DIDIER AWADI: « IL FAUT QU’ON SE PARLE, SINON… »

Le nouvel album de Didier Awadi s’insère dans un projet artistique multidimensionnel, allie musique, cinéma et photographie. Le rappeur sénégalais a ainsi présenté un court métrage sur l’esclavage transat- lantique en inversant les rôles. Ce film invite surtout à la réflexion, selon le rappeur panafricaniste.

Pourquoi le choix de faire un album plus un film ? 
Aujourd’hui, on est obligé d’apporter un plus à un album. Si tu fais seulement un album tu n’es pas assez visible et ce qu’on a dire est plus important et ne pourrait être traduit seulement par la musique. Je pense que le cinéma apporte une valeur ajoutée à une musique. Donc, je pense que c’est la manière de pouvoir exister et continuer notre combat en y ajoutant les outils de notre temps.

Un court-métrage acté sur l’esclavage où les rôles sont inversés. Quel message voulez-vous lancer ? 
Le message est que ça peut arriver à tout le monde dans cette situation. Et si on ne veut qu’il y ait plus de domination et d’asservissement de l’homme par l’homme, il faut se lever et le dire clairement. Toute domination est à proscrire, voilà pourquoi il faut inverser les rôles pour que l’autre puisse comprendre ta douleur. Parce que, tant qu’il n’a pas vu ou ressenti ce que vous ressentez, il ne peut pas agir. Donc, je pousse les gens à la réflexion pour que demain, on puisse prend- re des actions.

Qu’est-ce qui a motivé cet album ? 
C’est la situation du monde, la situation du pays. Et je pense que cette expression des bambaras quand ils vous disent « Non ». Elle est trop forte. Ce qu’il faut dire en ce moment au Sénégal et en Afrique et ce qui se dit quand on voit les populations se soulever un peu partout, c’est le Non qui revient tout le temps. Et donc, il faut le marteler et le dire clairement car on ne peut pas dire une chose en faisant le contraire. Quand on refuse on dit non.

Évidemment « quand on refuse on dit non ». Est-ce que Didier Awadi s’inscrit dans ce combat pour dire non à tout. C’est une continuité à ce que vous faites, ? 
Oui, c’est clair c’est une continuité. Mes enfants souvent, ils me disent « toi tu es toujours fâché », « toi c’est toujours non » « quand est-ce que tu vas dire oui ? », « quand est-ce que tu es content ? » Je leur dis pourtant je suis très content tous les jours, je rigole tout le temps, mais ça ne m’empêche pas de regarder, de vivre avec mon temps, de voir ce qui se passe autour de moi. Je ne peux pas dire que tout va bien pour moi et faire comme si je ne voyais pas que ça ne va pas. Et à des moments il faut prendre ses responsabilités. Et c’est Mamadou Dia qui m’a aussi beaucoup inspiré. Quand Mamadou Dia disait à Senghor qui lui demande de laisser la politique et il dit à Roland Colin : « dites-lui bien je peux renoncer à tous mes droits, mais je ne renonce pas renoncer à mon devoir ». Voilà pourquoi je continue.

Qu’est-ce que vous comptez faire pour mieux vulgariser ce film ? 
Nous allons tout faire pour que ce film soit projeté dans tous les festivals qui l’accepteront. Si nous avons des prix c’est bien, mais ce n’est pas ce qu’on recherche, moi je veux créer des débats c’est tout. Et le film est là pour ça.

Vous l’avez dit pour le moment c’est un album de 12 titres, peut-on s’attendre à une suite ? 
Ce que je peux vous dire, c’est la première partie et d’ici le mois de juin, il y aura une deuxième partie qui, elle sera un plus sportive.

Avec la tension politique du Sénégal, comment en tant qu’artiste vous analysez cette situation ? 
Oui il y a une tension politique, voilà pourquoi je dis aux gens qu’il faut parler. Vous l’avez vu dans la salle, il y avait deux camps qui aujourd’hui s’opposent farouchement. Mais j’ai voulu les faire asseoir dans une même salle et qu’ils se parlent c’est ça notre rôle. Nous allons continuer à dire aux Sénégalais parlons-nous, si on ne se parle pas, on se frappe. Et le message que je donne aux jeunes quand on refuse, on est noyé.

emedia

 

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