Comprendre la notion d’état d’urgence
Selon la belle formule de Montesquieu : « il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l’on cache les statues des dieux ». Et, la question qui importe de se poser est de savoir si les exigences de la légalité doivent-elles être les mêmes en toutes circonstances ?
Le problème se pose en des termes différents selon qu’un texte organise la légalité de crise ou que, dans le silence des textes, c’est la jurisprudence qui met en œuvre la théorie des circonstances exceptionnelles qui légitime le recours à des moyens qui, en période ordinaire, seraient illicites.
Il convient, à cet égard, de faire observer que la légalité de crise est l’hypothèse où il est le plus facile d’admettre des atténuations au principe de légalité puisque celles-ci ont été expressément prévues et organisées par le constituant ou le législateur.
Cette situation se produit dans trois hypothèse : l’application de l’article 52 de la Constitution à travers les pouvoirs exceptionnels du Président de la République, l’application de l’article 69 de la Constitution relative à l’état de siège et à l’état d’urgence.
Deux conditions sont posées quant à l’utilisation des pouvoirs exceptionnels. Il peut s’agir d’une menace grave et immédiate pour les institutions, l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux.
Il peut survenir en cas d’une interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Quant à l’état de siège, il est proclamé en cas de péril imminent pour la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat.
Dans la présente réflexion, les deux premiers cas sont écartés. Notre attention sera retenue par l’état d’urgence. L’article 69 de la Constitution du 22 janvier 2001 dispose que l’état d’urgence est décrété par le Président de la République. A ce titre, l’Assemblée nationale se réunit alors de plein droit, si elle n’est pas en session. Ainsi, le décret proclamant l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après douze jours, à moins que l’Assemblée nationale, saisie par le Président de la République, n’en ait autorisé la prorogation.
Le constituant précise, également, qu’il appartient au législateur de fixer ses modalités d’application. L’article 2 de la loi n° 69-29 relative à l’état d’urgence et de siège énumère les cas dans lesquels l’état d’urgence peut être proclamé. Il s’agit des situations ci-après :
- péril résultant d’atteintes graves à l’ordre public ;
- menées subversives compromettant la sécurité intérieure ;
- évènements présentant le caractère de calamité publique.
Le contexte dans lequel nous nous trouvons est relatif à celui de calamité publique, sur tout ou partie du territoire. Ainsi donc, peut-on parler état d’urgence sanitaire.
Devant cette situation, les autorités administratives peuvent être dispensées de respecter la légalité. Les règles de compétence peuvent être outrepassées. Il en va de même de règles de forme et de procédure et surtout des règles de fond.
Il se donne à lire que les mesures prises en application de l’état d’urgence constituent des actes de police administrative. Elles sont par conséquent susceptibles d’être soumises au contrôle de légalité du juge administratif. En outre, l’exécution des décisions prises par les autorités administratives compétentes sont susceptibles de faire l’objet des procédures de référé (procédure prévue par les articles 83 et suivants de la loi organique de 2017 sur la Cour suprême). C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la saisine en urgence du Conseil d’Etat Français par le Syndicat jeunes médecins demandant le confinement total (saisi par le syndicat Jeunes Médecins, le juge des référés du Conseil d’Etat refuse d’ordonner le confinement total de la population. Il enjoint néanmoins au Gouvernement de préciser la portée ou de réexaminer certaines des dérogations au confinement aujourd’hui en vigueur).
Au total, il convient de noter que l’état d’urgence est un des régimes spéciaux permettant de faire face aux événements les plus critiques.
Papa Makha DIAO
Chercheur en droit public
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