SÉNÉGAL / Cohabitation pacifique entre communautés : la leçon de Gnith au reste du monde.

Plus vaste que la région de Dakar avec une superficie de 887 km2, Gnith est partie intégrante de Dagana, un des trois départements de la région de Saint-Louis.

Dans une tenue décontractée, le maire wolof que nous avons trouvé chez lui, à Sarène, confie : « Si on tient compte des hameaux, nous avons en tout 75 villages ».
Plus de 30 000 habitants se réveillent dans cette commune découpée en six zones, où cohabitent plusieurs ethnies. Adama Sarr : « La population est composée de plusieurs ethnies. Mais les wolofs, les peulhs et les maures constituent la majorité ».
Vecteur de malédiction ailleurs, cette diversité ethnique est une bénédiction à Gnith.

Au chef-lieu de la commune, ces communautés cohabitent dans la paix et dans la confraternité telle que nous le décrit Cheikh Gaye connu dans la zone comme un « historien ». « La plupart des habitants de la ville sont wolof mais on peut aussi compter des peulhs, des maures hassaniya, des laobés. Compte tenu de l’ouverture de la ville, d’autres communautés vivent parmi nous comme les bambara, socé et diola », décline-t-il.

Dans un compartiment sobre aménagé dans la cour de sa maison, il admet que « de temps en temps des malentendus peuvent survenir entre communautés du fait que le bétail peut empiéter sur les champs des wolof… Mais après explications, elles fument le calumet de la paix parce que les chefs de village veillent toujours au grain et jouent un rôle essentiel dans la préservation de cette concorde », argumente Cheikh.
Ce témoignage est unanime dans tous les autres villages qui ont reçu notre équipe pendant nos deux jours de tournage.

Habitant de Saré Alassane, un village de 10 maisons en paille et en dur, à moins d’un kilomètre de Ndogal Tedjel, Moustapha Sow se prélasse dans la grande cour de sa concession. Entouré d’une dizaine d’enfants agités par la vue de la caméra, il magnifie la bonne entente avec ses voisins wolof. « On cohabite dans une bonne ambiance. La preuve, chaque communauté compte des filleuls dans l’autre. Mais en réalité, il ne pouvait en être autrement. C’est notre héritage », concède le « businessman ». 

L’agriculture, l’élevage et le commerce dominent les activités économiques

Ici, les activités économiques tournent autour de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et du commerce. Mais elles ne sont la chasse gardée d’aucune communauté quoique dans de rares occasions, elles sont à l’origine de certaines incompréhensions. « Entre l’agriculteur et le pasteur, il peut y avoir de petits accrochages, surtout pendant l’hivernage », reconnait Ousmane Adama Sow que nous avons rencontré à Wangene, un autre village peulh de la commune. Selon lui, ce genre de malentendu ne radicalise pas pour autant les positions. « Personne ne veut voir son bien endommagé par autrui. Cependant, il suffit de discuter pour trouver un terrain d’entente et dépasser les incompréhensions », tente-t-il de minimiser l’ampleur des différends entre agriculteurs et pasteurs.

Cette faculté de dépassement est un legs qu’il ne faut surtout pas égarer. Issu de la communauté maure, Ely Fall a été le chef de plusieurs villages peulh. Ousmane Adama Sow se rappelle avoir été très proche du fils de leur ancien chef de village. 

Un maure à la tête de plusieurs villages peulh

Retrouvé à Golam où il exerce le métier de boucher, Cheikh Fall confirme le récit d’Ousmane Adama Sow.  « Avant qu’on ne déménage, mon père était à la tête d’au moins cinq villages. Degelem, Kamba Bouki, Boyti, al Wathiam, Ndakar », révèle-t-il.

Chez ce quinquagénaire, la bonne entente entre communautés est une plante qu’il faut perpétuellement alimenter. « Moi aussi, je n’ai cessé d’œuvrer pour consolider cet héritage. Il n’y a aucune forme de malentendus entre nous. Quand on me sollicite pour un besoin, j’interviens à la hauteur de mes capacités. Et vice versa. On milite pour la paix, la bonne entente. Il n’y a pas de place pour l’adversité », philosophe Cheikh Fall qui retourne à ses occupations.

Dans la zone 6, une fédération de 20 groupements de femmes dirigée par Fatou Fall a fait de ce vivre ensemble un sacerdoce. Leur présidente, une commerçante originaire du village Ndogal Tedjel s’en réjouit. « Nous avons toutes les couches dans la fédération. D’ailleurs, mes sœurs peulh ont répondu à mon invitation. Les autres n’ont pu venir car elles ont une cérémonie familiale. Dans cette commune, les trois ethnies dominantes sont les wolof, les peulh et les maures. Nous constitutions une seule famille », se félicite-t-elle de leur chance de parler et d’agir d’une seule voix. 

Appartenant à l’ethnie peulh, Bayal Sow est le premier adjoint au maire. Pour l’interviewer, nous avons parcouru plusieurs centaines de mètres dans une zone semblable au Sahara. Des hameaux se révèlent çà et là montrant le niveau de vie des habitants de la commune. Depuis sa retraite de Thiamène, Bayel ne semble pas mieux nanti. Averti de notre présence par le bruit de la voiture, l’homme politique sort d’un bâtiment sobrement bâti au milieu de plusieurs cases. Après les salamalecs d’usage, place est prise sous le soleil qui ne gêne pas notre hôte. Pour expliquer le choix porté sur un peulh pour seconder un wolof, il se lance : « C’est facile à expliquer. Il ne suffit pas d’appeler à la concorde, il faut aussi poser des actes dans ce sens. Si un peulh est maire, il faut faire de sorte que son premier adjoint soit un wolof ou un maure. Ainsi, aucune communauté ne se sentira lésée ».  

La communauté maure de Gnith se dévoile

Lorsque nous avons pris congé de Thiamène, nous prenons la direction de Madina Gaddou Sabara. C’est l’un des deux quartiers maures de la ville de Gnith. Il nous accueille dans une ambiance festive sous la houlette de Sidy Tabane. Sous une tente, son comité d’accueil composé essentiellement de femmes habillées traditionnellement assurent l’animation. Sidy n’a pu résister à l’appel de sa passion. Sous les vivats des siens, il exprime son art, fier. Quand la discussion est lancée, il affirme que le quartier n’est pas exclusivement habité par des maures. « Notre cohabitation avec nos frères halpulaar ne date pas d’aujourd’hui. Il y a des peulhs Ndurnabé, torodo, diassarnabés », explique Sidy Tabane.

Cependant, tout ne semble pas rose. C’est comme si Sidy attendait cette occasion offerte par notre présence pour dire son ressenti. Sans langue de bois, il réclame plus d’égard pour sa communauté. « Nous sommes des citoyens sénégalais à part entière. Que tout le monde le comprenne ainsi. Nous réclamons plus d’égard car nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes toujours délaissés. Nous n’avons rien à envier aux autres car nous suivons la voie tracée par le prophète Mohamed et les préceptes de l’Islam. Nous méritons donc tous les égards », revendique l’artiste.

Cet appel n’est pas un cheveu dans la soupe, mais sonne comme une invite à plus d’ouverture pour la préservation d’une richesse devenue une denrée rare. 

L’accès à l’eau, le principal défi

Chez les femmes de Gnith, cette unité n’est plus un défi. Ce qui l’est par contre, c’est l’accès à l’eau pour une commune qui abreuve une partie du Sénégal. « La principale préoccupation, c’est l’accès à l’eau. Vu que le Lac de Guiers n’est pas loin et que nous disposons d’assez de terres arables, nous pouvons développer la culture maraîchère. Le maire fait de son mieux mais il doit être appuyé. Les jeunes d’ici sont très braves mais faute d’opportunités, ils sont ailleurs pour trouver meilleur », regrette Fatou Fall.

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