Prestation de serment de Macky : Le discours du président du Conseil constitutionnel

Voici l’intégralité du discours de Pape Oumar Sakho, le président du Conseil constitutionnel.

AUDIENCE SOLENNELLE DE PRESTATION DE SERMENT DE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE DU SÉNÈGAL

 

ALLOCUTION

DE MONSIEUR PAPA OUMAR SAKHO

PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le mardi 2 avril 2019Monsieur le Président de la République,

Le 24 février 2019, à l’issue du premier tour de scrutin de l’élection présidentielle, vous avez recueilli 2 555 426 voix, soit  plus de 58% des suffrages exprimés, ce qui vous a permis  d’obtenir la majorité absolue  requise pour être élu au premier tour.

En vous réélisant avec cette forte majorité, dans un scrutin marqué par un taux de participation rarement égalé, plus de 66% des électeurs ayant accompli leur devoir civique, le peuple sénégalais souverain vous a renouvelé sa confiance.

Cette consultation électorale, qui s’est déroulée dans des conditions  de transparence telles qu’il n’a été relevé aucun fait ni aucune irrégularité de nature à altérer la sincérité et la crédibilité du scrutin, n’a, du reste, donné lieu à aucune contestation.

En conséquence, le Conseil constitutionnel, en application de l’article 35 de la Constitution, vous a proclamé élu président de la République.

En cette journée du 2 avril 2019, dans cette séance publique et solennelle, le Conseil constitutionnel, conformément à l’article 37 de notre Loi fondamentale, va recevoir votre serment et vous installer dans vos fonctions.

Par  cette cérémonie rituelle, il vous incombe de prendre un engagement à la fois juridique et moral , celui de tout mettre en œuvre pour la réalisation des rêves de bonheur, de prospérité, de justice et de sécurité de vos concitoyens.

Vous êtes appelé à prendre cet engagement dans un contexte mondial où même les vieilles démocraties sont en proie à une crise profonde des valeurs républicaines, à travers la résurgence des idéologies obscurantistes et extrémistes, qui ont fini de décomplexer le discours suprématiste racial, le repli identitaire et l’intolérance religieuse.

Vous êtes aussi appelé à prêter ce serment dans un contexte africain encore marqué par l’instabilité politico-militaire, l’extrémisme violent et les conflits ethnico-religieux, et dans un contexte national où des clivages de tous ordres se font jour.

Vous avez assurément pris la mesure de l’ampleur de la tâche, puisqu’après sept années à la magistrature suprême, vous avez décidé de vous présenter à nouveau devant vos concitoyens avec, comme principal argument, vos réalisations et votre vision de l’avenir déclinée dans le «Plan Sénégal Émergent».

En vous renouvelant leur confiance, vos concitoyens ont, pour le moins, validé votre bilan et adhéré à votre projet de société.

Le Conseil constitutionnel vous exprime, par ma voix, ses très chaleureuses et sincères félicitations.

 

Excellences, Mesdames et Messieurs, chers concitoyens,

Le Sénégal vient encore une fois, à travers ce processus électoral, de marquer son attachement aux valeurs démocratiques qui constituent les fondements de la République.

Cependant, si l’élection présidentielle est, comme indiqué  tantôt, le moment du bilan, pour le président de la République sortant, elle constitue, également, un moment d’introspection générale au plus profond de notre « moi » collectif et un critérium pertinent, permettant de mesurer la maturité de nos institutions républicaines, de notre conscience citoyenne, et aussi l’ancrage de nos élites politiques et intellectuelles dans ce qu’il convient d’appeler « une culture de l’État de droit ».

Le pacte démocratique et l’État de droit supposent, en effet, un rapport positif à la loi et aux institutions, c’est-à-dire, pour reprendre le mot de François OST, une « inclination à la civilité » républicaine.

Ils supposent, en outre  un respect mutuel et un esprit de dépassement entre les acteurs du jeu politique, en vue de surmonter la suspicion  entre adversaires politiques, afin de trouver un minimum de consensus sur les questions essentielles, notamment en matière électorale.

Ils supposent, enfin, la participation active à la vie de la Cité, de personnalités indépendantes et suffisamment équidistantes des parties qui pourraient se trouver en situation de conflit, pour se donner la légitimité d’arbitres ou de médiateurs impartiaux, en vue de la pacification de l’espace social et politique.

Il semble bien que des efforts soient encore  nécessaires en la matière.

L’histoire politique du Sénégal n’a certes pas été un long fleuve tranquille. Parfois, elle a, en effet, mis en présence des adversaires irréductibles. Ces derniers ont cependant toujours su prendre suffisamment de hauteur, pour s’asseoir autour d’une table, afin de trouver des points d’équilibre improbables et des consensus inédits, en vue d’aller toujours plus  avant dans notre longue marche sur le chemin de la démocratie.

Force est de constater aujourd’hui, une mutation des mœurs politiques à travers la substitution au dialogue fécond, des monologues parallèles, faits d’invectives et de calomnies dans les médias et les réseaux sociaux.

C’est fort de ce constat que le Conseil constitutionnel, malgré le caractère non public et non contradictoire de ses procédures, mais conscient que sa mission de sauvegarde de la volonté de l’électeur et de garantie de la sincérité du scrutin doit s’appuyer sur une démarche empreinte de transparence, a ouvert ses activités à la présence des représentants des candidats et à des personnalités sans affiliation connue à une entité politique. Ce choix se justifiait par le souci d’instaurer un climat apaisé, non pas au sein de la société dont la sérénité n’a jamais été prise à défaut, mais entre les différents acteurs politiques.

Le Conseil constitutionnel ne se faisait cependant pas d’illusions, car la contestation principielle de la loi sur le parrainage et la confiscation du débat citoyen avaient pour conséquences logiques, la contestation de la mise en œuvre de ladite loi et, au-delà, la contestation des institutions.

Ces institutions si souvent prises à partie aujourd’hui, sont pourtant celles qui, en l’espace de douze années, ont permis deux alternances démocratiques.

C’est pourquoi il faut rendre hommage aux forces de défense et de sécurité, à l’administration chargée des élections, à la Commission électorale nationale autonome, au Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, à la Commission nationale de recensement des votes, aux commissions départementales de recensement des votes et aux délégués de la Cour d’appel, pour avoir,  encore une fois, avec discrétion et efficacité, permis aux citoyens d’exercer leur droit de vote dans un cadre organisé, transparent et sécurisé.

C’est aussi le lieu de saluer la maturité des électeurs qui, à nouveau, ont fait preuve de responsabilité et de discernement, pour la préservation de nos acquis démocratiques.

Ces électeurs, composante anonyme et laborieuse de la société, n’ont fait ni vœu de contestation systématique, ni allégeance inconditionnelle à quelque chapelle politique que ce soit. Ils savent cependant que leur voix compte, et attendent patiemment le jour du scrutin pour exprimer leur choix. Il faut apprendre à les respecter et à compter avec eux.

En allant massivement aux urnes, ils ont su préserver la paix sociale par leur comportement civique, renouvelant ainsi leur confiance aux institutions républicaines impliquées dans le processus électoral.

Le discours politique gagnerait à s’élever à la hauteur de la conscience citoyenne de ce peuple, afin que le Sénégal reflète enfin et pour toujours, l’image de la démocratie mature et apaisée qu’il est réellement.

Monsieur le Président de la République,

Si cette élection du 24 février 2019 a été si particulière, c’est aussi et, peut-être surtout, parce que de nouvelles perspectives économiques semblent s’ouvrir pour notre pays. Elles en ont décuplé les enjeux et exacerbé les passions. Les Sénégalais sont conscients qu’ils entrent dans une nouvelle ère. Ils l’appréhendent autant qu’ils l’espèrent, car ils savent qu’elle sera, en fonction de ce que nous en ferons, une bénédiction ou une malédiction. L’expérience, c’est en effet ce qu’on fait de ses propres erreurs, mais c’est aussi les leçons que l’on tire des erreurs des autres.

En vous faisant dépositaire de leur confiance, vos compatriotes vous confient surtout leur espoir de paix, car la paix est aux États ce que la santé est aux hommes : sans elle, rien n’est possible. On ne le sait, souvent, qu’après l’avoir perdue.

Ils vous confient aussi leur espoir de cohésion nationale, afin que dans ce monde plein d’épines, le Sénégal reste un  espace de paix d’où seraient bannis les affres de la division et la violence, sous toutes ses formes.

Les Sénégalais vous confient enfin l’avenir de la jeunesse exposée au fléau de la migration clandestine, afin qu’elle ne se mue plus jamais en Argonautes des temps modernes, errant à travers déserts et océans, dans une odyssée où, elle ne rencontre que désillusion, intolérance et humiliation. Il s’agit certes d’un phénomène complexe et difficile à éradiquer, mais, s’agissant d’une question qui engage notre dignité d’Africains, le difficile, c’est ce qui doit être fait tout de suite, l’impossible devant juste prendre un peu plus de temps.

Monsieur le Président de la République,

Au nom du Conseil constitutionnel, je vous souhaite un paisible et fructueux quinquennat. J’associe  à ces vœux Madame Marième FAYE SALL, votre épouse sans la sollicitude et l’action de laquelle, votre mission n’aurait gagné qu’en complexité.

À vos honorables invités, Chefs d’État, Chefs de Gouvernement et éminentes personnalités, le Conseil constitutionnel exprime sa haute considération ainsi que ses remerciements, pour l’honneur et l’amitié que, par leur présence, ils font au Sénégal.

Monsieur le Président de la République,

À compter de ce jour et pour les cinq années à venir, il vous incombe, incarnant la Nation et symbolisant la République et ses valeurs, d’assumer à nouveau la plus haute charge de l’État du Sénégal.

Que Dieu Le Tout-Puissant vous y aide.

Les commentaires sont fermés.