AU CŒUR DU DÉBAT ENTRE BORIS ET BACHIR
J’estime que l’on lira de plus en plus la pensée de Cheikh Anta – On la critiquera, l’approfondira, la dépassera même à certains égards – J’essaie ici d’en vulgariser quelques aspects, à partir des points discutés dans ce débat
Mon malaise est grand. Intervenir dans ce débat entre ces deux intellectuels pour qui j’ai une estime et une affection profondes, n’est pas chose aisée. La tâche s’annonce d’autant plus ardue que l’objet de leur débat porte sur la pensée de Cheikh Anta Diop, un auteur pour lequel j’ai consacré un ouvrage et dont la pensée a une grande influence sur ma propre vision du monde.
Tous les trois ont contribué à ma formation intellectuelle. Bachir est le maître de classe, Cheikh Anta Diop, le maître « uwaysî », celui que je n’ai pas connu, et Boris, le maître par l’exemple. Aujourd’hui, mon amitié avec Bachir et Boris est authentique. La joie de nos retrouvailles est, à chaque fois, immense.
Tous les trois font la fierté de l’Afrique. Dès 1966, Cheikh Anta Diop a été distingué comme « l’auteur africain qui a exercé le plus d’influence sur le XXe siècle » au premier Festival mondial des arts nègres. Bachir Diagne, après de multiples autres distinctions, sera reçu comme nouveau membre de l’Académie américaine des arts et des sciences pour l’année 2019. La réception des nouveaux membres aura lieu au mois d’octobre prochain. C’est dans ce même pays que l’Université de Dickinson a désigné Boubacar Boris Diop comme lauréat 2018-2019 de son prestigieux prix Harold et Ethel L. Stellfox. Boris Diop a été reçu le 11 avril passé dans l’enceinte de cette université.
La pensée de Cheikh Anta Diop est riche et féconde. On ne compte plus le nombre d’articles scientifiques et d’ouvrages qui lui sont consacrés. Les avenues qu’elle offre sont multiples. J’estime que les intellectuels africains débattront de plus en plus sur cette pensée, que ce soit pour parler des immenses ressources énergétiques, de la monnaie, de l’intégration africaine, de la religion, de l’art, des langues africaines, du passé et de l’avenir du continent, de son rapport avec les autres puissances, etc. On la lira de plus en plus, la critiquera, l’approfondira, la dépassera même sur certains aspects. Je considère d’ailleurs Bachir et Boris comme étant tous les deux, à leur façon, des continuateurs émérites de Cheikh Anta Diop. Si Boris a décidé d’écrire dans une langue nationale, c’est en partie grâce à l’influence positive de Diop. Son travail d’édition d’ouvrages en langues nationales est une contribution réussie au projet de renaissance culturelle africaine chère à l’historien. Le projet de Bachir Diagne de produire des travaux philosophiques dans une langue nationale, le wolof, est la matérialisation parfaite du travail entamé par Diop sur les langues africaines. De plus, en insistant sur la « traduction » dans ses écrits et ses conférences, Bachir poursuit dans une certaine mesure un des projets de Diop, qui a été, selon moi, un des premiers penseurs africains de la traduction.
Je propose d’ailleurs à Bachir et Boris de nous gratifier d’un ouvrage dans lequel ils nous parleront de plusieurs sujets, amicalement mais sans complaisance : les langues africaines, la culture, le rapport des pays africains avec les puissances étrangères, notamment la France, la gouvernance des pays africains, etc. Ce serait non seulement apprécié, mais très utile pour la jeune génération.
De leur débat, je ne prendrai pas parti. S’il peut y avoir des motivations, des attentes et des non-dits, on peut au moins noter un malentendu manifeste. Boris reproche à Bachir d’avoir prêté à Cheikh Anta Diop une pensée qui n’est pas la sienne. Je le cite : « Faut-il en déduire que dans le feu d’une interview – exercice où les mots peuvent aller plus vite que la pensée – Souleymane Bachir Diagne aurait prêté à Cheikh Anta Diop une position qui n’est pas du tout la sienne ? » Bachir, de son côté, brandit le même reproche : « L’honnêteté ? C’est de ne pas prêter à quelqu’un des propos qui ne sont pas les siens. »
Je connais ces deux penseurs honnêtes. Leur humilité et leur rigueur ne font l’objet d’aucun doute à mes yeux. Par conséquent, je pense fort bien que s’ils se trompent ce ne peut être que de bonne foi. Mais il y a un bon côté des choses : leurs divergences et la vivacité de leurs échanges ne peuvent être que source d’enrichissement pour les nombreux lecteurs que nous sommes. Ils sauront donc vite se retrouver.
Il faut interpréter leur discussion comme une invite à débattre de la pensée de Cheikh Anta Diop. C’est pourquoi, sur la demande insistante de quelques amis, j’essayerai, dans cette contribution, de vulgariser, à ma façon, quelques aspects de Cheikh Anta Diop, en partant des quelques points discutés dans ce débat. Si Boris affirme que l’accusation de jacobinisme est « le principal grief » que l’on pourrait faire à Bachir, le débat a porté sur d’autres points : le laboratoire de carbone 14 et la traduction. Je tenterai à chaque fois de rapporter fidèlement les vues de l’homme de Céytou.
Le laboratoire de radiocarbone
Sur le laboratoire de radiocarbone, Cheikh Anta Diop a consacré un opuscule d’une centaine de pages titré justement « Le laboratoire de radiocarbone de l’IFAN ». Il y explique sa création, ses différents éléments constitutifs (salle de chimie, banc à vide, banc de purification, appareil pour la synthèse de CO2, salle d’électronique, ensemble pour gammamétrie monocanal, etc.), les activités qui y sont menées, les tests qui y ont été effectués en vue du démarrage ainsi que les perspectives sur le développement futur du laboratoire.
Théodore Monod, directeur de l’IFAN de l’époque, a beaucoup œuvré à la création de ce laboratoire. Son successeur à partir de 1’année 1964, Vincent Monteil, y contribua également. Dans l’avant-propos de l’opuscule, Diop salue leurs apports précieux dans ce projet.
Tous les travaux d’installation des équipements furent menés seul par Cheikh Anta Diop. Il nous le dit lui-même : « Il s’est écoulé quatre années (1963-1966) entre le moment où fut donné le premier coup de pioche pour la construction des locaux et la mise en service du laboratoire. Bien que nous ayons été seul à mener sur place, à Dakar, tous les travaux d’installation de l’équipement, cette durée eût été réduite encore si une partie indispensable de l’équipement ne nous était parvenue avec beaucoup de retard. »
Corroborant ce fait, le philosophe Djibril Samb, ex-directeur de l’IFAN, qui a eu accès aux lettres de Cheikh Anta Diop adressées à la direction de l’IFAN, écrit dans son ouvrage, Figures du politique et de l’intellectuel : « Dès le début de sa carrière, Cheikh Anta Diop conçut le projet – qui pouvait paraître utopique à plus d’un – de monter au sein de l’IFAN, un laboratoire de datation au radiocarbone. Dans sa première lettre au recteur (11 avril 1961), il sollicita un stage de quinze (15) jours à partir du 15 juin 1961, au laboratoire de Saclay, « en vue, dit-il, de montrer une installation similaire à l’IFAN. Voilà, assurément, un homme décidé et habité par le feu sacré. Dans sa grande sagesse, le recteur de l’époque, C. Frank, lui accorda le stage demandé ».
Et, c’est Diop lui-même qui conçut les plans du futur laboratoire. Le professeur Samb rajoute : « À son retour, il se consacra tout entier à cette tâche gigantesque. Il dressa lui-même les plans du laboratoire, dont l’exécution fut confiée au Service des travaux publics. Mais il faut mal connaître l’homme pour penser qu’il se fût contenté de déposer une liasse de plans et d’aller pêcher. Ce projet était d’abord le sien, et il s’y engagea tout entier, comme dans tout ce qu’il faisait, déployant toutes les facettes, non pas seulement d’un immense savant, mais d’un homme d’action, pragmatique, attentif, aux moindres détails. […]. Dans une lettre en date du 25 juin 1963 adressée au directeur de l’IFAN, le grand et regretté Théodore Monod, il rappelle qu’il donnait lui-même des indications détaillées aux entreprises maîtres d’œuvres, effectuait deux à quatre visites quotidiennes sur le chantier, précisait les plans d’installation du laboratoire, en fixait les pièces, déterminait leurs dispositions et leurs vocations, redressait les directives ou les applications erronées. »
S’il a tout conçu et a commencé seul les tests, Cheikh Anta Diop était assisté par la suite de deux techniciens de laboratoire.
Mais à quoi devait servir cette officine à laquelle le savant consacra 44 heures par semaine ? Cheikh Anta Diop répondit à cette question dans son opuscule : « Le laboratoire est en réalité un centre de datation qui applique l’essentiel des techniques de dosage des faibles radioactivités. Dans les années à venir il intégrera tout naturellement la méthode du Potassium 40 / Argon qui est déjà au point…Avec l’introduction de cette nouvelle méthode les possibilités de datation du laboratoire seront pratiquement illimitées, compte tenu de la longueur de la période du Potassium 40 : 1 milliard 300 millions d’années. »
Quelles étaient les activités du laboratoire ? C’est encore Diop qui révèle que le laboratoire peut apporter sa contribution à l’étude des « manifestations culturelles de l’homo sapiens depuis son apparition », à l’étude géologique du quaternaire et du quaternaire africain en particulier, aux études océanographiques, à l’étude des eaux fossiles, de la radioactivité atmosphérique, des traceurs en biologie animale, à suivre l’activité du soleil et à doser le rayonnement cosmique. Le laboratoire pouvait également servir, nous dit-il, à des mesures de toutes sortes (corrélations angulaires, mesures faibles de radioactivité, mesure de physique nucléaire, étude des météorites, etc.), à tracer le spectre d’énergie d’un échantillon métallique, traitement des os par le dosage du fluor, de l’azote, à l’autoradiographie par émulsion nucléaire, à la semi-micro-analyse chimique et micrographie par observation épiscopique de métaux et alliages constitutifs des objets d’art.
Les méthodes utilisées par Cheikh Anta Diop étaient originales. Il écrit à ce propos : « Contrairement à l’usage en vigueur dans les autres laboratoires, nous ne prenons aucune information sur les échantillons avant datation. Une fois l’intérêt scientifique de l’échantillon reconnu, la fiche permettant d’établir le dossier scientifique de celui-ci n’est rempli qu’à posteriori, après datation. L’échantillon est remis avec un simple numéro de référence, à l’exclusion de toute information sur son âge probable. De même, en ce qui concerne les datations croisées ci-dessous, nous avons dû communiquer nos résultats avant de connaître ceux trouvés antérieurement par les autres laboratoires. » (« Datation par la méthode du radiocarbone », Bulletin de l’IFAN, T. XXXIII, série B, no 3, 1971.)
Ce laboratoire aux normes internationales – une mission du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) attestera en 1966 de la qualité internationale des travaux exécutés dans le laboratoire – a permis de dater des ossements fossilisés, du charbon, des cendres, des œufs d’autruche et beaucoup d’autres échantillons provenant du Sénégal, du Mali, de la Mauritanie, du Cap-Vert, du Niger, de l’Iraq et de beaucoup d’autres pays. Des fragments provenant de Sine Ngayène, le plus grand site protohistorique de la Sénégambie, y ont été analysés et datés. En 1977, Cheikh Anta Diop effectua dans le laboratoire une analyse microscopique des échantillons de peau prélevés au laboratoire d’Anthropologie physique du musée de l’Homme à Paris sur les momies provenant des fouilles de Mariette en Égypte. Il demanda en vain, sur une période de deux ans, qu’on lui envoyât des échantillons prélevés sur les momies royales de Thoutmosis III, Sethi Ier, Ramsès II. C’est lui-même qui précise : « Depuis deux ans, j’ai demandé, en vain, de tels échantillons à analyser au conservateur du Musée du Caire. Pourtant il ne faudrait pas plus de quelques millimètres carrés de peau pour monter une préparation ; on réalise ainsi des préparations d’une épaisseur de quelques U, éclaircies au benzoate d’éthyle. On peut les observer en lumière naturelle ou avec un éclairage en ultraviolet qui rend fluorescent les grains de mélanine. » (Histoire générale de l’Afrique, vol. II, Afrique ancienne, p. 50.)
La langue d’unification
Le deuxième point de l’échange entre Boris et Bachir a porté sur la langue d’unification.
Bachir soutient que Cheikh Anta Diop, en proposant une langue d’unification, a une conception jacobine, contrairement à un Ngugi wa Thiong’o aujourd’hui. Pour le philosophe, l’unification, doit au contraire s’effectuer par la traduction. En disant cela, il s’alignait sur la position d’Édouard Glissant qui évoquait la traduction et disait que de son point de vue d’écrivain, il écrivait en présence de toutes les langues du monde, même s’il n’en connait qu’une seule.
Boris, de son côté affirme que sur ce point, Bachir prête à Cheikh Anta Diop une pensée qui n’est pas la sienne.
Il est important ici de noter qu’avant Bachir, le Français François-Xavier Fauvelle-Aymar a utilisé le terme de jacobinisme dans son ouvrage, L’Afrique de Cheikh Anta Diop. Après tout un développement sur la conception des langues chez Cheikh Anta Diop, il écrit : « Diop use là d’un modèle de l’État-nation, sous sa forme la plus jacobine, explicitement emprunté à la France. » (p. 169).
Sur l’accusation de jacobinisme, Boris affirme que c’est « le principal grief que l’on pourrait faire à Bachir », qui donc le reprend à son compte après l’africaniste Fauvelle-Aymar. Pour Boris, ce point de Bachir est « une divergence de vue avec l’auteur de Civilisation ou barbarie à qui il reproche de prôner une langue unique. »
Qu’en est-il réellement ? Qu’est-ce Diop pense de la langue ? Des langues ?
Cheikh Anta Diop a très tôt reconnu l’importance de la langue. Ses premières préoccupations intellectuelles sont d’ordre linguistique. Dès ses années de lycée, entre et 15 et 20 ans, il inventa un alphabet pouvant retranscrire toutes les langues africaines. Sa première publication porte sur la langue. Quelques-unes de ses premières conférences portent sur la question linguistique, notamment celle qu’il donna à Saint-Louis du Sénégal, en présence de Birago Diop, le mardi 1er août 1950 et dont le titre était « Nécessité et possibilité d’un enseignement dans la langue maternelle en Afrique ».
La pensée de Cheikh Anta Diop étant nuancée sur cette thématique, il nous faut ici interroger le contexte de production de certaines de ses idées. Lors du premier Congrès des écrivains et artistes noirs, en 1956 à Paris, Diop tint une conférence sur le thème « Apport et perspectives culturelles de l’Afrique ». Se donnant comme mission de montrer l’apport de l’Afrique noire à la civilisation, il préconisa de faire au moins de certaines langues africaines des langues de science. Il déclara : « Sur le plan linguistique on peut dire qu’une solution de facilité est à éviter et qu’il faut à tout prix élever certaines langues nationales au niveau des exigences modernes, les rendre aptes à supporter la pensée philosophique et scientifique. »
Diop reconnait ainsi durant ce congrès l’importance de faire des langues africaines des langues de science.
Les années 1959-60 étaient, elles, les années de l’unité et de l’unification africaines. En 1959 se tint la seconde édition du Congrès des écrivains et artistes noirs à Rome. Y étaient présents Cheikh Anta Diop, Amadou Hampâté Ba, Léopold Sédar Senghor, Bernard Dadié, Jacques Rabemanajara, Frantz Fanon, Sékou Touré, Aimé Césaire, Price-Mars et beaucoup d’autres auteurs. Le thème du Congrès était « L’unité des cultures négro-africaines ». Les participants entendaient formuler une renaissance des peuples de couleur et une vraie politique de la culture. Dans la déclaration finale, il a été recommandé de faire du kiswahili la langue d’unification de l’Afrique subsaharienne. Cheikh Anta Diop qui y prononça une conférence sur le thème « L’unité culturelle africaine », fit paraître l’année suivante, son ouvrage Les Fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire, dans lequel il tenait en compte la résolution finale du Congrès. Il y déclare, s’adressant aux Africains, qu’il nous faut « travailler à l’unification linguistique à l’échelle territoriale et continentale, une seule langue africaine de culture et de gouvernement devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles qu’elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de l’enseignement secondaire ».
On peut remarquer qu’ici il prône, à l’instar des congressistes de Rome, une langue d’unification, qui coiffe toutes les autres, lesquelles, y compris les langues européennes, ne devant toutefois pas disparaître. Diop trouvait que parmi toutes les grandes langues africaines, le kiswahili remportait les faveurs, par son étendue et sa morphologie. C’est elle, écrit-il « qui a le plus de chances de devenir demain pour l’Afrique noire unifiée, une langue de gouvernement et de culture » (Antériorité des civilisations nègres, p. 113.). Il rajoute qu’une des « principales chances du swahili est que son extension future à d’autres peuples ne poserait aucun problème d’impérialisme culturel, de la part du petit peuple des Waswahili dont il est la langue maternelle. » (Antériorité des civilisations nègres, p. 114).
Mais à l’époque, Diop insistait sur le fait que la fédération et l’unification devaient se faire rapidement. Si les choses vont en s’ossifiant, les États deviendront de moins en moins aptes à la fédération et donc à l’unification. Il trouvait que l’unité culturelle bien comprise, amoindrissait fortement ce qu’il appelait les « susceptibilités régionales ». Il déclare à cet effet : « Un Africain éduqué dans une langue africaine de culture quelconque, qui n’est pas la sienne, est moins aliéné, culturellement parlant, que s’il l’était dans une langue européenne avec perte définitive de sa langue maternelle. De même, un Français éduqué en italien serait moins aliéné que s’il l’était en zoulou ou en arabe avec perte définitive du français. Telle est la différence d’intérêt culturel qui existe entre langues européennes et africaines et que nous ne devons jamais perdre de vue ». (Antériorité des civilisations nègres, p. 113.)
En clair, pour Diop, chaque africain pouvait parler sa langue mais aussi maîtriser la langue de communication continentale. Un Wolof n’est pas aliéné parce qu’il parle le swahili.
Cheikh Anta Diop était pour une langue véhiculaire d’unification, une lingua franca, non pour la disparition des langues. C’était une façon pour lui de régler le problème de la balkanisation linguistique, de la « mosaïque linguistique » pour reprendre ses propres mots. De nombreux intellectuels, martelait-il, « sont désarmés devant les difficultés que pose la mosaïque linguistique africaine. » (Alerte sous les tropiques, p. 110.).
La langue véhiculaire continentale est une suite logique de la théorie de l’unité culturelle. C’est d’ailleurs, dans le même cadre d’unification recherchée dans la perspective des indépendances, que Diop nous incite à dépasser la division qu’introduit le système des castes qui anéantit l’unité nécessaire à une personnalité collective africaine retrouvée. « En expliquant la genèse des castes, écrivait-il, le caractère révolu des circonstances historiques qui les ont engendrées, leur non-sens dans la nouvelle structure économique, leur danger actuel, j’essaie de contribuer à la solution du problème de la division totale de tous les éléments qui devraient être unis dans une lutte commune. » (Alerte sous les tropiques, p. 52)
C’est encore pour les besoins de l’unification que Cheikh Anta Dio disait que les Africains doivent sortir du premier niveau de l’histoire, celui des « histoires locales » dans lesquelles les peuples africains « se recroquevillent, se trouvent piégés et végètent aujourd’hui », pour aller vers le second niveau, « plus général, plus lointain dans l’espace et le temps et englobant la totalité de nos peuples » et qui « comprend l’histoire générale de l’Afrique Noire, telle que la recherche permet de la restituer aujourd’hui à partir d’une démarche rigoureusement scientifique ». Dans cette sorte de synthèse, précisait-il, « chaque histoire particulière est ainsi repérée et située correctement par rapport à des coordonnées historiques générales. Ainsi toute l’histoire du continent est réévaluée selon un nouvel étalon unitaire propre à revivifier et à cimenter, sur la base du fait établi, tous les éléments de l’ancienne mosaïque historique. » (Civilisation ou Barbarie, p. 175).
Insérer les récits locaux dans une histoire globale unificatrice demeure d’une actualité brulante, surtout au vu des problèmes que pose déjà le projet de réécriture de l’histoire du Sénégal.
Au final, il y a donc chez Diop, une sorte de théorie de l’unité dans la diversité, de l’unicité multiple, ou encore de la multiplicité unique. Dit autrement, son projet est la maison faite de briques (les langues particulières), mais qui a besoin du ciment unificateur (la langue d’unification), pour tenir. Une personnalité collective est solide si elle possède le sentiment d’unité des différents éléments la composant. Sans l’unité linguistique, disait Cheikh Anta Diop, l’unité nationale et culturelle n’est qu’illusoire.
Dans son ouvrage, Sénégal : Les ethnies et la nation, le professeur Makhtar Diouf rappelle l’importance de la langue d’unification dans un contexte comme la Gambie : « C’est le président gambien Daouda Diawara qui déclare que le wolof a fait de sa capitale Banjul une zone de dé-ethnisation (de-tribalising area) » (p. 71).
L’émiettement des États africains et le contexte des indépendances marqué par la quête d’unification expliquaient cette façon de voir les choses chez Diop. Rappelons d’ailleurs que plusieurs années plus tard, en 1977, à Lagos, lors du Deuxième Festival mondial des Arts du monde noir, l’écrivain Wole Soyinka évoqua les résolutions de l’Union des écrivains relatives aux questions linguistiques. Il insista fortement dans sa communication sur la recommandation de faire du kiswahili la langue d’unification de l’Afrique subsaharienne.
Cheikh Anta Diop était cependant pour le développement de toutes les langues africaines. Dans sa conception, je le cite, « On apprend mieux dans sa langue maternelle parce qu’il y a un accord incontestable entre le génie d’une langue et la mentalité du peuple qui la parle. D’autre part, il est évident qu’on évite des années de retard dans l’acquisition de l’enseignement. » (Alertes sous les tropiques, p. 35). La langue maternelle est la langue de l’énergie, aurait dit Édouard Glissant, qui était avec Cheikh Anta Diop au Congrès de Rome où il fut décidé de faire du kiswahili la langue d’unification africaine.
Pourquoi une telle conception chez Diop ? Parce que pour lui, les langues étrangères peuvent constituer des obstacles à l’acquisition de la connaissance. Considérées comme langues exclusives d’enseignement, elles obligent le jeune Africain à fournir un double effort, « pour assimiler le sens des mots, et ensuite, par un second effort intellectuel, pour accéder à la réalité exprimée par lesdits mots ». Il rajoute : « Le jour même où le jeune Africain entre à l’école, il a suffisamment de sens logique pour saisir le brin de réalité contenu dans l’expression : un point qui se déplace engendre une ligne. Cependant, puisqu’on a choisi de lui enseigner cette réalité dans une langue étrangère, il lui faudra attendre un minimum de 4 à 6 ans, au bout desquels il aura appris assez de vocabulaire et de grammaire, reçu en un mot un instrument d’acquisition de la connaissance pour qu’on puisse lui enseigner cette parcelle de vérité. »
Les difficultés en mathématiques éprouvées par les jeunes africains ne s’expliqueraient du reste que par l’adoption d’une langue étrangère mal comprise. L’Africain, pensait-il, « loin d’être dénué de logique, pourrait même se jouer des difficultés abstraites des mathématiques et que, ce qui constitue une entrave pour lui, c’est plutôt le symbolisme des mathématiques enseigné dans une langue étrangère qu’il possède mal » (Nations nègres et culture, pp. 35-36.)
Voilà pourquoi, selon lui, il faut développer les langues africaines. Dans les dernières années de sa vie, Diop n’a eu de cesse de rappeler cette exigence dont l’Unesco, s’appuyant sur les plus récents travaux scientifiques dans le domaine de l’éducation, se fait grandement l’écho aujourd’hui.
Il faut dire que les années 70 sont marquées au Sénégal par l’insistance sur les « langues nationales ». En 1971, le décret présidentiel no 71566 du 21 mai 1971 reconnaissait le statut des « langues nationales ». Dans un article publié en 1977 dans le journal Taxaw et repris dans le même journal en 1980, Diop note : « Partout dans le monde, et dans le Tiers-Monde, en particulier, tous les leaders politiques qui ont compris qu’il y a une contradiction fondamentale à vouloir développer nos pays tout en adoptant officiellement une langue étrangère comme langue de gouvernement et d’administration, ont tranché cette question dans le vif, dans la pratique. Ils savent que l’alphabétisation dans les langues nationales reste un luxe superflu tant que le pays n’est pas administré et gouverné dans celles-ci, tant que le gagne-pain de chaque citoyen ne passe pas par l’utilisation de ces langues nationales. » (Taxaw, février-mars 1981).
La langue étrangère accentuant les clivages entre les élites et les masses, Diop montre les bienfaits de l’alphabétisation dans les langues nationales : « Alors seulement, elles [les langues nationales] seront, comme aujourd’hui les langues étrangères, des langues de promotion sociale, culturelle, technique et même politique et cela vaudra la peine d’apprendre à les écrire. Et du jour au lendemain, les neuf dixièmes de la population, deviendront des agents actifs du développement, des producteurs très utiles, au lieu d’être une masse passive à la remorque d’une minorité sans idéal. ». (Taxaw, février-mars 1981).
Dès que les langues nationales sont promues, les citoyens des villes et les citoyens des campagnes participent également à la vie nationale : « Avec l’alphabétisation, écrit Diop, la ménagère du village, hier inculte, écrit maintenant ses propres lettres, remplit ses talons de mandat, sa feuille d’impôt, lit ses télégrammes, cherche le numéro dans l’annuaire, reconnaît les sens interdits, étudie directement la littérature du parti pour sa promotion politique et sociale ; elle assure des suppléances au bureau des PTT du village, reçoit un message urgent et le transmet, elle gagne sa vie. Le génie créateur, verrouillé, s’éveille et remplace le psittacisme. ».
Et, chose importante, l’alphabétisation dans les langues nationales ne signifie pas chez Diop une rupture avec le monde extérieur. Au contraire, avec l’adoption des langues nationales, on se met en situation de mieux apprendre les langues étrangères : « L’apprentissage des langues étrangères est accéléré, c’est le contraire d’une coupure d’avec le monde extérieur. Des députés de souche populaire, de vrais mandataires du peuple peuvent maintenant siéger au Parlement. Même l’idée d’une éventuelle fédération avec la Gambie devrait nous inciter à reconsidérer la question linguistique sous un angle correct. » (Taxaw, février-mars 1981).
Non seulement on ne se coupe pas du monde, mais même les termes étrangers acquis dans nos langues devront être conservés. Cette exigence de ne pas se couper du monde en s’enfermant dans un exclusivisme naïf, Diop le disait déjà dans Nations nègres et culture. Il ne faudrait pas, écrivait-il, « pousser l’exclusivisme jusqu’à éliminer les mots d’origine occidentale qui ont déjà acquis droit de cité dans nos langues. On peut dire qu’il en est ainsi chaque fois qu’un mot occidental passe dans le creuset où il est refondu, dès qu’il est adapté à notre phonétisme » (p. 408).
Deux ans avant sa mort, le samedi 28 avril 1984, lors de la Semaine culturelle de l’École Normale Germaine Le Goff, à Thiès au Sénégal, Cheikh Anta Diop tint une conférence entièrement faite en wolof sur l’importance de faire des langues nationales des langues de science. Sa conférence s’intitulait « Làmmiñu réew mi ak gëstu » (Langues nationales et recherche scientifique). Diop campa le sujet : « Ndax réew yi nga xam ne ñoo nekk tey ci kanam àddina, xam-xam bi nga xam ne moom lañuy jàngale ci seen daara yi tegaloo, ndax mënees na ko jàngale ci làmmiñu réew mi – bu mu ci mën di doon, moo xam wolof la, moo xam weneen làmmiñ lay doon …pël la, walla sereer la, walla làmmiñ wu mag wow réew mi – ndax mënees na cee jàngale xam-xam yooyu, ci koo xam ni kii mësul a jaar ci daaray tubaab. Loolu, jàpp nanu ne mën naa am. »
Traduction : « Peut-on, à l’instar ce qui se fait dans les universités des pays avancés de ce monde, enseigner le savoir scientifique dans nos langues nationales quelles qu’elles soient : wolof, pël, sereer ou dans la grande langue véhiculaire, pour quelqu’un qui n’est pas alphabétisé dans une langue occidentale. Je pense que c’est possible. » (Conférence transcrite dans Le Chercheur, revue scientifique de l’Association des chercheurs sénégalais, no 1, 1990, pp. 16-49.).
Il y a donc chez Cheikh Anta Diop trois niveaux : les langues européennes, les langues nationales et la langue d’unification africaine. Les langues nationales sont les langues de la renaissance scientifique, les langues européennes permettent l’ouverture au monde, la langue d’unification africaine, elle, permettant l’intercompréhension des groupes dans le cadre d’une fédération. Cette langue continentale d’unification incombera, écrivait-il dans Les Fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire, à une « commission interterritoriale compétente » qui sera « inspirée par un très profond sentiment patriotique, à l’exclusion de tout chauvinisme déguisé » (p. 23).
La traduction
Le troisième point abordé dans la discussion entre Boris et Bachir est la traduction.
« Ce n’est pas si compliqué de traduire la relativité en wolof », soutient Bachir. Boris perçoit dans la manière de formuler cette critique, une façon de tourner en dérision le travail de quelqu’un qui voulait seulement « démontrer l’égale capacité d’abstraction de toutes les langues du monde ». Bachir précise sa pensée dans sa réponse et affirme que lorsqu’on traduit une démonstration on ne traduit pas en réalité le langage des signes dans lequel la démonstration se conduit mais le métalangage. Plus la théorie est abstraite et réalisée dans la langue formulaire, moins il est compliqué de la traduire, avance-t-il. Bachir trouve même qu’il est plus difficile de « traduire de la poésie que des sciences formelles ».
Mon avis est qu’ici le problème ne porte pas en tant que tel sur la traduction, mais sur la perception de dérision. Je ne m’appesantirai pas sur cette perception. Je vais plutôt parler des motivations entourant le projet de Diop de traduire des œuvres de l’esprit dans les langues africaines.
Cheikh Anta Diop a traduit des textes scientifiques et littéraires. Il a traduit un extrait d’Horace de Corneille et le texte de la Marseillaise. Il était conscient de la difficulté de traduire des poèmes. Après avoir rendu un poème wolof en français, Diop note : « On tenterait en vain de traduire adéquatement ce poème banal en français ; C’est cet élément intraduisible d’une langue à l’autre, sans lequel il n’y a pas de littérature nationale propre, que nous sacrifions, toutes les fois que nous « optons » pour une expression étrangère. » (Nations nègres et culture, p. 450).
Mais que voulait démontrer Diop en se lançant dans de vastes opérations de traduction ?
Il s’agissait pour lui de montrer que la « pauvreté naturelle » supposée des langues africaines n’était pas fondée; qu’aucune langue ne souffre de déficience native ; qu’il est possible comme cela s’est fait partout ailleurs, de développer ces langues par la création de « néologismes indispensables » et par des « traductions d’ouvrages étrangers de toutes sortes (poésie, chant, roman, pièce de théâtre, ouvrage de philosophie, de mathématiques, de science, d’histoire, etc… » (Nations nègres et culture, p. 412.).
Dans le même ouvrage, il reprécise son projet : « Il s’agit d’introduire dans les langues africaines des concepts et des modes d’expression capables de rendre les idées scientifiques et philosophique du monde moderne. Une telle intégration de concepts et d’expressions équivaudra à l’introduction d’une nouvelle mentalité en Afrique, à l’acclimatation de la science et de la philosophie moderne au sol africain par le seul moyen non-imaginaire. » (p. 408).
S’il en est ainsi c’est que Diop était conscient de l’importance des traductions dans la longue chaîne de transmission des connaissances à travers l’histoire. Il note que « Les Grecs ne se contentèrent donc pas d’aller puiser les sciences chez les Égyptiens, ils ont voulu les acclimater dans leur patrie, par des traductions de mémoires et d’ouvrages égyptiens. Strabon rapporte que, jusqu’à ce que de telles traductions aient existé, les Grecs n’avaient que des notions très imprécises sur les connaissances scientifiques d’ordre astronomique et autres. » (Antériorité des civilisations nègres, p. 104). Dans le même ordre d’idées, il mentionne l’importance de la traduction dans une ville comme Tolède en Espagne. Il écrit : « La ville devint le principal centre de traduction de tous les ouvrages scientifiques et philosophiques de l’Antiquité, écrits en arabe ». Pour Diop, c’est la traduction, qui contribua « au développement du latin comme langue scientifique et universelle de l’Europe ».
C’est pour toutes ces raisons que Diop espérait non seulement la traduction dans les langues africaines des classiques de la littérature mondiale, mais des ouvrages exprimant tous les domaines de la connaissance. Traduit, tout ce savoir sera accessible aux Africains parce qu’exprimé avec le génie de leurs langues.
Dans son article, « Comment enraciner la science en Afrique » (Bulletin de l’IFAN, t. 37, série B, no1, 1975), il s’évertue à traduire en wolof un ensemble de textes relatifs à la théorie des ensembles, à la physique mathématique et théorique, à la physique quantique, à la relativité restreinte et générale, à l’algèbre, à la chimie quantique, etc. Il y démontre un effort de création de néologismes et y réaffirme son objectif : « Il s’agit moins d’un effort de vulgarisation que de la démonstration concrète de la possibilité du discours scientifique en langue africaine…Elle prouve que l’on peut si on le veut (et avec beaucoup de travail) dispenser une culture scientifique qui ne soit pas au rabais dans nos langues. »
Dans sa conférence en wolof de 1984, il mentionne qu’aucune langue n’est déficiente et insiste sur la capacité infinie de la langue à créer des concepts et à nommer donc les choses du monde : « Da ngeen di xam ne aw làmmiñ, jëfandikukaay la boo xam ni lu am xel dem ci àddina aw làmmiñ mën na koo tudd ; am xel ay gàtt aw làmmiñ gàtt ! Waaye lu am xel mën a dem ci àddina rekk aw làmmiñ mën na ko tudd ; aw làmmiñ gàttul. Nit kiy wax nag, fim xelam yem, fiw jàngam yem, fi gisgisub àddinaam yem, foofu rekk la ay waxam mën a yem…Waaye boo demee ba sam xel gis leneen rek, làmmiñ wi dana ko tudd. Lu ko waral? Amul benn baat boo xam ni bii yenu nga sa maana ci cosaan, amul! Baat bi coow luy géenn ci gémmiñ kepp la! Amul sax menn maana. Ndax bu ko ammon, wenn làmmiñ ay am kon lu jog rekk, xel yépp nenn lañu koy tudde. Wenn tur wi di moom. Te loolu amul. […]. Li làmmiñu tubaab bi ëppalee sunuy yos mooy baat yi nga xam ni dugal nañu leen ci ñaari xarnu yu muyy – yi ci des ginaaw yii. Maanaam ci ci fukkeelu xarnu beek juróom-ñeent (XIXe siècle) ci la xam-xam tàmbalee am dëgg-dëgg »
Traduction : « La langue est un outil qui permet de nommer les choses. Une langue n’est jamais limitée. Si elle l’est c’est parce que notre esprit est limité. Les limites linguistiques d’une personne qui parle sont les limites de son esprit et de sa vision des choses. Pourquoi cela? Aucun mot ne vient avec sa signification toute faite. Le mot est uniquement un son qui s’échappe de notre bouche. Il n’a aucune signification a priori. Si les mots venaient avec leur signification, il n’y aurait qu’une langue unique et toute chose serait comprise de la même manière par tous. Cela n’est pas concevable. […]. Ce que les langues européennes ont de plus que les langues africaines, c’est l’effort de conceptualisation scientifique née avec la révolution scientifique du XIXe siècle. »
Dans son ouvrage, Antériorité des civilisations nègres, il exprimait déjà cette idée : « L’avancée des langues européennes sur les langues africaines de culture est d’ordre purement lexicologique ; elle correspond à la somme des concepts artificiellement créés et accumulés durant les trois derniers siècles, depuis l’avènement de la science moderne. » (p. 114).
Sur un tout autre plan, enrichir et développer les langues nationales, était pour Cheikh Anta Diop le meilleur moyen pour venir à bout de l’impérialisme économique. Pour lui, la domination culturelle, celle qui passait par la langue, facilitait la domination économique. « L’impérialisme culturel, disait-il, est la vis de sécurité de l’impérialisme économique ; détruire les bases du premier c’est donc contribuer à la suppression du second. » (Nations nègres et culture, p. 407). Les puissances colonisatrices ne s’étaient retirées qu’en apparence. Leurs livres, leurs films, bref, leurs produits culturels, restaient présents par la langue.
Voilà ce qu’il m’a semblé important de dire à propos des points soulevés lors de cet échange entre Bachir et Boris. Un échange que j’ai interprété à mon niveau, disais-je, comme un appel à discuter de la pensée de Cheikh Anta Diop.
Seneplus
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