends d’ici des gens m’objecter que dans les 21 % qu’il a obtenus figuraient aussi les voix des partisans de Khalifa Sall qui, eux, sont bel et bien présents dans la grande causerie, à quoi j’objecterai d’abord que l’élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et son peuple. Et puis, à cette aune-là, beaucoup de gens qui avaient voté pour Macky Sall et suite à la formation du dernier gouvernement, sont virtuellement — en attendant de l’être activement — dans l’opposition ! Et puisque nous souhaitons tous que ce Dialogue réussisse et mérite vraiment le qualificatif de « national », nous ne saurions trop conseiller au grand médiateur Famara Ibrahima Sagna, président de son comité de pilotage, de chausser ses babouches pour aller trouver tous ces gens encore réservés par rapport à l’initiative présidentielle, afin de vaincre leurs réticences. Car si Paris a bien valu une messe, Dakar devrait bien valoir, aussi, quelques concessions…
Seneplus
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