Du syndicalisme à la politique : Une reconversion préjudiciable au mouvement syndical ?

Les acteurs de la société civile se démarquent eux des clivages idéologiques et se veulent l’incarnation d’un contre-pouvoir citoyen proche des préoccupations des populations et des couches sociales les plus défavorisées de la société. Le syndicalisme, tel qu’on le définit universellement, a pour but, en termes généraux, l’étude, la défense et la promotion des intérêts professionnels, économiques et sociaux de ses membres. Il a donc non seulement le droit mais aussi le devoir d’utiliser tous les moyens légitimes qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Il ne faut cependant pas que le « recours à un moyen, même honnête, ne le détourne de son objectif. Au Sénégal, le syndicalisme a connu de très grandes figures syndicales à l’image de feu Iba Der Thiam ou encore Madia Diop qui ont su porter les revendications légitimes des travailleurs. Mais que devient ce milieu considéré comme une niche de porteurs de voix de travailleurs se définissant comme un contre-pouvoir ?

40 ans après un remodelage du paysage syndical, une évolution est notée à plusieurs niveaux. Lors de son congrès de novembre 2001, la CNTS s’est désaffiliée du PS. Ce congrès marque symboliquement la fin de l’époque senghorienne dans le mouvement syndical. Wade a alors cherché à prendre le contrôle de la centrale. Il voulait reproduire à son profit la politique de domestication du syndicalisme mise en œuvre pendant 40 ans par son prédécesseur socialiste. Mais ce qui avait été possible en 1981 avec le « Renouveau syndical » de Madia Diop ne l’était plus 20 ans plus tard. Ainsi, il n’était plus possible d’embarquer les travailleurs de cette façon. Et le résultat a été, d’une part, la cassure de la CNTS lors du congrès de 2001, et d’autre part, la création de la CNTS-FC en janvier 2002.

L’UNSAS a vu son secrétaire général Mademba Sock nommé à la fois président du Conseil d’administration de l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES) et de l’Agence sénégalaise pour l’électrification rurale (ASER).
Même si sa centrale est restée indépendante de tout parti politique dans ses statuts, cette double casquette de syndicaliste et de Président de Conseil d’administration a créé, à un moment, une confusion au niveau des militants et de l’opinion. La CSA, la CNTS, l’UDTS et plusieurs autres syndicats ont eu d’étroites relations avec les entités politiques car d’ailleurs, plus ou moins liées. Mais est ce qu’il est impératif de se mouvoir vers ces entités politiques pour mieux prendre en compte les revendications ?
Dakaractu a donné la parole à certains syndicalistes particulièrement des enseignants dont la plupart se sont actuellement reconvertis en hommes politiques.

Saourou Sène, ancien SG national du SAEMS : « J’ai été charmé par la vision du président Macky Sall pour l’Éducation !»

 

Du syndicalisme à la politique : Une reconversion préjudiciable au mouvement syndical ?

 

Il était sur le champ syndical et n’avait d’yeux que pour le syndicalisme. Saourou Sène, actuellement ministre conseiller du président de la république en matière d’éducation a fait un parcours particulier au SAEMS. D’ailleurs, il a été le seul responsable élu comme secrétaire général d’USP en 2006, ensuite, départemental en 2008, régional dans la même année et membre du bureau national en 2010 au congrès en tant que chargé des revendications du SAEMS. Au premier mandat de Dianté, il a été son chargé des revendications, au deuxième mandat, le congrès. En 2016, il a difficilement gagné avec 5 voix d’écart car son passé d’étudiant a été revisité. « J’ai été responsable des étudiants socialistes. L’engagement que j’ai, c’est depuis que j’ai été élève. En 1998, je suis élu responsable des étudiants de l’UGB en année de licence. J’ai eu la fibre de mon père qui était lui aussi socialiste. Au CEM Momar Sène Laye où j’ai commencé à militer après avoir quitté Thiadiaye après de difficiles conditions », nous a confié l’ancien syndicaliste. Une fois au lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque, Saourou Sène, a été élu en tant que responsable des élèves socialistes. Après avoir réussi le concours d’entrée à l’École normale supérieure (actuel FASTEF), il a été à la suite affecté à Thionk Essyl et en ce moment, il était encore, secrétaire général national des Elèves et Étudiants socialistes du Sénégal. Mais en tant que professeur, il a bien décidé de se concentrer sur ses activités professorales en tant qu’enseignant. Et en ce moment, il a complètement abandonné le parti socialiste.

Adhésion à la politique du président Macky Sall

Quand Saourou Sène a quitté le monde syndical, c’est une autorité qui l’appelle pour lui faire part du souhait du président Macky Sall de le rencontrer. « J’étais très surpris mais agréablement surpris car, c’est la première institution qui veut me rencontrer. Quand je suis venu, le chef de l’État m’a félicité et salué les avancées significatives dans le secteur de l’enseignement du moyen secondaire. Mais quand j’ai écouté le président Macky Sall, j’étais charmé de sa vision qu’il a pour l’éducation », a noté le conseiller du président.  D’ailleurs, il lui a même, nous dira notre interlocuteur, donné son engagement de respecter les accords signés, particulièrement, ceux financiers. « Il m’a demandé ce que je fais et j’ai répondu qu’après deux mandats à la tête du SAEMS, c’est fini. Il m’a alors invité à travailler avec lui dans le secteur de l’éducation car, il m’a signalé qu’il a effectivement beaucoup de projets pour le secteur », ce que l’enseignant a accepté car, ayant déjà tourné la page syndicale pour se mouvoir dans l’espace politique où il compte soutenir le président Macky Sall à tous les niveaux.

Dame Mbodj, SG national du Cusems authentique – Pdt du mouvement citoyen Le peuple :

 

Du syndicalisme à la politique : Une reconversion préjudiciable au mouvement syndical ?

 

Un des acteurs très connu de l’espace syndical et également engagé pour la cause citoyenne, Dame Mbodj, ne cache pas ses idées et sa conception du syndicalisme : « Je suis syndicaliste veut simplement dire que je suis dans la société civile parce qu’elle est très vaste. Malgré une certaine volonté de le réduire au néant. Nous syndicalistes, ne sommes pas là pour chercher le pouvoir, nous sommes juste une sentinelle qui opte pour assister les travailleurs, la société de manière générale. » Le secrétaire général national du Cusems Authentique nous fait savoir qu’il n’a jamais fait du syndicalisme sectaire, ni corporatisme et ne le fera jamais. « Nous sommes, en tant que corps intermédiaires, les sentinelles de la démocratie, de l’État de droit et des libertés. Nous avons toujours connu de grands syndicalistes, notamment, des enseignants qui ont toujours contribué au développement du pays, jusqu’en mai 1968 où ils ont été au cœur du combat démocratique. » Pour Dame Mbodj, aujourd’hui, il ne faut pas qu’on réduise le rôle des syndicats à des revendications corporatistes. C’est pourquoi, dira-t-il, que leur organisation se positionne clairement dans le débat national, se prononce sur les questions de gouvernance et de démocratie, car c’est cela qui a toujours été l’objectif visé. Concernant la politique et le syndicalisme, Dame Mbodj estime n’avoir aucun problème avec son engagement syndical qui est en relation avec la vie sociale. « Je suis un intellectuel et j’ai le droit d’avoir des positions politiques », a-t-il clarifié.

Mamadou Lamine Dianté, le « Ndongo Daara » devenu syndicaliste puis politique…

 

Du syndicalisme à la politique : Une reconversion préjudiciable au mouvement syndical ?

 

Mamadou Lamine Dianté est actuellement membre de la coalition Yewwi Askan Wi.   En se lançant dans le champ politique en 2021, l’ancien SG du Saems-Cusems et actuel président du mouvement pour la citoyenneté partagée « And Nawlé » considère que son engagement en politique n’est qu’une continuité  des actions qu’il a souvent menées en syndicalisme. « J’ai été porté à la tête du SAEMS et avant la fin de mon mandat, je suis entré dans le front de résistance national qui a été dirigé successivement par Mamadou Lamine Diallo et Moctar Sourang. Mais en tant que syndicaliste j’ai représenté un contre-pouvoir. Dans le cadre politique, nous sommes toujours dans notre logique en toute cohérence. Mon combat citoyen est de me mettre aux côtés des populations comme je l’ai toujours fait en tant que syndicaliste », a affirmé Mamadou Lamine Dianté. Donc, même dans Yewwi Askan Wi, l’ancien syndicaliste affirme qu’il reste dans sa vision qui est toujours de porter les revendications légitimes des populations. « Les gens peuvent caractériser nos positions ou chercher la petite bête, surtout ceux qui sont au pouvoir et qui ne sont pas encore prêts à régler les problèmes posés par les mouvements syndicaux », indique Dianté se disant suffisamment outillé pour servir dans le monde politique.

Au fil de l’histoire du Sénégal indépendant, la politique et le syndicalisme n’ont toujours pas fait bon ménage. Le contre-pouvoir en sentinelle, veut toujours s’armer et se munir de tous les atouts pour ne pas sombrer face aux entités politiques refusant de se laisser conditionner par les acteurs syndicaux. Cependant, on assiste, de nos jours, de plus en plus, à un rapprochement entre les deux camps qui laisse perplexes les observateurs, quant à l’incarnation du vrai rôle du syndicalisme.

dakaractu

Les commentaires sont fermés.