Le conflit israélo-palestinien en cinq questions

L’attaque surprise lancée par la branche armée du groupe palestinien Hamas contre Israël et ses forces armées marque un nouveau pic de violence et de destruction dans le cadre d’un conflit qui fait rage depuis trois quarts de siècle. Voici cinq pistes pour mieux comprendre cette crise qui embrase le Moyen-Orient.

Quelles sont les origines du conflit?

Les tensions entre Israéliens et Palestiniens s’imbriquent dans un conflit qui tire son origine de la volonté de deux peuples d’occuper un même territoire, aujourd’hui divisé entre l’État d’Israël et les territoires palestiniens (la Cisjordanie et la bande de Gaza).

La Palestine, une région historique du Moyen-Orient dont les frontières ont été modifiées à de nombreuses reprises, a été habitée par plusieurs peuples depuis la préhistoire, dont les ancêtres des Juifs et des Arabes, qui revendiquent aujourd’hui le droit d’occuper cette terre.

En 1917, le Royaume-Uni se déclare en faveur de l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, sans que ce projet porte atteinte aux autres peuples sur ce territoire, en l’occurrence les Arabes. Mais ces derniers sont déjà réfractaires à l’idée que des Juifs viennent s’installer sur le territoire qu’ils habitent.

Proche-Orient, l’éternel conflit

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Un panache de fumée s'élève à la suite d'une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le samedi 7 octobre 2023.

Au cours des années 1930, la persécution des Juifs en Europe (en particulier dans l’Allemagne nazie) entraîne une forte migration vers la Palestine. Les Britanniques proposent, en 1937, un premier plan de partage de la région. En somme, les Juifs occuperaient le nord, et les Arabes, le sud. La région de Jérusalem, lieu sacré pour les deux peuples, resterait sous contrôle britannique. Mais ce plan ne fait pas l’unanimité, tout comme les versions subséquentes, qui avortent avec les hostilités de la Seconde Guerre mondiale.

Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, les Nations unies votent un plan de partage de la Palestine entre Juifs et Arabes. Les villes de Jérusalem et Bethléem, qui ont une signification religieuse pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, restent sous contrôle international. Les Juifs acceptent ce plan, tandis que l’ensemble des Arabes le rejettent.

Israël déclare néanmoins son indépendance quelques mois plus tard, en 1948. Les armées d’Égypte, de Transjordanie (ancienne Jordanie), d’Irak, de Syrie et du Liban lancent alors un assaut contre Israël. L’armée israélienne (baptisée Tsahal) repousse les forces arabes et gagne une partie du territoire palestinien. Plus de 700 000 Palestiniens partent en exil, et autant de Juifs s’installent en Israël au cours des années suivantes. Chaque année depuis, les Palestiniens commémorent cet exode qu’ils appellent la  Nakba , ou la catastrophe.

En 1956, Israël envahit l’Égypte, suivi par le Royaume-Uni et la France, à la suite de la nationalisation du canal de Suez, qui relie la mer Rouge et la Méditerranée. Un accord de paix finira par être conclu sous l’égide des États-Unis et de l’Union soviétique.

En 1967, Israël déclenche la guerre des Six Jours en attaquant les aérodromes et les avions de l’armée égyptienne. Victorieuses, les forces israéliennes s’emparent de la bande de Gaza, du Sinaï, de la Cisjordanie, des hauteurs du Golan et de Jérusalem-Est, provoquant le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens.

En 1973, l’Égypte et la Syrie, à la tête d’une coalition de pays arabes, déclenchent la guerre du Kippour. Pris par surprise, l’État hébreu perd d’abord du terrain, pour ensuite l’emporter à l’aide d’approvisionnements alliés. Un accord de paix, conclu entre l’Égypte et Israël, en 1978, devait comprendre des clauses concernant les Palestiniens, mais celles-ci n’entreront jamais en vigueur.

La première Intifada survient en 1987. Elle naît d’une révolte contre l’occupation israélienne à Gaza, puis elle s’étend en Cisjordanie. C’est à ce moment qu’est formé le Hamas. En 1988, le Conseil national palestinien proclame un État palestinien.

La seconde Intifada éclate en 2000 lorsque le premier ministre israélien Ariel Sharon visite l’esplanade des Mosquées. Les hostilités entre Palestiniens et Israéliens causeront la mort d’environ 6000 personnes au total, les pertes étant plus nombreuses du côté palestinien.

Face à ces agressions répétées, l’État hébreu a entamé la construction d’un mur le long de sa frontière pour se protéger et limiter l’accès à son territoire. Pour entrer en Israël, les Palestiniens doivent obligatoirement passer par des postes de contrôle. Ils ne peuvent quitter la bande de Gaza librement.

Par ailleurs, l’État hébreu a adopté une politique de colonisation des territoires occupés, ce qui contribue à accroître les tensions avec les Palestiniens, ceux-ci dénonçant l’appropriation de leur terre et de ses richesses. L’établissement de colons juifs en Cisjordanie a été fortement critiquée sur la scène internationale.

Aujourd’hui, le conflit israélo-palestinien porte sur plusieurs enjeux, dont la reconnaissance des deux peuples, leur territoire respectif – y compris le statut de la ville sainte de Jérusalem –, le statut de plusieurs millions de Palestiniens déplacés en raison des conflits et le droit du retour.

Qu’est-ce que le Hamas?

Le Hamas dirige la bande de Gaza, une bande de terre située sur la rive de la Méditerranée et bordée par l’Égypte à l’ouest, et par Israël au sud et à l’est.

Le groupe s’est engagé à précipiter la destruction de l’État hébreu et a mené plusieurs guerres contre Israël et son armée depuis la prise de contrôle de Gaza, en 2007. L’enclave, soumise à un blocus économique depuis une quinzaine d’années, était auparavant sous le contrôle du Fatah, un autre mouvement politique qui contrôle aujourd’hui la Cisjordanie, territoire palestinien situé à l’est.

Entre ces guerres, le Hamas a souvent tiré ou permis à d’autres groupes de tirer des roquettes, souvent de fabrication artisanale, en direction d’Israël, en plus de mener de nombreuses attaques meurtrières. Le groupe est considéré comme une organisation terroriste par plusieurs gouvernements, dont ceux du Canada et des États-Unis, ainsi que par l’Union européenne, sans oublier Israël.

De son côté, l’État hébreu a bombardé les positions du Hamas et ciblé ses leaders à de nombreuses reprises. Le blocus qu’Israël impose à Gaza, qui a d’importantes conséquences économiques et humanitaires pour la population palestinienne qui s’y trouve, est présenté comme une façon d’assurer la sécurité du pays.

Certaines organisations, comme la Croix-Rouge internationale, affirment que le blocus viole le droit international, mais un rapport récent de l’ONU a conclu que le blocus de Gaza n’est pas illégal.

Pourquoi cette offensive est-elle différente?

L’attaque surprise lancée par les forces du Hamas se démarque des précédents affrontements meurtriers et guerres entre ce groupe et Israël de deux façons.

Premièrement, celle-ci survient 50 ans et un jour après le déclenchement de la guerre du Kippour, en 1973, au cours de laquelle une coalition formée de l’Égypte et de la Syrie a lancé une offensive, elle aussi inattendue, qui a permis aux forces des deux pays d’avancer rapidement en territoire israélien, qui comprenait alors la péninsule du Sinaï (depuis une autre guerre, celle des Six Jours, en 1967), aujourd’hui sous contrôle du Caire.

Après 48 heures sur la défensive, les forces israéliennes, renforcées, ont alors été en mesure de reprendre l’offensive. Mais la réussite initiale de l’attaque de la coalition a ébranlé l’État hébreu, menant notamment à la démission de la première ministre d’alors, Golda Meir.

De la même façon, l’attaque du Hamas a semblé prendre les forces israéliennes par surprise, même si celles-ci sont spécialement entraînées pour un éventuel conflit avec les groupes palestiniens.

Au dire de Ronen Bergman, journaliste du New York Times, les conséquences humaines d’une invasion et d’une occupation de la bande de Gaza, ainsi que le prix élevé de la gestion de ses millions de résidents, ont poussé Israël à décider de s’appuyer sur un réseau de renseignement pour détecter les futures attaques. Ce système ne semble pourtant pas avoir réussi à prédire cette nouvelle offensive.

Deuxièmement, l’ampleur des moyens utilisés par le Hamas dépasse largement les armes et méthodes utilisées lors des précédents affrontements : non seulement les militants du groupe ont-ils réussi à franchir, en plusieurs endroits, la barrière de sécurité érigée par Israël pour se protéger, avant de s’en prendre à des villes et des bases militaires israéliennes, mais jamais n’a-t-on vu autant de roquettes être tirées contre l’État hébreu – au moins 3000, selon ce que rapporte le New York Times.

De plus, on rapporte que le Hamas aurait pris en otage une centaine d’Israéliens, dont des militaires et des hauts gradés de l’armée. La détention de Juifs complexifie la riposte d’Israël, qui compte également des Palestiniens dans ses propres prisons. Des observateurs croient que les otages israéliens serviraient de monnaie d’échange pour leur libération.

Certains médias et vidéos diffusées en ligne font aussi état de parapentes employés par les forces du Hamas, qui se révèlent bien plus équipées que prévu. De quoi surprendre une armée israélienne pourtant maîtresse des airs et de la mer, en plus de disposer d’une supériorité technologique écrasante.

D’autres vidéos, montrant par exemple un char israélien détruit, ou encore du matériel militaire israélien tombé entre les mains du Hamas, témoignent de l’effet de surprise de cette attaque.


Yitzhak Rabin, Yasser Arafat et Bill Clinton.

Quelles solutions ont-elles été tentées?

Au fil des guerres et des tensions entre Israéliens et Palestiniens, depuis 1948, on a multiplié les accords, les conférences, les traités et les tentatives de parvenir à une paix durable entre les deux États, parmi lesquels :

  • En 1949, un armistice est signé entre le jeune État d’Israël, l’Égypte, le Liban, la Jordanie et la Syrie pour mettre fin à la guerre en cours depuis l’année précédente, officialisant du même coup la création de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, en plus d’instaurer un processus de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies.
  • À la suite de la guerre de 1967, le politicien israélien Yigal Allon propose notamment de scinder la Cisjordanie entre la Jordanie et Israël, de rendre une partie du Sinaï occupé à l’Égypte, tout en annexant Jérusalem-Est. Son plan, rejeté par la Jordanie, n’entrera jamais entièrement en vigueur.
  • En 1978, à la suite de 12 jours de négociations secrètes aux États-Unis, le président égyptien Anouar el-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin signent les accords de Camp David, qui comprennent des dispositions pour que les habitants de Gaza et de la Cisjordanie deviennent, à terme, indépendants d’Israël. Cette stratégie est rejetée par les Nations unies, car elle est négociée sans l’ONU ni le principal mouvement politique palestinien, et n’aborde pas le « droit au retour » des Palestiniens forcés à l’exil lors de la création d’Israël.
  • L’année suivante, l’Égypte et Israël signent un traité de paix qui comprend, entre autres, la restitution de la péninsule du Sinaï à l’Égypte, mais qui implique aussi l’autonomie pleine et entière des habitants palestiniens des territoires occupés par Israël, une disposition qui ne sera jamais appliquée.
  • En 1993, Israël et l’Organisation de libération de la Palestine, dirigée par Yasser Arafat, signent le premier accord d’Oslo, avec la signature d’un deuxième document en 1995. Ces traités donnent naissance à l’Autorité palestinienne, qui aura comme mandat de diriger la bande de Gaza et la Cisjordanie. Ces accords n’entraînent toutefois pas la création d’un État palestinien. Pour cette raison – et plusieurs autres –, une bonne partie de la population palestinienne, ainsi que divers groupes militants palestiniens, va vivement s’y opposer.
  • En 2000, le président américain Bill Clinton invite le chef de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat et le premier ministre israélien Ehoud Barak à un sommet à Camp David. Après 14 jours de négociations, aucun accord n’a été conclu, que ce soit sur la question du territoire de chaque État, sur le statut de Jérusalem, sur les réfugiés et le « droit au retour », sur les questions sécuritaires, ou encore sur l’épineux dossier des colonies de peuplement juives.

Quelque 20 000 manifestants antigouvernementaux sont partis de Tel-Aviv et ont convergé vers Jérusalem devant le parlement.

Quelle est la situation politique en Israël?

L’offensive survient au moment où la société israélienne est plus divisée que jamais. Redevenu premier ministre après avoir brièvement perdu son poste, menacé par des poursuites, Benyamin Nétanyahou, déjà à droite de l’échiquier politique, a besoin des députés de la droite dure pour s’assurer que son gouvernement dispose d’une majorité d’élus..

La réforme vise à accroître le pouvoir des élus sur les magistrats. Le gouvernement estime qu’elle est nécessaire pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs, mais ses détracteurs y voient une menace pour la démocratie et craignent qu’elle ouvre la voie à une dérive autoritaire.

Déjà, certains aspects de cette réforme ont été adoptés par le Parlement israélien, la Knesset, aspects qui permettent de limiter la possibilité, pour la Cour suprême, d’invalider une décision du gouvernement.

En réponse à cette démarche politique, une grande partie de la société israélienne est descendue dans la rue pour dénoncer ce qui est qualifié de virage autoritaire. Des centaines de milliers de personnes manifestent, semaine après semaine, pour réclamer l’abandon de la réforme, jusqu’ici sans succès.

Ce conflit pourrait toutefois unir la population israélienne, comme cela s’est déjà produit à de multiples reprises, lorsque le risque est jugé « existentiel »; c’est du moins l’avis du journaliste français Vincent Hugeux, de passage sur les ondes desFaits d’abord, sur ICI Première.

L’État hébreu poursuit aussi ses démarches pour normaliser ses relations diplomatiques avec d’autres pays du Moyen-Orient, dont des nations historiquement alliées à la cause palestinienne. Ce processus, qui concerne présentement l’Arabie saoudite, sous l’égide des États-Unis, pourrait être suspendu en raison de la reprise des combats, estime le New York Times.

Samedi, le premier ministre Nétanyahou a affirmé que cette guerre prendra du temps. Elle sera dure. Plus tard, il a ajouté que les forces armées israéliennes transformeront en ruines tous les endroits où le Hamas se cache et où il opère. Il n’a toutefois pas indiqué s’il entendait lancer une invasion terrestre de grande envergure à Gaza, une zone densément peuplée et largement urbanisée.

Aux Palestiniens qui vivent près des sites d’activité du Hamas, dans la bande de Gaza, M. Nétanyahou a suggéré de partir maintenant.

radio canada

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