MISSION QUASI IMPOSSIBLE !
L’opposition et le pouvoir filent tout droit vers des concertations dont la principale conséquence risque d’être un report obligatoire des élections locales
L’organisation des élections locales à date échue ne semble pas être une priorité, pour le président de la République Macky Sall. A six mois de ces joutes électorales, aucun acte n’est encore posé dans ce sens. Pas de révision exceptionnelle des listes, pas de mise en place des commissions administratives…Rien qui montre que le Sénégal est déterminé à aller vers des échéances électorales.
Pourtant, sur la route de ces locales, ils sont nombreux les obstacles se dressant devant les pouvoirs publics. En effet, préviennent quelques spécialistes joints par “EnQuête’’, il ne faut pas trop se focaliser sur l’échéance de décembre. Les différents candidats devront déposer leurs listes bien avant cette date. La loi fixe ce dépôt au plus tard à 80 jours de l’élection et au plus tôt à 85jours. Autrement dit : entre le 8 et le 13 septembre prochain, si l’on sait que la date des élections est fixée au 1er décembre 2019.
Auparavant, il va falloir obligatoirement procéder à la révision exceptionnelle des listes électorales, comme c’est prévu par la loi 2017-12 du18 janvier 2017 portant Code électoral. Le dernier alinéa de l’article 39 du dit code dispose, en effet, que : “Avant chaque élection générale, une révision exceptionnelle est décidée par décret.
Toutefois, elle peut être décidée dans la même forme, en cas d’élection anticipée ou de référendum.’’ Cette exigence, non seulement, n’est pas encore respectée, mais aussi le gouvernement n’en parle même pas. Et pourtant, c’est loin d’être une chose simple. Il faudra, en effet, pour ce faire, créer les commissions administratives composées d’un président et d’un suppléant désignés par les préfets ou sous-préfets, du maire ou de son représentant, ainsi que des représentants de chaque parti politique. Par la suite, il va falloir procéder à l’enrôlement des électeurs, établir les listes, ouvrir une période contentieuse, avant de passer à l’étape de la consolidation des listes.
Entre-temps, que de péripéties ! Mais, pour le moment, tout cela ne semble être la préoccupation ni de l’opposition assommée par sa dernière raclée électorale, encore moins de la majorité toujours dans l’euphorie de sa victoire. Les deux blocs ne parlent que du dialogue politique proposé par le chef de l’Etat à ses adversaires qui ne semblent pas disposer d’un éventail de choix. Or, interpellé sur la possibilité de respecter le calendrier électoral, le secrétaire exécutif de la Plateforme des acteurs de la société civile pour la transparence des élections (Pacte) constate que s’il y a concertations entre les politiques, c’est quasi impossible de tenir les élections au mois de décembre. “Parce que ces genres de négociations prennent d’habitude au moins deux mois’’, souligne Djibril Gningue qui appelle de tout cœur à un consensus entre les protagonistes. Selon lui, même si ces concertations n’avaient pas eu lieu, il aurait été très difficile, pour l’Administration, de respecter les délais, a fortiori, si elles doivent se tenir. “On aurait pu, suggère-t-il, procéder à la révision en juin, consacrer le mois de juillet au contentieux et la consolidation des listes à la fin juillet. Même dans ce cas, le mois d’août serait insuffisant ou limite pour le parrainage. Ce serait donc très serré’’.
Dépôt des listes au mois de septembre
Ainsi, comme pour ne rien arranger, il faut ajouter à la montagne de difficultés cette question du parrainage qui requiert un certain délai pour les collectes. Pour rappel, à la dernière élection présidentielle, il a fallu deux mois aux candidats pour aller à la pêche aux parrains.
L’idéal, selon l’expert électoral Ndiaga Sylla, aurait été de démarrer la révision au mois d’avril, au plus tard ce mois-ci (mai). Parce qu’il ne faut pas oublier que le candidat tout comme le parrain doivent figurer sur la liste de la collectivité locale concernée. “Le fait de ne pas avoir fait la révision exceptionnelle des listes, entre fin avril et début mai, rend impossible l’organisation des élections, du fait du parrainage et de l’obligation d’avoir la nouvelle carte d’électeur pour non seulement être candidat, mais aussi pour être parrain’’, affirme-t-il.
Par ailleurs, le spécialiste préconise la révision de la loi sur le parrainage. “La collecte n’est pas aisée, en l’espèce, et le contrôle de la vérification, non plus. Il faut un dispositif informatique. Comme ça, les parrainages sont enregistrés au fur et à mesure. Et bien avant la date limite de dépôt, on aura réglé la question des candidatures. La société civile est d’ailleurs en train de mener d’importantes réflexions dans ce sens’’, déclare-t-il, rappelant qu’il y a également l’équation de la caution qui doit être fixée 105jours avant.
Pour sa part, Youssou Daou, membre du Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec) reste optimiste quant au respect du calendrier électoral. Il fixe une seule condition : “Que la concertation ne dure pas trop longtemps et n’aboutit pas sur des changements fondamentaux de la loi électorale.’’ Il admet toutefois que les délais sont un peu justes. En définitive, nos interlocuteurs estiment que le dialogue politique qui se dessine devrait permettre aux acteurs de définir la posture à adopter. Ce dialogue, faut-il le rappeler, a parmi ces termes de référence : l’évaluation de la Présidentielle du 24 février, notamment sur le volet du parrainage, le fichier électoral, les modalités d’organisation des élections locales (parrainages, caution, mode d’élection des maires…), les modalités de détermination du chef de l’opposition, l’organe de gestion des élections, ainsi que sur toute autre question digne d’intérêt et retenue d’accord parties. C’est à se demander si cette grande générosité de la majorité ne cache pas des velléités bien dissimulées du côté du palais de la République
seneplus
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