MINISTRES-CONSEILLERS DANS L’EXPECTATIVE
Après le grand ménage dans le gouvernement, le silence de Macky Sall sur son cabinet jugé pléthorique dans un contexte de “resserrage’’ ne manque pas de brouiller les pistes de certains ministres conseillers qui s’interrogent sur leur sort
Le climat, par les temps qui courent, n’est pas si clément au-dessus du palais présidentiel. Après le grand ménage dans le gouvernement, le silence de Macky Sall sur son cabinet jugé pléthorique dans un contexte de “resserrage’’ ne manque pas de brouiller les pistes de certains ministres conseillers qui s’interrogent sur leur sort. “EnQuête’’vous plonge dans l’antre de ces gros salaires dont certains sont payés à ne rien faire ; d’autres accusés de conflits d’intérêts notoires. Serigne Mbacké Ndiaye, ancien ministre conseiller, défend le poste, de plus en plus banalisé.
Que vont devenir les ministres conseillers dans le nouveau schéma de Macky Sall ? Voilà une question qui mérite d’être posée. En tout cas, pendant que des Sénégalais s’émeuvent de leur nombre pléthorique, certains de ces conseillers, eux, sont dans l’expectative et s’interrogent sur leur sort, dans ce contexte de profond bouleversement du régime et de changement de paradigme. Vont-ils subir les affres du vent de “resserrage’’ qui a déjà emporté nombre de collaborateurs du président de la République ? Pour le moment, c’est plutôt le calme. En effet, les ministres conseillers dépendant de la présidence, sont épargnés par la démission du Pm et donc du gouvernement. Mais qui sont-ils ? Combien sont ils ? Quel est leur statut ? Ce sont des interrogations souvent soulevées par les Sénégalais, mais qui, rarement, trouvent réponses satisfaisantes. Sur le site internet de la présidence, l’on se limite à citer les ministres conseillers parmi les membres du cabinet présidentiel. Et vu leur place dans la hiérarchie des postes, l’on peut affirmer que le poste est loin d’être anodin, même s’il a tendance à être banalisé sous nos cieux.
Un poste un fourre-tout
En effet, le poste vient en 2e position dans la nomenclature, après celui de ministre d’Etat. A en croire les services de Com, certains ministres conseillers peuvent même participer aux rencontres du Conseil des ministres. “Les ministres d’Etat et les ministres conseillers, dont l’acte de nomination le prévoit, participent au Conseil des ministres’’, lit-on sur le site officiel de la présidence. Serigne Mbacké Ndiaye, lui, connait bien la fonction, pour l’avoir occupée pendant longtemps sous le règne du président Abdoulaye Wade.Il invite à faire la distinction entre deux catégories de ministres conseillers. Il en existe, souligne-t-il, qui sont chargés de dossiers spécifiques, d’autres, par contre, sont nommés ministres conseillers tout court.
La différence, selon lui, résulte dans le fait que les premiers ont déjà leur champ d’action bien délimité, tandis que les seconds travaillent sur la base des dossiers que leur transmet le président, explique l’ancien ministre conseiller chargé des Affaires politiques. Poste qu’il dit avoir été le premier à occuper. M. Ndiaye a également été ministre conseiller chargé des Affaires sportives, de la Communication et porte-parole de la présidence. Sur les accusations de doublons avec les ministres membres du gouvernement, il rétorque : “En tant que ministre conseiller chargé des Affaires sportives, j’étais l’interface entre le président de la République et le monde du sport. Ce qui n’a rien à voir avec le ministre des Sports qui gère au quotidien les affaires sportives. C’est vrai qu’on m’accusait souvent de marcher sur les platebandes du ministère des Sports. Mais l’essentiel, pour moi, était de faire de sorte que le président ait des résultats et qu’il soit informé au quotidien de l’actualité sportive.’’
Pour justifier de l’importance de sa fonction à l’époque et, par extension, de la fonction de ministre conseiller, il argumente : “Par exemple, il est arrivé que l’équipe nationale doive se rendre en Rdc ; c’était avant la Coupe d’Afrique de 2012. On devait aller jouer à Lubumbashi. J’ai vu le président et je lui ai expliqué qu’en Afrique, le plus difficile, c’est le transport. Séance tenante, il me demande la date et dit directement à Habib Sy (directeur de cabinet) d’appeler Karim Wade qui était en France pour leur trouver un avion. Trente minutes après, l’avion est disponible. Au même moment, le ministre des Sports avait adressé un courrier au Pm et attendait toujours sa réponse.’’ Il n’empêche, nombre de Sénégalais voient en ce poste un fourre-tout qui permet juste au chef de l’Etat de caser une clientèle politique. Certains de ces ministres conseillers passent d’ailleurs leur temps à la présidence à se tourner les pouces. Ce témoignage d’Amsatou Sow Sidibé qui, il faut le rappeler, date de 2015, en est une parfaite illustration. Le professeur de droit, alors conseiller, reprochait à son patron de ne pas les écouter. Ce qui avait, à l’époque, soulevé beaucoup de bruit. Elle a fini par être limogée, après son collègue le professeur Malick Ndiaye qui, lui aussi, avait été ministre conseiller.
Pour Serigne Mbacké Ndiaye, par contre, il n’y a pas de petit poste. “Après m’avoir mis à l’épreuve à l’époque, avec le poste de ministre conseiller chargé des Affaires politiques, le président Wade m’avait dit un jour : ’Si je savais, je vous aurais donné un poste plus valorisant.’ Je lui ai répondu : Faites de moi un planton de la présidence, dans six mois, les gens vont se bousculer pour être planton. La valeur d’un poste dépend de ce que son occupant en fait. Même si vous êtes nommé ministre conseiller tout court, il y a toujours des choses à faire dans ce pays. Il faut juste avoir le sens de l’initiative et ne pas attendre du président qu’il vous donne du travail. Si vous faites vos preuves, il finira par vous faire travailler’’.
Avantages : Environ 2 millions de salaire, un véhicule, du carburant…
Autres interrogations qui déchainent les passions, c’est par rapport au nombre de ministres conseillers et leur traitement. Interpellé sur les rémunérations, Serigne Mbacké Ndiaye, dans un premier temps, n’a pas voulu se prononcer. Est-ce que c’est un million de francs Cfa, lui demande-t-on ? Il lâche : “C’est beaucoup plus qu’un million de francs Cfa… “Plus de 2 millions ? “Disons… ça tourne autour de 2 millions’’, finit-il par lâcher. En sus de cela, fait-il savoir, le ministre conseiller a un bureau qui est mis à sa disposition, un véhicule, du carburant et un secrétaire. Mais il ne faut surtout pas croire que tous les ministres conseillers sont logés à la même enseigne. Sur les textes régissant la fonction, l’ancien porte-parole de Wade croit savoir qu’il en existe, mais ne dispose pas des références. Ce qui ressort également de la discussion, c’est que tous les conseillers ne semblent pas logés à la même enseigne.
Outre ces privilèges, le ministre conseiller peut également demander au directeur de cabinet et au secrétaire général, qui sont ses supérieurs hiérarchiques, des moyens, dans le cadre de sa mission. “Tout dépend aussi de la personne. Si vous avez une tâche et avez besoin de moyens, il faut juste en parler au directeur de cabinet ou au secrétaire général. Si le programme est cohérent, ils mettent à votre disposition les moyens nécessaires’’. Selon lui, il faut aussi retenir que le ministre conseiller est au-dessous du ministre et au-dessus du conseiller. Par ailleurs, une autre question qui taraude bien des esprits, c’est le statut d’homme d’affaires de certains conseillers du président de la République Macky Sall. A ceux qui les accusent de conflit d’intérêts, M. Ndiaye balaie d’un revers de main : “Pour moi, cela ne peut pas se poser. Ces derniers ne prennent pas les décisions. Ils sont juste consultés sur certains dossiers où ils ont des compétences indéniables. Je ne vois pas de conflits possibles. Les gens s’attardent trop sur cet aspect, mais il faut voir l’autre versant. Le Sénégal peut avoir des difficultés et fait appel à quelqu’un comme Baba Diao, par exemple.
En tant que patriote, même s’il n’est pas conseiller, il peut apporter son concours. Cela est arrivé et j’en suis témoin. Il faut voir le côté positif’’. Mais, à n’en pas douter, l’équation la plus difficile à résoudre, pour les Sénégalais, est de savoir combien de ministres conseillers compte le président de la République Macky Sall. Une équation qui, pour bien des Sénégalais, est inconnue. Seulement, l’on enregistre parmi les plus illustres : les hommes d’affaires Baba Diao, Youssou Ndour, Diagna Ndiaye, Abdoulaye Sali Sall ; les responsables de l’Alliance pour la République et Benno Bokk Yaakaar Mor Ngom, Abdoul Aziz Mbaye, Zator Mbaye, Ndongo Ndiaye, Arona Coumba Ndoffène Diouf, Abdoul Aziz Diop, Cheikh Mbacké Sakho ; les sportifs Amy Mbacké Thiam, El Hadj Ousseynou Diouf… Et la liste est bien loin d’être exhaustive.
seneplus
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