Île de Kouba : Cette localité de la Casamance où « le cannabis finance les études des jeunes »

Sa consommation formellement interdite par la loi, sa détention et sa production jugée illégale, le cannabis continue de générer du profit. Dans certaines localités du pays, cette drogue se cultive bien. C’est le cas de Kouba, une localité située en Basse-Casamance, non loin de Kafountine (région de Ziguinchor).
Au moment où la plupart des paysans sénégalais vivent de l’arachide ou des cultures maraîchères, tel n’est pas le cas à Kouba. Dans cette île casamançaise, à l’abri d’innombrables bras d’eau et d’une végétation dense, l’odeur âcre ne trompant pas, c’est bien le cannabis qui constitue la principale ressource, a révélé le site Slateafrique. Dans un article paru ce mercredi 8 janvier 2020, il est évoqué des villages perdus de ce coin reculé du Sénégal à l’embouchure du fleuve Casamance sur l’Atlantique qui ne sont accessibles qu’en se faufilant en pirogue entre les Karones, un patchwork d’îles aux berges recouvertes de mangroves, où se nichent caïmans et oiseaux rares.
Sur l’une de ces îles, au bout d’une piste sablonneuse, les femmes du village de Kouba s’affairent au coin des maisons en terre. Aux yeux de tous, elles séparent les graines des tiges de chanvre et les font sécher sur les toits en tôle.
Les Karoninkas (une population apparentée aux Diolas qui vit principalement sur la rive droite du Fleuve en Casamance) vivent de cette culture pourtant strictement prohibée au Sénégal, où elle est passible de dix ans de prison. N’empêche, cela est loin de dissuader les populations de cultiver cette drogue. “Tous ces champs sont réservés au chanvre”, dit sans détour Gaston Diaba, le maçon du village, en désignant une vaste zone avec des parcelles clôturées en bordure des habitations, à côté des rizières. Son frère cadet lui, n’en dira pas moins.  “Si tu ne cultives pas (le chanvre), tu ne peux pas t’en sortir”. Philippe, puisque c’est de lui qu’il s’agit est de retour dans les rues ensablées de sa bourgade d’origine pour quelques jours de vacances. Et comme pour dédouaner ses parents, il ajoute : “Il n’y a pas de route pour partir vendre les légumes en ville, alors on ne les cultive que pour se nourrir”.
‘’Si tu ne cultives pas le chanvre, tu ne peux pas t’en sortir’’
De toute manière, le kilogramme d’oignon se vend à peine 500 francs, contre 15 000 à 30 000 francs pour la plante psychotrope, dont les revenus ont inondé les îles à partir des années 1970. Son voisin Ousmane entrepose dans son garage plusieurs centaines de kilos d’herbe brunâtre, empaquetée dans des ballots. “Ça vaut des millions de francs”, observe Philippe Diaba, mal à l’aise face à tant de marchandise. Le cannabis finance les études des jeunes ou la recherche d’un travail en dehors de la région. Lui dit se tenir à l’écart d’un commerce qui peut attirer “beaucoup d’ennuis”.
‘’Pour les cultivateurs, pas besoin de s’inquiéter de livraison. Les acheteurs viennent s’approvisionner en pirogue. La marchandise produite ici contribue à alimenter le marché sénégalais. La géographie singulière sinon marginale de la Casamance, pas étrangère au conflit mené à partir du début des années 1980 par les séparatistes (Mouvement des forces démocratiques de la Casamance) contre le pouvoir central sénégalais, est propice au trafic. Il faut, pour s’y rendre à partir de Dakar, traverser ou contourner un autre Etat, la Gambie. Et le trajet dans le labyrinthe de l’estuaire est encore long jusqu’aux Karones. La persistance à feu doux du conflit casamançais fournit un surcroît de couverture’’, a indiqué ledit site.
La consommation de cannabis au Sénégal, selon la même source, demeure une préoccupation pour les autorités, dit Matar Diop. Ce dernier, contrôleur général de la police sénégalaise et membre du Comité interministériel de lutte contre la drogue. Et “la Casamance n’est pas une zone de non-droit”.
‘’Les acheteurs viennent s’approvisionner en pirogue’’
“Les cultures illicites de cannabis qui y sont découvertes font l’objet de destruction par les forces de défense et de sécurité”, rapporte-t-il. Cheikh Touré, coordonnateur régional de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc), vante le Sénégal comme l’un des bons élèves de la lutte contre les stupéfiants en Afrique de l’Ouest. Il invoque l’adoption, par ce pays, d’un plan stratégique de lutte jusqu’en 2020, indiquent nos confrères.
Ceux-ci de rappeler, selon le texte parcouru par Dakaractu, qu’en 2017, les autorités sénégalaises ont saisi 12,8 tonnes de cannabis ou de résine. Des informations relayées selon eux par l’Onudc. Dakar a signé en 2018 un accord avec la Gambie pour renforcer les contrôles sur leur frontière commune. “Les actions de répression de ces dernières années envoient un message fort aux réseaux et aux producteurs”, salue Cheikh Touré.
À Kouba, les villageois disent ne pas avoir vu de policier depuis belle lurette. Victor Diatta, sociologue et maire de Kafountine, la localité dont relève Kouba, aimerait voir émerger d’autres activités. Les plages paradisiaques voisines pourraient séduire beaucoup plus de touristes y compris à l’étranger. Mais, pour le tourisme ou l’industrie de la pêche, il faut des investissements et, pour l’heure, ce sont principalement des Sénégalais et des Bissau-Guinéens qui viennent, pour le cannabis. L’attrait de l’argent facile a pris le dessus sur toute autre considération”, regrette le jeune élu…

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