Traitement du Professeur Raoult : le point sur les connaissances actuelles, étude par étude
Depuis de nombreuses semaines, on peut lire beaucoup d’informations contradictoires sur le traitement du professeur Didier Raoult à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Il est difficile pour le grand public de pouvoir se forger sa propre opinion car une des principales difficultés est de décrypter les différentes publications scientifiques sur le sujet ainsi que d’écouter les messages évolutifs et parfois contradictoires des médias.
Voici un état des lieux des connaissances scientifiques sur les traitements à base d’hydroxychloroquine et la sécurité du traitement à ce jour.
Efficacité du traitement à base d’Hydroxychloroquine et d’azitromycine, de nombreuses études
Les scientifiques chinois ont été les premiers à publier sur l’efficacité de la chloroquine. En se basant sur une publication du 4 février 2020 dans le journal Cell research montrant l’efficacité de la Chloroquine et du Remdesivir in vitro sur le virus SARS-coV-2 (1), et des essais cliniques multicentriques révélant « une efficacité apparente et une innocuité acceptable contre la pneumonie associée au COVID-19 » (études non publiées à ce jour) , la Commission nationale de la santé de la République populaire de Chine a recommandé d’inclure le phosphate de chloroquine dans la prochaine version des Lignes directrices pour la prévention, le diagnostic et le traitement de la pneumonie causée par COVID-19 (2)
Les études de l’IHU du Professeur Raoult
- En se basant sur ces premières indications, ainsi que sur une autre publication justifiant de plus d’efficacité de l’hydroxychloroquine (un dérivé de la chloroquine beaucoup moins toxique et qui a la capacité de réduire considérablement la production de cytokines et des facteurs pro-inflammatoires) (3), et connaissant bien ce médicament pour l’avoir utilisé pendant de nombreuses années pour d’autres pathologies (4, 5), l’équipe de Didier Raoult, à l’Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille a traité un petit groupe à l’hydroxychloroquine avec des doses similaires à celles utilisées dans le cas de patients souffrant de Lupus (6) avec ou sans addition d’azithromycine, un antibiotique efficace dans les maladies respiratoires et connu pour son action antivirale (7)
- Les résultats de cette étude (8) montrent que chez les patients traités on note une réduction/disparition de la charge virale beaucoup plus rapide que dans le groupe témoin, outre le fait que les patients du groupe témoin étaient plus jeunes et plus asymptomatiques, et malgré la petite taille du groupe traité,
- Puis de nombreuses études ont été réalisées dans le monde et ont donné des résultats qui vont dans le même sens. Par la suite, l’équipe du Professeur Raoult a publié une étude plus vaste sur 1061 patients (9) et a conclu que l’administration de l’association hydroxychloroquine et azithromycine, avant que les complications liées au COVID-19 ne se produisent, est sûre et qu’elle est associée à un taux de mortalité très faible chez les patients (98,7% des patients guéris).
Les autres études
Deux autres études chinoises viennent corroborer les résultats de l’IHU Méditerranée Infection.
- La première, publiée dans le très sérieux Journal of Molecular Cell Biology (10) est une étude randomisée comparant un traitement à base de chloroquine versus le combiné Lopinavir / Ritonavir sur un petit groupe de patients hospitalisés. Cette étude conclue à 100% de guérison en 14 jours de traitement à la chloroquine versus 50% pour le groupe traité au Lopinavir / Ritonavir. Les patients traités à la chloroquine semblent mieux récupérer et retrouver leur fonction pulmonaire plus rapidement que ceux traités par Lopinavir / Ritonavir. Ils précisent également qu’il n’y a eu aucun événement indésirable grave ni retrait de la chloroquine pendant la période de traitement.
- Une autre étude chinoise randomisée également (11), qui n’est pas encore publiée à ce jour dans un journal à comité de lecture, portant sur un traitement à l’hydroxychloroquine sur une cohorte plus grande, a montré que les temps de récupération (température corporelle et rémission de la toux) ont été considérablement raccourcis dans le groupe de traitement à l’hydroxychloroquine par rapport au témoin et qu’une plus grande proportion de patients ont présenté une pneumonie améliorée dans le groupe de traitement HCQ (80,6%) par rapport au groupe témoin (54,8%). Par ailleurs, dans le groupe témoin, 4 patients ont évolué vers une maladie grave.
D’autres études, mais cette fois-ci observationnelles multicentriques,montrent également un temps plus court pour éliminer le virus chez les patients traités à la chloroquine (12) et même un taux de mortalité 2,5 fois moins élevé en utilisant l’hydroxychloroquine (13, 14).
Enfin, l’hôpital Poincaré de Garches (15), a proposé une étude rétrospective monocentrique visant l’utilisation d’hydroxychloroquine en associant l’azithromycine, qui rapporte un résultat favorable dans 91,1%.
Ces différentes études vont donc dans le sens d’une efficacité du traitement hydroxychloroquine + /- azithromycine en début de contamination au SARS-coV-2.
Néanmoins, deux études rétrospectives chinoise, ont montré le bénéfice d’un traitement à l’hydroxychloroquine à doses plus faibles (400mg/jour), également chez des patients sévères, réduisant considérablement la mortalité et le niveaux de cytokine inflammatoire IL-6 des patients versus un groupe contrôle (16, 17).
Enfin, une étude récente suggère que l’addition de sulfate de zinc à l’hydroxychloroquine et à l’azithromycine pour des patients en début de maladie s’est avérée associée à une diminution de la mortalité ou de la transition vers les soins intensifs (18).
Un groupe de rhumatologues chinois, très familiers avec l’utilisation de l’hydroxychloroquine, suggèrent que l’hydroxychloroquine a peu d’effets secondaires et devrait être utilisée comme traitement initial dès que le diagnostic de COVID-19 est posé (19).
Quid des polémiques sur les concentrations d’hydroxychloroquine
Récemment, une polémique menée par un pharmacologue dans un journal de vulgarisation scientifique, prétendaient que les traitements à base d’hydroxychloroquine ne permettaient pas d’atteindre les doses antivirales efficaces (20).
« Les fameuses concentrations des données in vitro, allant d’environ 1 à 13 µM sont les concentrations que l’on met dans les boîtes de Petri dans lesquelles les cellules infectées par le virus sont cultivées. Mais on ne sait pas quelle concentration se retrouve effectivement dans ces cellules »
Dans l’étude in vitro prouvant l’effet antiviral de l’hydroxychloroquine (3), les valeurs de CE50 pour l’hydroxychloroquine étaient plus faibles* et compatibles avec les doses d’hydroxychloroquine données dans les traitements.
En effet, une étude ayant étudié des patients atteints de Lupus érythémateux prenant 400mg/jour du médicament, a montré que leur taux plasmatique moyen d’hydroxychloroquine se situe dans des valeurs comparables** à celles de l’étude in vitro concluant sur l’action antivirale de l’hydroxychloroquine (21) et qui est en accord avec les traitements utilisés dans les hôpitaux pour lutter contre la Covi19.
Enfin, une étude américaine, intégrant les données pharmacologiques, cliniques et virologiques obtenues chez 116 patients infectés par le COVID-19 et traités par hydroxychloroquine, a conclu elle aussi que les taux plasmatiques étaient comparables aux concentrations efficaces in vitro(22).
Cette polémique n’avait donc aucun lieu d’être.
Sur la sécurité du traitement combiné hydroxychloroquine et azithromycine
Là encore, de nombreux commentaires et articles dans les grands médias, ont pu laisser penser que ce traitement pourrait être dangereux, et on assiste depuis plusieurs semaines à un déferlement de contre-vérités à ce sujet dans les médias (23)
Pourtant il y a de nombreuses preuves que tout cela est erroné.
Comme beaucoup de gens le savent, l’hydroxychloroquine a longtemps été prescrite contre le paludisme et il est depuis des dizaines d’années utilisé chez une majorité de patients atteint de Lupus érythémateux et la polyarthrite rhumatoïde à des doses variant de 200 à 600mg par jour. Ces traitements sont pris par les patients sur de longues périodes (jusqu’à plusieurs années). Les effets secondaires graves évoquées sont de rares cas de problèmes cardiaques et ophtalmiques.
Par ailleurs, les chiffres récents de l’ANSM montrent qu’entre 2017 et 2019, sur près de 4 millions de boites de Plaquenil (Hydroxychloroquine) vendus, seulement 2 décès ont été rapportés, dont un cas dans le cadre d’une intoxication médicamenteuse chez un sujet prenant 6 psychotropes en plus de l’hydroxychloroquine. (24)
Dès le 29 mars, l’American College of Cardiology indiquait clairement que d’une part plusieurs centaines de millions de traitements de chloroquine avaient été utilisés dans le monde – ce qui en fait l’un des médicaments les plus largement utilisés de l’histoire – sans aucun rapport de décès arythmique sous la surveillance de l’OMS et que d’autre part les études in vivo n’avaient montré aucun effet synergique arythmique de l’azithromycine avec ou sans chloroquine (25).
Plus spécifiquement, des études ont été faites sur la sécurité de l’association hydroxychloroquine et azithromycine chez des patients atteints de Covid19. Dans les deux études, il a été conclu que ce traitement n’était pas associé à une surmortalité, ne déplorant aucune « torsade de pointe » et quelques cas d’allongement du QTc qu’un simple arrêt de traitement résolvait. (26, 27)
Donc contrairement à ce qui circule de part et d’autre, avec un suivi médical, ce traitement ne présente pas de risque.
Des études moléculaires viennent conforter les études cliniques
Une étude in silico a montré qu’en présence de chloroquine (ou de son dérivé plus actif, l’hydroxychloroquine), la protéine virale S n’est plus capable de se lier aux gangliosides. L’identification de ce nouveau mécanisme d’action pour ces deux molécules soutient l’utilisation de ces médicaments repositionnés pour soigner les patients infectés par le SRAS-CoV-2 (28).
Une autre étude de Fantini et al. (29) a montré que l’azithromycine interagit avec le domaine de liaison aux gangliosides de la protéine de pointe du SARS-CoV-2 et que les molécules d’hydroxychloroquine peuvent saturer les sites de fixation du virus sur les gangliosides à proximité du récepteur principal du coronavirus. Cela est compatible avec un mécanisme antiviral synergique au niveau de la membrane plasmique, où l’intervention thérapeutique la plus efficace se situe probablement. Ce mécanisme moléculaire peut expliquer les effets bénéfiques du traitement combiné hydroxychloroquine / azithromycine chez les patients atteints de Covid-19.
Pour simplifier, au niveau moléculaire, on comprend désormais comment l’hydroxychloroquine agit contre le virus et comment la synergie peut exister en association avec l’azithromycine.
A Marseille, on meurt moins de la Covid19 qu’ailleurs en France
Un récent article de France Soir évoquant les disparités du taux de mortalité sur le territoire français montre qu’à Marseille, en corrélation probable avec le protocole HCQ+AZ et le grand nombre de dépistages, le taux de mortalité est bien moins important que sur la France entière. (30)
Et finalement que disent les publications qui concluent que cela n’est pas efficace
Récemment, la presse générale a mis en avant deux articles parus dans le fameux British Medical Journal, une étude chinoise (31) et une étude française (32) qui concluaient à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine. Cependant, ces deux études montrent de nombreux biais, jamais évoqués dans la presse.
Dans l’étude de Tang et al. (31), les principaux biais sont que dans le groupe avec hydroxychloroquine (HCQ) les patients étaient plus âgés, avaient plus de comorbidités, et avaient reçu presque 2 fois plus d’HCQ que celles préconisées. La majorité des patients des groupes (témoins y compris) avait par ailleurs reçu des antiviraux (ce qui est ennuyeux pour mesurer l’effet antiviral de l’HCQ versus le groupe témoin). La durée moyenne avant administration du traitement était de 17 jours (durée bien trop longue pour un traitement antiviral). Malgré ces biais, l’étude montre un effet positif de 4 points*** entre le groupe HCQ et le groupe témoin. Néanmoins les auteurs préfèrent conclurent qu’il n’y a pas d’efficacité de l’HCQ.
Dans l’étude de Mahévas et al. (32) , les patients étaient tous dans un état sévère (syndrome respiratoire aigu sévère avec besoin d’oxygène). Curieusement dans le groupe contrôle, 29% des patients prenaient aussi de l’azithromycine, alors que seulement 18% des cas en prenait dans le groupe HCQ. Lorsque l’on regarde les patients transférés en soins intensifs (ICU), l’effet HCQ est néanmoins visible puisque 1,5 fois moins de transfert en ICU dans le groupe HCQ sont observés par rapport au groupe témoin. Mais surtout, de manière extraordinaire, on peut voir dans les détails de l’étude que dans le petit groupe de patients prenant à la fois HCQ et azithromycine, il y a eu zéro décès et aucun transfert en ICU. Par contre, le petit groupe témoin prenant lui aussi de l’azithromycine (mais pas d’HCQ) a eu à déplorer 6 admissions en ICU et 5 décès. Néanmoins les auteurs préfèrent là aussi conclurent à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine alors que l’étude montre clairement l’efficacité du traitement hydroxychloroquine + azithromycine versus le témoin ne prenant que de l’azithromycine.
Ensuite dans l’étude New-yorkaise de Rosenberg et al. (33), non seulement les patients hydroxychloroquine (HCQ) – supplémenté ou non d’azithromycine (AZT) – sont beaucoup plus vieux, obèses et diabétiques que le groupe témoin (ce sont des facteurs majeurs de risques de mortalité sous Covid19) mais en plus le groupe HCQ+AZT a très significativement une faible saturation d’oxygène, ce qui est là encore un facteur majeur de prédiction de la mortalité dans cette maladie (34). Ce qui entraine que beaucoup plus de patients des groupes HCQ+/- AZT (dans 95 à 82% des cas) ont des radios de poumons anormales versus le groupe contrôle (dans 55% des cas uniquement). Dans cette étude, il est donc comparé des groupes de malades plus vieux, plus obèses, plus diabétiques et beaucoup plus avancés dans la maladie contre un groupe témoin où les patients sont moins à risque et sont moins avancés dans la maladie. Cela n’a pas de sens et c’est très critiquable dans une étude de ce type.
Une autre étude rétrospective New-yorkaise de Geleris et al (35), montrent les mêmes biais que la précédente, des patients du groupe HCQ plus vieux qui étaient pour la plupart déjà dans un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) léger à modéré alors que les patients du groupe témoin ne l’étaient pas. Yu et al. soulignent par ailleurs que dans cette étude la dose initiale d’’HCQ donnée à ces patients très malades était bien trop élevée (1200mg au jour 1), alors que cette équipe chinoise a eu de très bons résultats avec 400mg/jour (17). Mais le plus intéressant dans cette étude est que le « End-point » c’est-à-dire le critère d’évaluation de l’efficacité ou pas du traitement, était « intubation OU morts » ce qui est déjà curieux à la base, (il est quand même très différent d’être intubé ou d’être mort). En regardant en détail séparément les patients décédés et intubés, là tout change. L’étude montre que les patients COVID qui ont développé une détresse respiratoire survivent beaucoup plus quand ils sont traités par l’HCQ versus le groupe témoin (données que l’on ne trouve que dans les annexes de l’étude). Néanmoins les auteurs oublient de soulever ce point de leur étude.
Enfin, la fameuse étude américaine sur les vétérans (36) , l’IHU de Marseille a publié à ce sujet une réponse tant cette étude montre de biais dans les différences des groupes étudiés (37). Les groupes traités à l’HCQ + /- AZT (avec des doses qui ne sont jamais précisées dans l’article) était composé en moyenne de 30% de patients « mourants » versus le groupe contrôle (seulement 14%) à qui ils ont vraisemblablement donné le traitement en désespoir de cause. Par ailleurs un tiers de patients du groupe témoin prenaient aussi de l’azithromycine.
Pour conclure sur ce que l’on peut dire à ce jour :
- aucune étude (randomisée ou non) sans biais ne permet de conclure à l’inefficacité du traitement hydroxychloroquine supplémenté d’azithromycine
- de nombreuses études randomisées et rétrospectives vont dans le sens d’une nette amélioration des patients avec ce traitement
- des études in vitro montrent l’efficacité de l’hydroxychloroquine sur des cellules infectées.
- des études in silico confortent la notion d’efficacité et de la synergie d’action de l’hydroxychloroquine avec l’azithromycine
- les données concernant le faible taux de mortalité à Marseille, où une grande proportion de patients ont reçu le traitement, vont dans le même sens.
Corinne Reverbel est docteur en microbiologie et contributeur de FranceSoir
Ndlr : nous la remercions pour ce travail énorme de décryptage scientifique et citoyen. Sens et valeurs
Complément d’informations
* L’étude in vitro prouvant l’effet antiviral de l’hydroxychloroquine (3) montrent des valeurs de CE50 pour l’hydroxychloroquine de 6,14 et 0,72 μM à 24 et 48 heures, respectivement.
** Les patients atteints de Lupus érythémateux prenant 400mg/jour du médicament, montrent des taux plasmatiques moyen d’hydroxychloroquine de 917ng/ml soit 2,73µM (21)
*** Conversion négative du virus au bout de 28 jours : 85,4% dans le groupe hydroxychloroquine versus 81,3% dans le groupe de soins standards. (31)
Francesoir
Les commentaires sont fermés.