Retrait des « 7 places » de la circulation : une réforme au pas de caméléon, objet de toutes les convoitises.
Depuis quelques années, l’État du Sénégal a lancé le processus de modernisation du parc du transport urbain et interurbain. Dans cet esprit, les « Cars rapides » et « Ndiaga Ndiaye » devaient être remplacés de même que les « 7 » places qui, avec les bus et autres minicars assurent la desserte interurbaine. La vétusté de ces « Peugeot 505 » et les conditions de voyage sont surtout à l’origine de ce changement de paradigme. Il est de notoriété publique que se déplacer à bord de ce type de véhicule est un réel supplice pour beaucoup d’usagers. Certains voyageurs sont tellement traumatisés qu’ils sont prêts à débourser plus pour éviter les sièges arrière. Dans les gares routières, un trafic s’est créé autour de cette « course » pour s’asseoir à côté du chauffeur à défaut d’être au milieu.
Un processus à l’arrêt.
Pour y remédier, l’État du Sénégal devait miser sur des minibus de 15 places dont un premier lot a été réceptionné en grande pompe, au mois de septembre 2020 par le président de la République. Au total, 8.000 véhicules de type Toyota sont attendus dans le circuit et doivent être fournis par un concessionnaire local.
Cependant, ces minibus qui étaient présentés comme la solution avec « un confort aux normes » ne feraient plus l’affaire. « Les voitures qu’ils ont amenées pour remplacer les 7 places ne répondent pas au besoin des transporteurs », proteste Mboussobé Diop.
EMG qui collabore avec l’État du Sénégal sur ce projet a réagi. Son Directeur Général, Mbaye Guèye, que Dakaractu a contacté, précise : « ce sont les transporteurs eux-mêmes qui avaient choisi ce modèle ». Seulement ce n’est pas le seul grief contre ces minibus.
Selon le Secrétaire général du Conseil national des conducteurs du Sénégal, le coût a aussi joué un rôle important dans son rejet par les acteurs du secteur du transport interurbain. Les minibus leur seraient proposés à 21 millions l’unité. « C’est très cher », se plaint Mboussobé Diop.
Sur le coût, Mbaye Guèye a tenu à exprimer sa vérité des faits. L’homme d’affaires révèle à Dakaractu avoir bataillé avec les fabricants en Chine pour avoir un prix abordable, dans l’intérêt de tous. « Quand je suis revenu en parler à Oumar Youm, il m’a décliné le budget prévu pour cette opération. J’ai répondu que je pouvais bien trouver des véhicules mais pour avoir la marque désirée hors taxe hors douane, il fallait au moins débourser 27 millions l’unité à moins qu’on ne passe une commande de 8000 véhicules. J’ai eu l’engagement comme quoi l’État est prêt à renouveler le parc pour 8000 véhicules. Je suis retourné pour négocier le prix de 14,8 millions l’unité hors taxe, hors douane. Etant donné que le gouvernement voulait quelque chose de sûr, je me suis engagé à prendre sur fonds propres 500 véhicules pour un montant total de 6 milliards. Ce sont ces véhicules qu’on a présentés au président de la République. Une semaine plus tard, Oumar Youm est parti. Et nous sommes toujours dans l’attente », clarifie Mbaye Guèye. Depuis lors, le processus est à l’arrêt. Ou presque.
Pour le Secrétaire général du Conseil national des conducteurs du Sénégal, le remplacement des « 7 places » doit être précédé d’un inventaire sérieux du nombre de ces moyens de locomotion. Entre 8000 et 12 000 « 7 places » seraient en circulation au Sénégal. On imagine qu’il ne suffit pas d’un simple coup de baguette magique pour les envoyer à la retraite.
L’expérience des « cars rapides » qui devaient céder la route aux « Tatas » et « King Long » a montré que le renouvellement du parc automobile dans le secteur du transport est un exercice très complexe. « On avait promis de retirer les cars rapides de la circulation avec l’arrivée des Tatas. Actuellement on est où ? Les premiers ne font-ils pas toujours partie du décor du transport urbain ? Il faut qu’on sache ce qu’on veut », charge le SG du Conseil national des conducteurs du Sénégal.
ONIVA arriva…
Quand la mayonnaise prend du temps à prendre, des opportunités se créent et des parts de marché se libèrent pour qui sait profiter de la situation. C’est ce que deux américains ont compris avec le créneau des « 7 places » en proposant un prototype baptisé « Malaw ». La cérémonie de présentation a eu lieu ce mercredi 1er décembre à l’Ecole supérieure polytechnique de Dakar.
Pour marquer le coup, les petits plats ont été mis dans les grands par Astrid Ruiz Thierry et son frère Frederic Ruiz Ramon.
Dans un premier temps, le premier modèle a été présenté comme un véhicule qui aurait été mis au point par les étudiants de l’ESP. La presse est tombée dans le panneau, entrainant les réseaux sociaux dans une stratégie de marketing qui semble savamment orchestré pour titiller la fierté sénégalaise. Pendant toute la journée du 1er décembre, le web sénégalais n’en avait que pour cette « voiture de fabrication nationale » avant que le Directeur de l’ESP, Fallilou Mbacké Samb ne rétablisse la vérité en affirmant que « Malaw » a été fabriqué aux Etats-Unis.
« Avec notre approche participative, on va vers vous les étudiants, vers les acteurs du transport pour avoir vos opinions et vos conseils pour les intégrer pour la construction du dernier prototype qui ensuite, sera fabriqué au Sénégal », souhaite la Directrice de ONIVA SARL.
Quoi de mieux que de passer par l’une des écoles les plus prestigieuses au Sénégal pour gagner la confiance des autorités publiques ? L’Ecole supérieure polytechnique (ESP) est à cet effet associée à ce projet et devrait être impliquée dans la fabrication des pièces de rechange.
À l’écoute du gouvernement.
Ce pas franchi, les américains se dirigent vers un nouveau défi : convaincre les transporteurs. « Les solutions de rechange doivent être adaptées à nos besoins et aussi prendre en compte notre pouvoir d’achat », suggère Mboussobé Diop qui ajoute que les conducteurs doivent être accompagnés pour accepter les réformes du secteur dont ils sont les premiers concernés. Choisi pour tester « Malaw » depuis son arrivée au Sénégal, Dame Diouf trouve que « la voiture se comporte bien sur les routes du Sénégal ».
L’ambition de ONIVA, c’est d’étendre son « business » au-delà du Sénégal et de conquérir le marché ouest-africain estimé à 2 millions de véhicules. Il faut au préalable gagner le marché sénégalais. Ce qui est loin d’être acquis. EMG est toujours sur le coup et attend que « les choses bougent » du côté du ministère des Infrastructures et des Transports terrestres. Mbaye Guèye dit rester « à l’écoute du gouvernement pour fournir le reste des véhicules qui doivent être montés ici au Sénégal ».
« Le processus est en cours », souffle une source étatique. Apparemment, les usagers peuvent encore prendre leur mal en patience en continuant de s’entasser dans les « 7 places » traditionnels.
dakaractu
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