[EDITO DU JOUR] En « saignement » supérieur ! (Par Momar Mbaye)

L’université sénégalaise est malade. Admissible aux soins palliatifs parce qu’en proie à un mal profond hérité de l’école sénégalaise qui ne se porte pas mieux et dont elle est le prolongement. Creuset de l’excellence par essence, elle est aussi l’université de tous les manquements et de tous les échecs. Et la décision de l’Etat de déverser dans les universités publiques le surplus d’étudiants non orientés, est la goutte d’eau qui va faire de faire déborder le vase de ce qu’il convient d’appeler, aujourd’hui, un temple du savoir « en saignement supérieur ».

Pour pallier les effectifs pléthoriques qui minent les universités publiques, conséquence heureuse de l’accroissement du nombre record de nouveaux bacheliers né de la démocratisation de l’enseignement, l’Etat du Sénégal avait temporairement décidé de rediriger le flux trop encombrant d’étudiants vers des établissements privés d’enseignement supérieur. Mais il lui faut passer régulièrement à la caisse et l’ardoise est plus que salée. Devant l’accroissement du nombre de nouveaux bacheliers dont l’Etat ne sait que faire, la situation héritée de l’ancien régime explose à la figure du successeur d’Abdoulaye Wade. Las de se voir traîné dans les médias pour des impayés à coups de milliards, la situation devenue récurrente et embarrassante, a amené le gouvernement, à vouloir éteindre le feu qui couve dans le privé, tout en allumant un nouveau foyer de tension en voulant refiler la patate chaude à un enseignement supérieur public déjà en ébullition.

En 2001, l’université Gaston Berger de Saint-Louis qui gardait encore jalousement sa singularité d' »université d’excellence », a vu sa population étudiante passer de 2000 à 3000 étudiants en un an, sur décision du ministre de l’Enseignement supérieur d’alors, Madior Diouf qui, au sortir d’une visite dans ledit temple du savoir, avait constaté, pour le déplorer, les « conditions d’opulence » dans lesquelles baignaient les étudiants de Saint-Louis qui étaient tous logés, comparés à leurs camarades de l’Ucad qui étaient 26.000 à l’époque. Chose promise, chose due : on met la charrue avant les boeufs. A la rentrée universitaire suivante, 1000 étudiants supplémentaires se voient ouvrir les portes de l’université Gaston Berger sans que les conditions d’accueil aient été revues. L’Ugb découvrait ainsi, pour la première fois, les problèmes de restauration et d’hébergement. Des étudiants, à défaut de pouvoir disposer d’une chambre, sont amenés à dormir dans des salles d’études, sans lit, sans eau ni toilettes. Des conditions d’études qui, depuis lors, n’ont cessé de se détériorer.

La même situation est en train de se répéter aujourd’hui. Acculé par les établissements privés d’enseignement supérieur qui lui réclament le paiement d’une créance de plusieurs milliards de francs Cfa, le gouvernement délocalise la crise. Des milliers d’étudiants vont migrer des établissements privés, pour pourrir la vie aux effectifs pléthoriques dans les universités publiques alors que les infrastructures censées les accueillir sont inachevées voire inexistantes. Une option aux conséquences multiples, laquelle risque de provoquer une hémorragie interne au sein des universités publiques déjà en proie à un « saignement supérieur » visible même pour un non-voyant.

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