LE DIALOGUE NATIONAL DANS TOUS SES ÉTATS
Un général au galop, un administrateur au trot. Ainsi, avance le fameux dialogue national lancé en fanfare, le 29 mai dernier – Toutefois, au sortir des concertations, un gouvernement de majorité élargie pourrait voir le jour
Ilss sont nombreux, les observateurs, qui y croient dur comme fer. Chez les politiques, la question est plutôt prématurée. En attendant, il faudra bien démarrer la machine du dialogue national qui semble avoir pris du sable.
Un général au galop, un administrateur au trot. Ainsi, avance le fameux dialogue national lancé en fanfare, le 29 mai dernier, par le président de la République et confié à l’ancien ministre Famara Ibrahima Sagna. Mais, depuis cette date, rien ne semble bouger. A l’exception de la Commission politique que dirige le général à la retraite Mamadou Niang. Il a fallu attendre plus d’un mois, après le lancement des concertations, pour voir enfin le décret portant création, organisation et fonctionnement du Comité de pilotage composé de 71 membres. Depuis lors, c’est encore le statu quo. Ce dernier (le comité) n’a même pas été installé pour lui permettre de dérouler. Chez les participants, personne n’a été convoqué pour une raison ou une autre. Les gens se tournent plutôt les pouces. Suspendus tous aux desiderata du président de la République Macky Sall, seul maitre du jeu. Celui qui fait et défait. Pourtant, indiquent certaines sources, des tractations sont bien en cours dans les coulisses des états-majors politiques.
Certains croient mordicus qu’au sortir des concertations nationales, un gouvernement de majorité élargie est dans les schémas du palais. Et le choix de Famara est bien révélateur, à leurs yeux. En effet, ce dernier était au cœur du gouvernement d’ouverture de Diouf, dans les années 1990. Pourra-il rééditer le même coup ? Pour l’instant, les écueils restent nombreux. La mayonnaise a du mal à prendre, comme à l’époque. Parmi les écueils, souffle un éminent membre de la société civile, il y a la division de l’opposition. “Ce qui rend difficile les concertations secrètes en cours pour la mise en place de ce gouvernement, c’est notamment l’absence de structure commune qui regroupe tous les partis de l’opposition, comme ce fut le cas avec Benno. Il n’y a pas, non plus, une personnalité forte qui incarne le leadership comme Amath Dansokho à l’époque’’, argue-t-il.
D’autres sources invitent à s’interroger sur la participation de Rewmi, ainsi que la non-participation du Pds, pour comprendre les véritables enjeux. Une guerre à distance pour prendre la tête de file de l’opposition. En jeu, le statut du chef de l’opposition que revendique le parti d’Idrissa Seck, depuis la dernière élection présidentielle. Beaucoup d’acteurs penchent d’ailleurs pour cette hypothèse. Mais, pour le Pds, le chef de l’opposition doit être désigné en tenant compte du parti de l’opposition le plus représentatif à l’Assemblée nationale. Tout l’enjeu de cette bataille repose sur la désignation de l’interlocuteur direct du chef de l’Etat. Mais, au-delà de cette guerre interpartis, le gouvernement d’union en gestation est aussi en train de décimer certains partis et blocs. C’est du moins ce qui ressort de la dernière sortie des jeunes Libéraux du Parti démocratique sénégalais. A les en croire, si Oumar Sarr et Cie sont entrés en rébellion contre leur ancienne formation, c’est principalement, parce qu’ils ont voulu embarquer le Pds dans ce gouvernement d’union nationale que souhaiterait mettre en place le chef de l’Etat et que Karim et Me Wade auraient craché sur une telle proposition. Dans la foulée, le président de la Fédération nationale des cadres libéraux confiait, au quotidien “Vox Populi’’, que Macky Sall a rencontré le président Wade dans la nuit du 12 août dernier, jour de la Tabaski. De part et d’autre, on s’est empressé à démentir ces révélations, mais sans plus de précision.
Tractations au sein du Front de résistance nationale
D’autre part, en attendant que les choses se précisent, les tractations se poursuivent au sein de l’opposition réunie dans le cadre du Front de résistance nationale. Pour le moment, ce qui ne met pas tout le monde d’accord, ce sont les modalités de participation aux autres thématiques qui composent le dialogue national. Au Rewmi, on se veut clair : “Dès lors qu’on est dans le dialogue politique, on est dans le dialogue national, car le premier est partie intégrante du second. Donc, on peut dire qu’il n’y a que le Pds qui est absent à la table des négociations. Maintenant, par rapport aux autres thématiques qui vont être abordées, il appartient à chaque parti de se prononcer sur l’opportunité d’y participer ou non’’, informe le plénipotentiaire du parti, Ass Babacar Guèye.
Le chargé des élections trouve, de ce fait, qu’il est prématuré de demander si sa formation va participer ou non aux discussions sur les autres thématiques. “Nous ne sommes pas, affirme-t-il, dans cette logique. Il faut attendre que les autres composantes soient lancées par Famara Ibrahima Sagna, pour demander aux acteurs politiques quelle sera leur posture. C’est une question très prématurée’’. En ce qui concerne une éventuelle entrée dans un gouvernement, il tranche : “C’est Macky Sall le président de la République, c’est à lui de gouverner avec son équipe.’’ Pour Pastef, il a, jusque-là, été question de dire : “Nous sommes dans le dialogue politique, mais pas dans le dialogue national.’’ Car, pour les patriotes, il revient plutôt à Macky Sall, qui a été choisi par les Sénégalais, de réfléchir sur les modalités de sortir les Sénégalais de la crise.
D’ailleurs, dès le lendemain de la définition des termes de référence, Ousmane Sonko avait rué dans les brancards pour accuser Macky Sall de déléguer la gestion du pays à Famara Ibrahima Sagna, alors que c’est lui qui est le président de la République. Qu’à cela ne tienne. Depuis l’adoption du décret portant création du Comité de pilotage, il n’y a plus de dichotomie à faire entre le dialogue national et le dialogue politique. Le dernier est bien inclus dans le premier.
En atteste l’article 3 du décret qui dispose : “Sous la supervision du Comité de pilotage, sont créées les commissions thématiques suivantes : la commission politique, la commission économique et sociale, la commission ressource naturelles (mines, pétrole, gaz, foncier, etc.), la commission paix et sécurité.’’ Pendant que l’opposition radicale fait dans le clair-obscur quant à une éventuelle participation aux autres thématiques du dialogue national, les non-alignés, eux, se veulent sans ambigüité. Leur coordonnateur Déthié Faye déclare : “En principe, nous allons participer aux autres thématiques du dialogue. Car, sur toutes les questions qui vont être débattues, nous avons des positions très claires, conformes aux attentes du peuple sénégalais. Nous prendrons donc part et nous allons défendre notre position pour que le Sénégal puisse prendre une autre voie qui ne reposera pas sur la politique politicienne, les déclarations de fanfaronnade, les batailles de positionnement…’’ Selon lui, les acteurs politiques doivent travailler à mettre les intérêts du Sénégal au centre de leurs préoccupations. Quant à une éventuelle participation des non-alignés à un gouvernement d’union nationale qui pourrait en découler, il botte en touche. “Nous n’avons pas discuté de l’éventualité de cela. Nous sommes des acteurs non-alignés. Pour nous, la finalité de ces concertations ne doit pas être la mise en place d’un gouvernement d’union. Ce qui, politiquement, n’est pas bon. Il s’agit plutôt de discuter des questions d’intérêt national, et une fois que des consensus se dégagent, que le président de la République prenne les dispositions pour que son équipe puisse les mettre en œuvre’’, signale-t-il.
A l’en croire, quel que soit le gouvernement en place, il devra mettre en œuvre les mesures fortes issues des concertations. “Mais, si celui qui incarne le gouvernement n’a pas la volonté, même si toute la classe politique le rejoint, on n’avancera pas. Quelle que soit la posture, il faut se battre pour que les intérêts du Sénégal soient mis en avant’’, souligne le président de la Convergence pour la démocratie et la République/Fonk Ca Kaddu.
Le dialogue politique sauve l’honneur
Par ailleurs, pendant que rien ne bouge chez Famara Ibrahima Sagna, les choses semblent plutôt s’accélérer du côté de Gl Niang. Ass Babacar Guèye, plénipotentiaire de Rewmi, confirme : “Le bilan des concertations est très positif. Nous en sommes à notre 20e réunion. Et les choses avancent correctement. Ce qui nous bloquait, dans un premier temps, c’était l’audit du fichier et l’évaluation de la dernière Présidentielle. Nous sommes maintenant d’accord pour le confier à un cabinet externe, avec appel à manifestation d’intérêt. Ce point est derrière nous.’’ Cela dit, le mandataire d’Idrissa Seck à la dernière Présidentielle se réjouit que la commission en charge du dialogue soit aujourd’hui au 3e point sur les douze ou onze points à l’ordre du jour, c’est-à-dire l’organisation des élections locales. Il sera question, ici, de parler du mode d’élection des maires, des présidents de conseil départemental, du parrainage, de la caution et du bulletin unique. A en croire M. Guèye, des consensus ont déjà été trouvés, en ce qui concerne le mode d’élection des maires au suffrage universel direct. Toutefois, quelques divergences et réserves subsistent concernant le mode d’élection des adjoints aux maires, le parrainage, la caution, le bulletin unique…
Lors de la dernière réunion tenue mardi dernier, un comité technique a été mis en place pour réfléchir sur ces questions. Ledit comité, d’après le responsable à Rewmi, a une semaine pour livrer ses conclusions. Il réfléchira, par ailleurs, sur l’encadrement des pouvoirs du maire, pour qu’il ne soit pas un monarque, mais aussi sur les modalités de son remplacement en cas d’empêchement définitif… D’ailleurs, en ce qui concerne la désignation des adjoints aux maires, les non-alignés expriment leur préférence : “Dès l’instant qu’on veut résoudre la question des manœuvres, de la manipulation, il serait plus judicieux de faire de sorte que le maire et les adjoints soient connus des électeurs au moment du vote. Comme ça, en cas d’empêchement, il n’y a pas de risques de retourner à l’ancienne formule.’’ L’autre point d’achoppement qui sera au centre des discussions, c’est le parrainage qui divise opposition et pouvoir. Après ce point sur l’organisation des Locales, les plénipotentiaires vont directement aborder la lancinante question du chef de l’opposition.
Enquête
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