Burkina – âgés et sans revenus, souffrance silencieuse…

Le système de sécurité sociale burkinabè ne tient pas compte des personnes âgées n’ayant pas pu cotiser pour jouir du droit à une pension retraite. La loi censée corriger cette injustice sociale attend toujours d’être mise en œuvre.

Appelons le Halidou. Il est âgé de plus 70 ans. Son épouse que nous appellerons Jeanne a plus de 60 ans. Le vieux couple dont les noms ont été changés, à leur demande, pour protéger leur dignité et leur anonymat vit dans une maison délabrée à Zogona, un vieux quartier à l’Est de la ville de Ouagadougou.

Le poids de l’âge les empêche d’exercer une activité rémunérée. Ils vivent essentiellement de mendicité.

Pendant son jeune âge, Halidou a travaillé en tant qu’ouvrier dans les bâtiments et travaux publics, comme le bitumage de voies, pour faire vivre sa femme  et ses quatre enfants. La dureté des travaux qu’il a exercés dans sa jeunesse lui valent aujourd’hui des maux de dos. Il souffre aussi de problèmes de vue, de rhumatisme, et probablement d’autres pathologies, qu’il ignore car il n’est pas médicalement suivi.

Son statut d’ouvrier payé à la journée ou à la semaine ne lui a pas permis de cotiser à la Caisse nationale de sécurité sociale pour une éventuelle pension de retraite. Jeanne a quant à elle toujours été une femme au foyer sans aucune source de revenus. « Chaque jour, c’est la croix et la bannière pour assurer le déjeuner et le dîner de la famille », confie Halidou. Avec tristesse.

A la question de savoir si le couple bénéficie d’un accompagnement de l’État burkinabè, le vieux Halidou pousse un rire narquois et lâche : « est-ce que nous comptons même pour l’Etat ? ».

Autre quartier, autre famille, la même tragédie, ou presque.  C’est avec des visages exprimant à la fois la détresse et le courroux que le vieux Amado et sa femme tous deux âgés de plus de 60 ans, déplorent un monde particulièrement éprouvant quand on vit sans revenus. « La famille n’a d’autre choix que de compter sur la générosité divine et des personnes de bonne volonté pour survivre », regrette son épouse.

Pendant sa jeunesse, le vieux Amado a exercé plusieurs emplois comme aide-maçon, vigile, agriculteur. Le système de sécurité sociale ne contraignait pas ses employeurs à cotiser pour sa vieillesse. Lui aussi est aujourd’hui sans pension de retraite.

Que ce soit Halidou, qui a préféré garder l’anonymat ou Amado qui a parlé à visage découvert, les deux vieillards vivent quasiment le même lot que nombre de leurs compatriotes du 3e âge.

Laissées pour compte !

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère les personnes âgées comme celles ayant plus de 60 ans. Au Burkina Faso, Elles représentent au moins 3,4% de la population totale qui est estimée à plus de 20,48 millions d’habitants, selon les résultats du 5e recensement général de la population et de l’habitation de 2019, réalisé par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD). Leur effectif est plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain et chez les femmes que chez les hommes, selon les mêmes sources.

Selon le « Plan stratégique de santé des personnes âgées 2016–2020 », du ministère de la Santé, les personnes âgées, souffrent surtout de l’insuffisance d’accès à la santé et au transport, de la faiblesse des revenus, de la pauvreté, de problèmes de santé et de nutrition, de l’absence de structures de rencontres et de loisirs.

Pourtant, le Burkina Faso a ratifié le 21 juillet 1984, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 qui engage les Etats parties à la réalisation de « mesures spécifiques de protection en rapport avec les besoins physiques et moraux » de cette catégorie de personnes. Rien que des vœux pieux. Depuis plusieurs décennies, les personnes n’ayant pas pu cotiser pour leur sécurité sociale sont laissées à elles-mêmes, sans pension de retraite et sans aide de l’État.

En 2016, le Burkina a adopté une loi pour la protection et promotion des droits des personnes âgées pour corriger cette injustice sociale.

Cette loi impose à toute personne âgée d’être détentrice d’un pass appelé « Carte de personne âgée » pour bénéficier de l’aide sociale publique. Celle-ci donne droit à une réduction des frais de soins et d’hospitalisation dans les hôpitaux publics, suivant les conditions définies par le régime de l’assurance maladie universelle. La gratuité est accordée aux personnes indigentes.

Tout détenteur de la carte bénéficie également en priorité du soutien et de l’accompagnement des services de la solidarité nationale », précise la loi de 2016.

Selon la loi, les conditions de délivrance de la Carte de personne âgée et les modalités de son usage sont précisées par voie réglementaire.

Mais près de six ans après son adoption, cette loi reste inopérante pour défaut de décret d’application.

Selon, la directrice de la communication et des relations publiques du ministère de la solidarité nationale et de l’action humanitaire, Angélque Nikiema interrogée par Ouestaf News, «les actes sont toujours à l’étude ».

Selon un cadre du ministère qui n’a pas souhaité être cité, l’une des raisons qui bloque la mise en œuvre de la loi, est son coût. Trop lourd pour le budget de l’Etat dira cette source sans plus de détails.

Ouestaf

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