LA FEMME-OBJET, UNE RÉALITÉ BIEN SÉNÉGALAISE

Aminata Mbengue est une jeune bien décidée à refuser la soumission imposée aux femmes – Les femmes sont prises comme des objets de consommation périssables

Aminata Mbengue est psychologue clinicienne à Dakar. Militante féministe assumée, elle fait partie de la génération sénégalaise de cyber-activistes. Parmi ses thèmes favoris sur les réseaux sociaux, elle plaide pour l’égalité hommes-femmes et contre les violences faites aux femmes dans son pays. Elle a décidé de prendre les devants pour dénoncer « le calvaire d’être une jeune fille au Sénégal ». Tout est fait pour déposséder les femmes de leurs corps, de leurs droits, explique-t-elle à franceinfo Afrique.

Le corps de la femme est fétichisé, soumis aux regards critiques des hommes qui jugent et donnent des notes. Les femmes sont prises comme des objets de consommation périssables » – Aminata Mbengue, féministe sénégalaise à franceinfo Afrique.

Aminata Mbengue constate avec amertume que les violences sexuelles et sexistes sont endémiques au Sénégal. On les retrouve dans tous les milieux socio-culturels, dans l’espace familial, dans les écoles et dans les entreprises. Des violences qui ont fini par être banalisées, regrette-elle.

« Beaucoup de jeunes femmes portent le voile pour être tranquilles dans l’espace public. Pour se soustraire aux regards. Pour ne pas être embêtées », confie-t-elle à franceinfo Afrique.

« La culture du viol est bien ancrée dans la société »

La liste des victimes ne cesse de s’allonger. En mai 2019, le meurtre odieux d’une jeune femme, précédé d’une tentative de viol à son domicile de Tabacounda, dans l’est du pays, a conduit dans la rue de nombreuses femmes en colère. Aminata Mbengue dénonce le manque d’empathie de la part de certains de ses compatriotes et la banalisation des violences subies par les femmes. Des viols qui restent souvent couverts par la loi du silence. Les statistiques disponibles remontent à 2014. Quelque 3660 cas de viol ont été signalés en dix mois par l’association des juristes sénégalaises.

« Il y a un déni collectif qui participe à l’invisibilité des violences sexuelles. Il y a aussi la culture du viol qui est bien ancrée. On cherche à responsabiliser la victime. Elle était où ? Elle était habillée comment ?, entend-on dire. « C’est la double peine pour les victimes », se désole-t-elle.

« Non, les femmes ne sont pas des êtres vulnérables »

Aminata Mbengue rejette les stéréotypes de genre qui veulent que la femme soit émotive par nature et que les hommes soient plutôt virils. Des idées fausses qui causent des torts aux deux parties, déplore-t-elle. Elle estime qu’il est urgent de changer le discours sur la femme, présentée dans la société comme un être vulnérable. Un discours qui arrange les hommes et leur permet de perpétuer leurs privilèges, affirme-t-elle.

« Non, les femmes ne sont pas des êtres vulnérables qui ont besoin de protection. Ce sont les situations dans lesquelles elles se trouvent qui les affaiblissent. Ce sont les rapports inégaux, la discrimination qu’elles subissent qui les fragilisent », plaide-t-elle.

Et pour elle, il est impérieux de changer les rapports inégaux que la culture installe parfois de façon insidieuse entre filles et garçons dès leur jeune âge. « Quand on dit aux petits garçons qu’un vrai homme ne pleure pas, on lui apprend à réprimer ses émotions alors qu’on pousse très tôt les jeunes filles à se soucier et à prendre soin des autres. Cela impacte leurs choix ultérieurs et leur vie de couple », explique Aminata Mbengue.

A Dakar, la psychologue sénégalaise fait partie de celles qui militent en faveur de la criminalisation du viol. Il faut durcir les peines, martèle-t-elle. Elle réclame la reconnaissance par la justice de son pays du statut de victimes pour les femmes qui subissent ces violences. Une étape obligée pour leur réparation et leur guérison.

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