SOS DIPLOMATIE SÉNÉGALAISE
2% des votes régionaux au second tour : le chiffre résume à lui seul l’ampleur de la défaite d’Amadou Hot à la BAD. Une débâcle qui pousse le consultant Babacar Sané Ba à tirer la sonnette d’alarme sur l’état du rayonnement du Sénégal à l’international
Quelques heures après la défaite du candidat sénégalais à la présidence de la Banque africaine de développement, le consultant international Babacar Sané Ba tire la sonnette d’alarme sur l’état de la diplomatie nationale.
Invité de l’émission « Soir d’info » sur TFM ce jeudi 29 mai 2025, Babacar Sané Ba n’a pas mâché ses mots pour analyser l’échec d’Amadou Hot, ancien ministre de l’Économie du Sénégal, à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). Le candidat sénégalais a terminé à la troisième place avec seulement 3,55% des voix au troisième tour de scrutin.
« C’est tout d’abord un grand sentiment de déception », confie le consultant, tout en reconnaissant les qualités du candidat. « Amadou Hot est un brillant candidat », souligne-t-il, avant de s’interroger sur l’efficacité de la diplomatie sénégalaise : « Est-ce que notre diplomatie est toujours une diplomatie d’influence ? »
L’expert rappelle les succès passés du Sénégal sur la scène internationale, citant Amadou Mahtar M’Bow à l’UNESCO, Jacques Diouf à la FAO, ou encore Awa Marie Coll-Seck. « À l’époque, nous avions des comités de candidatures qui prenaient à bras le corps les candidatures », explique-t-il.
L’analyse détaillée des résultats révèle une situation préoccupante. Au premier tour, Amadou Hot n’a obtenu que 11% des votes régionaux, se classant quatrième. Au deuxième tour, ce pourcentage a chuté dramatiquement à 2%. « Ça veut dire qu’il y a peut-être deux ou trois pays en Afrique qui ont voté pour notre candidat », déplore Babacar Sané Ba.
Cette faiblesse du soutien africain interroge sur l’état de l’intégration régionale prônée par les nouvelles autorités. « À l’heure où nous avons changé le nom de notre ministère pour parler d’intégration africaine, est-ce que l’intégration elle marche ? », questionne le consultant.
Un échec stratégique majeur
Particulièrement critique, l’expert pointe du doigt l’incapacité du Sénégal à rallier la Côte d’Ivoire, pourtant membre de la CEDEAO et de l’UEMOA. « Nous avons échoué à rallier un pays membre de la CEDEAO et de l’UEMOA derrière le candidat du Sénégal », regrette-t-il, précisant que la Côte d’Ivoire a finalement parrainé la candidature mauritanienne.
Babacar Sané Ba estime que les représentants sénégalais auraient dû faire preuve « d’ingénierie diplomatique » après le premier tour, suggérant même un retrait stratégique de la candidature pour négocier un soutien à un autre candidat.
Cette défaite s’inscrit dans une série d’échecs récents pour la diplomatie sénégalaise. Le consultant rappelle les revers à l’OMS, au comité exécutif de la FIFA, et à la CAF. Sur le plan sportif, le Sénégal a également perdu trois titres continentaux en un an.
« Est-ce que nous devons accepter aujourd’hui que le Sénégal perd son aura sur la scène internationale ? », s’interroge-t-il, évoquant un véritable « déclassement diplomatique ».
Des recommandations urgentes
Pour redresser la situation, Babacar Sané Ba préconise plusieurs mesures immédiates. D’abord, « analyser à froid les résultats » pour comprendre les causes de cet échec. Ensuite, « instituer un comité de candidature » professionnel, car « soutenir une candidature, ce n’est pas être dans un avion avec une délégation pour aller se photographier avec des chefs d’État ».
Le consultant insiste sur la nécessité d’un travail de longue haleine : « C’est un travail de très longue haleine, une mobilisation du réseau diplomatique et des sommités du Sénégal. »
Interrogé sur l’impact des récentes déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko concernant le « maquillage » des chiffres de la dette publique, qui ont entraîné la suspension d’un programme du FMI, Babacar Sané Ba ne pense pas que cela ait fondamentalement nui à la candidature d’Amadou Hot. Il préfère mettre l’accent sur les défaillances structurelles de l’approche diplomatique sénégalaise.
Félicitant au passage l’élection du nouveau président de la BAD, Sidi Ould Tah, le consultant appelle à un sursaut national : « Aujourd’hui, toute personne patriote qui est préoccupée par le Sénégal doit se fâcher de l’état de notre diplomatie. »
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