L’ISRA EN DÉTRESSE

Neuf mois après les promesses de refondation, l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles reste paralysé. L’intersyndicale dénonce l’absence de moyens et menace de déclencher une grève qui pourrait compromettre la souveraineté alimentaire du pays

En dépit des engagements présidentiels, l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles reste plongé dans des difficultés majeures. L’intersyndicale tire la sonnette d’alarme et exige des mesures urgentes pour éviter un blocage des programmes agricoles nationaux.

Le 14 août 2024, à l’occasion du Conseil des ministres, le Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, avait souligné la nécessité de « refonder la politique de recherche et de vulgarisation agricoles » en appelant à une redynamisation de l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA), acteur central de la stratégie nationale de souveraineté alimentaire. À cette fin, il avait instruit la signature d’un Contrat d’Objectifs et de Moyens innovant, visant à renforcer les capacités techniques, humaines et financières de l’Institut. Pourtant, « neuf mois plus tard, le constat dressé par l’intersyndicale des travailleurs de l’ISRA est sans appel : rien ne bouge, ou si peu », constate pour s’en désoler l’intersyndicale de l’ISRA dans un communiqué reçu, en date d’hier jeudi 29 mai 2025.

Un institut paralysé dans ses missions fondamentales

L’intersyndicale déplore notamment l’absence d’appui institutionnel pour exécuter des missions jugées vitales. À commencer par la production de semences prébases, pierre angulaire de la reconstitution du capital semencier, sans laquelle aucun programme de souveraineté alimentaire ne saurait prospérer. La recherche halieutique est, elle aussi, gravement compromise. Le seul navire de surveillance des ressources marines est à l’arrêt depuis plus de trois ans, en raison d’un manque de maintenance et de pièces détachées. Le secteur de l’élevage n’est pas épargné : la production vaccinale peine à répondre aux besoins nationaux, notamment pour les maladies prioritaires. Le blocage touche également les laboratoires, confrontés à des pénuries d’intrants et à des lenteurs administratives récurrentes.

Hémorragie de compétences et précarité du personnel

Selon la source ; « l’un des aspects les plus préoccupants concerne les ressources humaines ». L’ISRA enregistre un départ massif de chercheurs, attirés par des conditions de travail plus avantageuses à l’étranger ou dans d’autres structures nationales. Des disciplines essentielles comme la virologie, la sélection animale, les sciences du sol ou la bactériologie sont aujourd’hui en sous-effectif critique.

Par ailleurs, l’intersyndicale dénonce le retard incompréhensible dans la signature du décret modifiant l’échelle salariale des agents, pourtant indispensable à l’application du nouveau Règlement d’Établissement. Ce blocage crée un vide juridique préjudiciable à la bonne gouvernance de l’institut.

Agir avant qu’il ne soit trop tard

Malgré l’entrée en vigueur d’un nouveau cadre réglementaire, plusieurs de ses dispositions restent inappliquées, faute de moyens budgétaires suffisants. C’est le cas, entre autres, des voyages d’études, des indemnités de fonction ou encore de la mise en œuvre de l’organigramme.

Face à ces défis, l’intersyndicale en appelle solennellement au président de la République et à son Gouvernement pour une intervention urgente. Elle rappelle que la souveraineté alimentaire est indissociable d’une recherche agricole forte, soutenue et respectée.

Des revendications claires, une menace explicite

Les travailleurs de l’ISRA formulent deux revendications prioritaires : la signature immédiate du décret modifiant l’échelle des salaires ; l’application effective du Règlement d’Établissement, notamment en matière de formation et de renforcement de capacités.

À défaut d’une réponse satisfaisante dans les plus brefs délais, un mouvement de grève sera engagé, avec des conséquences directes sur des programmes nationaux cruciaux : production de semences certifiées, surveillance des ressources halieutiques, couverture vaccinale du cheptel, entre autres.

Au-delà des revendications salariales, c’est bien l’avenir même de la recherche agricole au Sénégal qui est en jeu. L’intersyndicale exhorte les autorités à poser des actes concrets, à la hauteur des ambitions affichées. Car sans l’ISRA, il n’y aura pas de souveraineté alimentaire.

Sudquotidien

 

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