Vindicte populaire : quand les Sénégalais se font justice pour faire face à la recrudescence des cas d’agressions et de vols
L’assassinat de Fatou Kiné Gaye a suscité chez certains Sénégalais des relents revanchards à l’endroit des malfaiteurs et des délinquants. En effet, depuis quelques jours, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux dans lesquelles des individus supposés être des agresseurs ou des voleurs sont bastonnés, lynchés, ligotés ou traînés dans la boue par des groupes de personnes qui se font leur propre justice.
Et récemment sur la VDN vers Guédiawaye, un jeune motocycliste avait été assassiné par des agresseurs alors que son scooter était tombé en panne. Il s’est battu contre ces agresseurs et il a été poignardé et malheureusement pour lui, d’après ses proches, une voiture est passée sur lui. Ce qui a provoqué sa mort. Des amis et proches de la victime, noirs de colère, s’étaient manifestés dans une vidéo pour le venger.
Le premier élément est cet agresseur ligoté, attaché sur un poteau et lynché à mort par un groupe d’individus dans le quartier de Grand Yoff. D’après les explications, il aurait poignardé un jeune sur le cou et malheureusement, il a été interpellé. Pendant que certains le bastonnent, d’autres lui versent du sable, de l’eau et des ordures.
L’autre vidéo qui circule, c’est le jeune homme poursuivi par une foule de jeunes l’accusant de vol. Bastonné et lynché à mort, il va tomber en syncope après avoir reçu sur son crâne une brique de ciment de la part d’un jeune.
Un autre jeune interpellé par des gens au niveau de la Cité Keur Gorgui en train d’agresser des personnes en compagnie de deux autres. Filmé, ligoté et battu, l’agresseur, nez saignant, lâche les noms de ses acolytes.
En définitive, des citoyens développent le sentiment de n’être pas assez protégés par les forces de l’ordre et que les autorités n’auraient pas pris leurs responsabilités de garant de la sécurité des personnes et des biens.
A travers ces cas, Dakaractu est allé à la rencontre des citoyens sénégalais pour recueillir leur avis.
Mountaga Seck, la trentaine révolue, vêtue » d’une chemise de couleur bleue assortie d’un pantalon de couleur kaki estime que cette situation est devenue calomnieuse. Rencontré à quelques encablures du rond-point Mame Abdou de la Zone B, il trouve qu’il est temps que les gens se fassent justice eux même car, à son avis, l’Etat ne prend pas ses responsabilités pour éradiquer ces violences. « La seule issue est que la jeunesse reprenne les choses en main en organisant des comités de veille dans les quartiers. Mais, également, il faut sensibiliser les gens à alerter en cas de danger ou s’ils voient des faits suspects. Les délinquants sont toujours là, c’est à nous de faire face à ce phénomène », dit-il.
Sadiya Gueye, mère de famille, trouve que la vindicte populaire est très normale. « Nous sommes plus en sécurité. Il faut que la jeune fasse face à ces cas d’agressions répétitives. Parfois, j’ai peur de laisser mes enfants à la maison et d’aller au travail même avec les bonnes, je n’ai pas totalement confiance. C’est pourquoi, j’ai proposé à mon mari d’installer des caméras de surveillance pour veiller sur eux et la maison », a-t-elle laissé entendre.
A cet effet, il estime que la justice doit appliquer les sanctions dans toute leur rigueur pour éviter la justice privée à savoir la vindicte populaire. Enfin, l’acteur judiciaire laisse entendre que les gens pratiquent la vindicte populaire parce qu’ils ont peur pour leur sécurité.
Par ailleurs, le sociologue certifié en Psychologie, Dr Abdou Khadre Sanoko pense que cette situation est due à un ras-le-bol généralisé que les Sénégalais sont en train d’exprimer. « Les Sénégalais pensent qu’il y a une sorte d’impunité qui s’exprime par le non-achèvement d’un certain nombre de poursuites enclenché à l’endroit des auteurs de ce genre d’actes odieux. Comme nous pouvons le constater, on a l’impression que, malgré les arrestations, le phénomène ne recule pas. Tout au contraire, on note une montée incontrôlée de ce genre de pratique », a fait savoir Dr Sanoko.
Poursuivant son argumentaire, il souligne que les individus veulent s’approprier la garantie de leur propre sécurité en prenant à bras-le-corps ce problème de sécurité pour répondre œil pour œil et dent pour dent afin que ces malfaiteurs reculent. « Cependant, il faut préciser que le monopole de la violence légitime incombe à l’Etat. Et si la population continue de prendre cette problématique pour son propre compte, il peut y avoir des répercussions disproportionnées. Car seul l’Etat détient le mécanisme et les outils nécessaires pour apporter des réponses précises par rapport à cette question », dit-il. Ainsi, le sociologue soutient que cette situation s’explique par un désenchantement civil des citoyens.
Le désenchantement civil du citoyen
Selon le sociologue, il y a un désenchantement civil du citoyen. Il note que les citoyens ont tendance à défier l’autorité pour essayer de régler leur propre problème. Pour lui, cette situation est grave, car on ne peut pas se permettre de poser un certain nombre d’actes odieux pour se protéger du danger. « Dans cette société, on a une crise de l’empathie, c’est-à-dire le relationnel est relégué au second plan ».
Le paraître, un facteur de regain de la violence
Analysant la situation de la multiplication des violences, le sociologue laisse entendre que nous sommes dans une société où le paraître est tellement promu que chacun veut ressembler à l’autre dans le sens du nantissement, de la richesse et de l’épanouissement. Par-là, il estime que nous n’avons pas tous les mêmes destins. « Parfois, nous avons l’impression qu’on porte sur les épaules d’autrui, l’explication de notre échec ou de notre manque de réussite. Ce qui fait que des personnes ont envie de prendre leur revanche sur la société. Cela engendre un dérèglement de la société », analyse-t-il.
En ce qui concerne la sécurité des biens et des personnes, il mentionne qu’il y a une certaine défaillance de la politique sécuritaire. C’est la raison pour laquelle il faut établir des rapports beaucoup plus policés entre les populations et les forces de sécurité afin d’instaurer la dénonciation des malfrats et des déviants.
Cependant, la nécessité de repenser un système sécuritaire adéquat est de mise pour des mesures salutaires et correctives afin de maintenir l’ordre public.
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