UN UNIVERSITAIRE REVISITE L’HISTOIRE DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

La présidentielle du 24 février prochain sera la dixième depuis la première survenue le 1er décembre 1963 avec un seul candidat à l’époque, à savoir Léopold Sédar Senghor de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), rappelle l’historien Mbaye Thiam, dans un entretien avec l’APS.

« L’opposition d’alors, regroupée sous la bannière de l’alliance +Démocratie et Unité Sénégalaise+, se reporta exclusivement sur les élections législatives. Elle avait été éliminée dès le départ par l’une des conditionnalités juridiques. Il fallait en effet, entre autres exigences de la loi électorale, être parrainé par dix députés du Parlement », note-t-il.

Léopold Sédar Senghor, seul en lice, a été élu à 100% des suffrages avec 1.149.935 voix, signale l’ancien directeur de l’Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
L’historien souligne que l’opposition se rattrapera dans la rue avec « des manifestations qui firent des nombreux morts et blessés ».
Le même scénario sera de mise à l’occasion de la deuxième élection tenue le 25 février 1968, selon l’universitaire.
Léopold Sédar Senghor, unique candidat de l’UPS, les remportera à nouveau à 100 %, explique Mbaye Thiam, ajoutant que « quelques mois plus tard, survint la bourrasque de mai 1968 qui bouscula, au Sénégal comme dans le monde, les certitudes politiques ».
« Ces deux premières consultations présidentielles moins de dix ans après notre accession à l’indépendance, ont été influencées directement par les conditions d’obtention de notre indépendance d’une part et d’autre part, par la crise politique au sommet de l’Etat qui opposa le président du conseil de gouvernement Mamadou Dia et le président de la République Léopold Sédar Senghor », fait-il observer.
« Ce dernier (Senghor), sorti victorieux de cet affrontement à l’intérieur du parti au pouvoir et du gouvernement, commença à lâcher du lest, au plan politique pour endiguer les velléités d’une opposition de plus en plus virulentes, portées par le mouvement marxiste qui agissait dans la clandestinité, le mouvement social syndical et les révoltes estudiantines », ajoute M. Thiam.
« La troisième élection du 23 Janvier 1973 déroulée sur le même modèle, avec les mêmes résultats sera ainsi la dernière à se dérouler sur +le modèle soviétique+ comme on reprochait aux régimes des pays de l’est habitués à l’unanimisme », commente-t-il.
A l’en croire, « le mur de l’immobilisme avait été ébréché par l’ouverture démocratique initiée par le régime de l’UPS ».
« La 4ème élection du 1er décembre 1978 enregistra la première participation de Abdoulaye Wade, candidat du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) créé depuis 1974. Senghor remporta l’échéance avec 82,02% des suffrages contre 17,38% pour Abdoulaye Wade », rappelle-t-il.
Ce sera la dernière élection, a-t-il dit, à laquelle se soumettra Léopold Sédar Senghor qui passera le pouvoir à Abdou Diouf en 1981, lequel affrontera pour son premier test, le 27 février 1983, Abdoulaye Wade (PDS), Mamadou (Dia), Oumar Wone (PPS) et Majhmouth Diop (PAI).
« Cette élection ouvre l’ère de l’ouverture intégrale. Elle sera suivie par celle du 28 février 1988 qui sera à l’origine de troubles très importantes qui ont débouché sur l’arrestation de leaders de l’opposition et surtout par la proclamation de l’Etat d’urgence », mentionne l’historien.
Celle du 28 février 1993, enregistra dit-il la participation de huit candidats, soulignant que « la marque déterminante de cette élection sera l’assassinat du juge du Conseil constitutionnel Babacar Sèye et à nouveau l’établissement de l’état d’urgence ».
« La huitième élection sera la première de notre histoire qui se déroule sur deux tours, les 27 février et 19 mars 2000. Elle sera marquée aussi et surtout par le premier changement de régime sous la forme d’une alternance entre libéraux et socialistes avec l’avènement de Abdoulaye Wade », poursuit Mbaye Thiam.
Le président sortant rempilera, au 1er tour le 25 février 2007, au cours de la 9ème élection présidentielle. Il aura auparavant triomphé des quatorze autres candidats.
En février 2012, après une campagne électorale sur fond de troubles avec de nombreuses morts enregistrées, Macky Sall gagne au 2ème tour devant le sortant, Abdoulaye Wade, a-t-il rappelé.
« La 11ème attendue le 24 février 2019 comportera ses enjeux propres en rapport avec de nouveaux profils politiques et l’annonce d’une évolution du personnel politique en termes de profils, de discours et de projets de sociétés concurrentes », a analysé l’historien.
Aps

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