Un génie à Gnith : Cheikh Gaye, le pisciculteur touche-à-tout qui a transformé une partie du Lac de Guiers en une mare à poissons.


Quand il nous a accueillis ce samedi 19 mars « chez lui », Cheikh Gaye, dans son grand boubou blanc relevé, laissant apparaître un jean bleu, était d’une joie contagieuse. « Bienvenue à Baresolone », lance-t-il, les bras ouverts. 

La plaque en bois qui se trouve à l’entrée a écorché l’orthographe de la ville espagnole, mais Cheikh n’en rougit pas. Pour ce sexagénaire, qui se distingue dans la pisciculture, la signification est plus importante. Nous invitant à le suivre, il explique avoir baptisé ce lieu Baresolone en référence à la vague de départs de jeunes sénégalais en 2007 pour les Îles Canaries.

« Baresolone », signification d’un nom écorché

À l’époque, le phénomène était appelé « Barça ou Barsaq » (Barcelone ou la mort). C’est la même année que Cheikh Gaye, alors maître-menuisier à l’Usine qui reconditionne l’eau provenant du Lac de Guiers, à Gnith, dans le département de Dagana, choisit pour planifier une zone où il s’adonnerait à la pisciculture car pour lui, il est possible de réussir chez soi.

Pour ce faire, il s’empare d’une portion du cours d’eau connu pour abreuver une partie du Sénégal et s’emploie à délimiter son périmètre à coups de sacs de sable. À titre de remblaiement, il affirme avoir déposé 17 tonnes de sable par jour et ce pendant trois ans. Sous d’autres cieux, c’est toute une industrie qui serait mobilisée pour arriver à ce résultat. Armé d’abnégation et de courage, Cheikh a imposé sa volonté à la nature.

Le tout, manuellement. Ce qui lui a valu d’être considéré comme un « déficient mental » par son entourage. « Mais je savais ce que je faisais », en sourit-il aujourd’hui, satisfait de sa réalisation. 

17 tonnes de sable par jour

Les ressources halieutiques qu’il élève dans son « petit lac », il prend le soin de les attirer à travers un système digne d’un ingénieur sorti d’une grande école de génie civile. Les « individus » sont dirigés vers l’antre de Cheikh par différents niveaux où ils peuvent passer des mois sans se sentir dépaysés. Le but, c’est de les élever dans leur milieu naturel même si c’est un aller sans retour. Ceux qui auront été piégés n’auront plus la possibilité de retourner en mer. Le reste de leur vie, ils le passeront à côté d’un nouveau maître qui, malgré les moyens limités, tient à ce que ses nouveaux compagnons se sentent à l’aise. Ça ne fait pas pour autant de Cheikh un homme désintéressé.

Depuis qu’il a commencé à exploiter ce périmètre de 100/30 mètres où sont présentes différentes espèces allant des carpes aux tilapias » en passant par les salmonidés, il a récolté à deux reprises les fruits de son travail. En témoignent les images de cette « Récolte » qu’il avoue avoir commercialisée à Richard Toll d’où la marchandise serait acheminée vers le Mali.

« Même à 20 millions, je ne vends pas… »

S’il ne tenait qu’à lui, le rythme de production serait beaucoup plus intense car « l’homme doit vivre de son métier. » « J’ai besoin d’être accompagné pour pouvoir accélérer le rythme de croissance des espèces que j’élève. Je dois dire aussi que j’ambitionne d’embellir le site aux fins d’attirer les touristes », aurait-il décliné.
Le lot de consolation de Cheikh, c’est qu’à travers son génie, il fait déjà parler de lui au-delà de Gnith.  Son nom l’a précédé dans beaucoup de pays. Au Sénégal, les quelques rares visites qu’il reçoit sont le fait de nababs. Il se rappelle avoir reçu de l’un d’eux la proposition d’acheter son « champ » à 10 millions. « Je lui ai dit que je refuserai le double parce que je suis conscient de la valeur réelle de cet investissement qui m’a pris des années », s’accroche-t-il à ce trésor dont il ne tire pour le moment que les besoins de sa famille en poisson…

dakaractu

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