NJ AYUK, L’AUTRE CHOIX DE L’EMBARRAS ?
Le passé judiciaire de ce influent avocat, natif du Cameroun dont le nom revient de plus en plus dans le débat sur les ressources minérales sénégalaises, intrigue
D’une pierre, deux coups. Le Sénégal va lancer son prochain cycle d’attributions de licences pétrolières et gazières, lors de la conférence-exposition Africa Oil & Power 2019, qui se tiendra du 9 au 11 octobre à Cape Town (Afrique du Sud). Et le président Sall va succéder au secrétaire général de l’Opep, Mohammed Sanusi Barkindo, comme récipiendaire du prix de l’Homme africain de l’année de l’Africa Oil and Power 2019. Une annonce faite après la signature, ce 26 juillet, de la coopération entre Africa Oil & Power, le Cos-Petrogaz et la compagnie pétrolière nationale Petrosen, dans le but de promouvoir la prochaine phase d’investissement du pays.
Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf à l’évocation du nom d’Eyong Njock Ajuk Eyong, aussi appelé NJ Ayuk et Njoy Ayuk Eyong, un jeune avocat très influent dans le milieu de l’énergie en Afrique, avec le conglomérat panafricain de droit des sociétés Centurion Law Group qu’il dirige. Seule ombre au tableau : son casier judiciaire assez chargé et dont le nom revient depuis quelque temps sur le débat des ressources minérales sénégalaises. Si le post du sulfureux journaliste Adama Gaye a suscité un intérêt pour M. Eyong, quelques recherches permettent de voir qu’il avait, sans grand bruit, apporté son soutien aux autorités sénégalaises, alors en pleine tourmente dans l’affaire Petro-Tim. Il avait vivement condamné les assertions de l’enquête de la Bbc dans un communiqué de la Chambre africaine de l’énergie (Cae) dont il est également le président. ‘‘Il s’agit d’une sinistre course au jugement et d’une obsession de ternir le président réformiste Macky Sal let l’industrie pétrolière à tout prix et par tous les moyens, et basées sur un certain manque de compréhension des faits et du fonctionnement de l’industrie du pétrole’’, avait-il défendu en juin dernier, juste après les révélations de la journaliste Mayeni Jones. Ayuk est le Pdg de Centurion Law Group et le président de la Chambre africaine de l’énergie.
Plus connu sous l’appellation de NJ Ayuk, sa sortie contre la Bbc n’était pas sa première intervention dans l’espace médiatique sénégalais. Il y a presque un an, en septembre dernier, il était sur le présidium d’une conférence organisée par le journal ‘‘Le Quotidien’’ sur la valorisation du contenu local dans le secteur des hydrocarbures. En compagnie du ci-devant Premier ministre Abdallah Dionne, NJ Ayuk avait alors appelé les pouvoirs publics à accélérer leur politique pour l’adéquation formation-emploi avant le ‘‘first gas’’.
Usurpation d’identité aux Usa
Mais le passé judiciaire du natif du Cameroun n’est pas des plus immaculés. Le journaliste américain de “Politico’’, John Bresnahan, relate ses déboires judiciaires aux Usa, qui lui ont valu une interdiction conditionnelle du territoire étasunien. On est en juillet 2007; Ayuk est stagiaire du membre du Congrès Donald Payne (New Jersey), plaide coupable pour ‘‘utilisation illégale de la papeterie et du cachet de la signature d’un membre du Congrès américain dans une série de tentatives d’obtention de visas aux États-Unis pour des ressortissants de son pays natal, le Cameroun’’, selon un communiqué du bureau de Jeffrey A. Taylor, Procureur américain du district de Columbia. Un mois plus tôt, il décrochait un doctorat en droit de l’université William Mitchell de Minneapolis (Minnesota).Dans la même procédure judiciaire, Eyong reconnut, en premier cycle en 2003, avoir usé illégalement de la proximité avec ce membre du Congrès américain pour exiger des visas aux services consulaires des ambassades américaines de Berlin et de Franckfort, et de Yaoundé destinés à des connaissances. Il sera condamné le 13 juillet 2007, coupable d’usurpation d’identité de Donald Pay ne dans une tentative de délivrance de visas à au moins neuf personnes vivant au Cameroun. Il acceptera de mettre fin au statut d’asile. Il a été sommé de quitter le territoire américain sous 30 jours, à défaut de quoi, il serait déporté. Par la même occasion, il récolte une ordonnance de renvoi qui le proscrit d’une réadmission ultérieure aux Usa, sans le consentement exprès du procureur général.
Accusé de blanchiment au Ghana
Les choses, cependant, n’ont pas semblé se terminer avec cette condamnation. Eyong et son cabinet de conseil ont également été épinglés par les médias ghanéens. En 2015, le journal en ligne “The Finder’’ a révélé que la directrice de la succursale ghanéenne de Centurion, Genevive Kabukuor Ocansey, ‘‘avait été arrêtée et placée en détention, pour avoir aidé un Camerounais – Eyong – à blanchir 2,5 millions de dollars au Ghana et à rapatrier un million de dollars en Guinée équatoriale ’’. D’après l’article, des responsables de la Banque du Ghana ont mené plusieurs mois d’enquête et arrêté Mme Ocansey, qui figure sur le site Web de Centurion en tant que directrice de la société au Ghana. L’article mentionnait que:‘‘ Son complice, Njoy Ayuk Eyong, également connu sous le nom de MBANJ Ayuk, est actuelle mentors du Ghana.’’ Un passé judiciaire entaché qui a indisposé le gouvernement sud africain, au point qu’il a passé sous silence, en mars dernier, l’implication de NJ Ayuk dans un accord pétrolier conclu avec le Sud Soudan.
En dépit de l’engagement du pays dans un accord à long terme de 14,5 milliards de rands pour exploiter les ressources pétrolières du Sud-Soudan, l’avocat, contacté par la presse sud-africaine, ne s’est pas prononcé sur sa participation à ces négociations. Finalement, le journal ‘‘Mail & Guardian’’ a révélé que Njock Ajuk Eyong est l’une des personnes ayant participé à la transaction.‘‘ Bien que sa participation ne signifie pas forcément que quelque chose ne va pas, ça participe à augmenter la suspicion autour de cet accord’’, rédige Simon Allison dans un article publié ce 21 juin 2019, pointant surtout le gouvernement d’avoir précipité la signature avant la Présidentielle de mai dernier.
Dans une interview avec Forbes.com, publiée le 21 juin 2018 et consultée par “EnQuête’’, le Camerounais, qui dénonçait la faiblesse structurelle des Etats africains, défendait les principes de bonne gouvernance pour réussir le pari du développement. ‘‘L’histoire nous a montré que les pays qui ont adopté une approche libérale, l’amélioration de la transparence et l’efficacité des flux de capitaux, de marchandises et d’idées, la maximisation de la confiance des investisseurs pétroliers dans un Etat de droit, l’application des contrats et la protection des droits des travailleurs, ont toujours eu un avantage et sont devenus les plus prospères’’, avait-il avancé. S’est-il réconcilié avec son lourd passé judiciaire ?
A l’image de l’Australo-Roumain Vasile Frank Timis, les démêlés avec la justice de M. Eyong n’en font pourtant pas un individu infréquentable pour les pouvoirs publics sénégalais. Ces derniers savent sûrement à quoi s’en tenir.
SENEPLUS
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