Coronavirus : Tout comprendre sur la pseudo-maladie de Kawasaki qui touche les enfants
Un enfant de 9 ans est mort à Marseille des suites d’une maladie proche du syndrome de Kawasaki, une maladie infantile potentiellement provoquée par le Covid-19. Une hypothèse génétique pourrait peut-être expliquer une part de ce phénomène mystérieux
A Marseille, est décédé le premier enfant français des suites d’une maladie proche du syndrome de Kawasaki, une maladie infantile grave possiblement provoquée par le coronavirus. D’où vient la maladie inflammatoire ? Les pays qui ont signalé des cas tentent de comprendre ce phénomène mystérieux, qui n’a toutefois fait que très peu de morts. Deux recensés pour l’instant, l’un au Royaume-Uni et l’autre en France, à Marseille.
Quel lien avec le Covid-19 ?
« Des hypothèses initiales indiquent que ce syndrome pourrait être lié au Covid-19 », a déclaré vendredi le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, en appelant « tous les cliniciens dans le monde à travailler [pour] mieux comprendre ce syndrome chez les enfants ».
« L’association avec une infection par le SARS-CoV-2 [le coronavirus qui cause le Covid-19] n’a pas encore été établie, mais elle semble plausible », a de son côté jugé le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) dans un rapport publié vendredi. Il a qualifié cette nouvelle maladie pédiatrique de « syndrome inflammatoire multi-systémique [qui peut atteindre tous les organes] temporellement associé avec une infection au SARS-CoV-2 ».
L’hypothèse d’un lien est appuyée par le fait que ces cas pédiatriques ont éclaté en pleine épidémie de Covid-19 et qu’ils ont souvent été testés positifs, avec des tests PCR (pour une infection en cours) et/ou de sérologie (pour une infection passée).
« Ces résultats sont très en faveur d’un lien entre l’infection par le SARS-CoV-2 et cette pathologie », juge l’agence sanitaire française Santé publique France dans un point publié jeudi soir. Elle estime que chez les enfants touchés, cette maladie survient « dans un délai moyen […] de quatre semaines après l’infection » par le coronavirus.
Les scientifiques émettent l’hypothèse d’un emballement du système immunitaire de ces enfants, quelques semaines après l’infection par le coronavirus. « Ils avaient le virus, leur corps l’a combattu. Mais maintenant il y a cette réponse immunitaire différée et excessive », explique à l’AFP le pédiatre Sunil Sood, du centre médical pour enfants Cohen à New York.
Cette nouvelle maladie intrigue les autorités sanitaires mondiales, d’autant que les enfants ne sont que très peu atteints par les formes graves du Covid-19.
Combien de cas, combien de morts ?
« Environ 230 cas suspects […] ont été rapportés en Europe et au Royaume-Uni », selon l’ECDC, qui insiste sur le fait que cette maladie est « rare ». Ces cas européens se sont soldés par « deux décès, l’un au Royaume-Uni et l’un en France », poursuit l’ECDC.
Le décès en France, annoncé vendredi, est survenu samedi dernier. Il s’agit d’un enfant de 9 ans, mort à Marseille d’une « atteinte neurologique liée à un arrêt cardiaque », a indiqué à l’AFP le professeur Fabrice Michel, de l’hôpital de La Timone. Des tests de sérologie ont montré qu’il « avait été en contact » avec le coronavirus, mais n’avait pas développé les symptômes du Covid-19. 144 cas ont été signalés en France depuis début mars, selon les autorités sanitaires.
En Angleterre, c’est un adolescent de 14 ans qui est mort. Il faisait partie d’un groupe de huit enfants atteints de cette maladie rare, soignés en avril à l’hôpital pédiatrique Evelina de Londres.
Enfin, aux Etats-Unis, une centaine de cas, dont au moins trois décès, ont été rapportés dans l’Etat de New York.
La première alerte est venue du Royaume-Uni fin avril. Depuis, d’autres cas ont notamment été signalés en Italie, en Espagne ou en Allemagne.
Quels sont les symptômes ?
Parmi les symptômes, une forte fièvre, des douleurs abdominales et troubles digestifs, une éruption cutanée, une conjonctivite, la langue qui rougit, gonfle et prend un aspect de framboise, voire des problèmes cardiaques. « Ces symptômes sont un mélange de ceux de la maladie de Kawasaki et d’un syndrome du choc toxique », relève l’ECDC.
Décrite pour la première fois en 1967 au Japon, la maladie de Kawasaki entraîne une inflammation des vaisseaux sanguins chez les enfants atteints.
Si les symptômes sont proches, les scientifiques insistent sur le fait qu’il existe des différences avec les cas actuels : le caractère inflammatoire et les atteintes cardiaques sont « beaucoup plus marqués » dans les cas sans doute liés au Covid-19 que dans la maladie de Kawasaki classique, selon Santé publique France. En outre, la nouvelle maladie peut toucher des enfants plus âgés, voire des adolescents, alors que Kawasaki frappe essentiellement les moins de 2 ans.
Pour marquer ces différences, le ministère de la Santé français parle de « pseudo-Kawasaki » et les études en anglais emploient le terme « Kawasaki like » («similaire à Kawasaki »).
Parue mercredi dans la revue médicale The Lancet, une étude italienne portant sur la région de Bergame estime que le nombre de cas ressemblant à la maladie de Kawasaki a été multiplié par 30 avec l’épidémie de Covid-19. Dix enfants (d’un âge moyen de 7 ans et demi) ont été diagnostiqués avec ce type de symptômes entre le 18 février et le 20 avril, contre 19 (d’un âge moyen de 3 ans) sur l’ensemble des 5 années précédentes.
La piste génétique ?
Pourquoi cette nouvelle maladie touche-t-elle certains enfants et pas d’autres ? La question taraude les chercheurs, alors que l’origine de la maladie de Kawasaki elle-même n’est pas connue (elle pourrait mêler facteurs infectieux, génétiques et immunitaires).
L’une des pistes à explorer est génétique. En Angleterre, six des huit premiers cas observés étaient des enfants noirs, « d’origine afro-caribéenne », ce qui pourrait suggérer une piste génétique, selon une étude du 7 mai dans The Lancet.
L’enfant mort en France, lui, était d’origine africaine, selon son médecin.
Pour ajouter encore au mystère, aucun cas semblable n’a été rapporté chez des enfants en Asie, y compris en Chine où le virus est apparu en décembre. C’est d’autant plus surprenant que la maladie de Kawasaki classique, elle, touche davantage les Asiatiques.
En France, l’Institut Imagine, spécialisé dans la génétique, mène des recherches pour en savoir plus. L’objectif est de « définir le mécanisme sous-jacent à cette maladie inflammatoire puis, une fois le mécanisme compris, proposer des thérapeutiques ciblées », explique à l’AFP Frédéric Rieux-Laucat, spécialiste des maladies inflammatoires pédiatriques qui supervise certaines de ces recherches.
20 Minutes
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