[Dossier] « Seconde main » (1/3) : Plongée dans l’univers d’un business florissant
Le Sénégal n’en est pas encore à l’application Vinted qui est une plateforme pour vendre des articles qu’on n’utilise plus. Force est d’admettre que la vente en ligne tisse sa toile. Ce commerce est tiré vers le haut par la tendance des femmes à refuser de porter la même tenue à plusieurs reprises. La conséquence, elles vendent certains de leurs habits dans les groupes dédiés où elles en achètent d’autres. La force de ces nouveaux espaces de commerce, c’est la vente d’articles de valeur à des prix accessibles. Au Sénégal, la montée en puissance de la vente en ligne s’accompagne par l’émergence de nouvelles commerçantes.
La magie des nouvelles technologies aide à transformer des contraintes en opportunités. Désormais, on ne s’encombre plus avec les habits en déphasage avec sa taille encore moins avec des chaussures qui ne sont pas conformes avec sa pointure. Les détenteurs d’habits ou de chaussures de seconde main les vendent via les réseaux sociaux. Ces supports ont donné un coup de fouet à ce nouveau commerce. Tout le monde trouve son compte. Le détenteur s’en débarrasse avec un prix à la portée de l’acquéreur. Le flux d’interactions au sein d’un célèbre groupe Facebook dédié illustre qu’il y a un besoin sur ce marché. Chantal semble trouver son filon. Elle ne rate jamais l’occasion, à l’aide de son téléphone portable, de prendre des photos de ses articles avant de les partager sur la page. Lorsque nous avons visité sa page, ce sont des habits qui sont à l’honneur. Dans la publication, elle mentionne souvent les articles neufs et les dimensions.
Après quelques minutes de patience, les intéressées se manifestent. Ensuite Chantal envoie un livreur pour récupérer les articles et le tour est joué. Elle aide ainsi d’autres personnes à acheter à moindre prix des articles qu’elle n’utilise plus. Une façon de s’en débarrasser mais pas à ses pertes et profits.
«J’avais commencé par une télévision. Je n’avais plus besoin en 2020 et depuis c’est devenu un filon», avoue-t-elle. La jeune femme a même intégré d’autres groupes dédiés aux articles d’occasion. Elle juge que ce système de vente est bénéfique et avantageux. « Il me permet de vendre des choses dont je n’ai pas besoin et qui pourront toujours servir et vice-versa vu que j’achète également des choses là-bas», a fait savoir Chantal. Désormais, elle ne perd rien en achetant une tenue qui ne la colle pas à la peau ou encore des chaussures non sur mesure.
Mame Tabara Diène fait du vide-dressing depuis un an. Elle a connu cette pratique grâce à une amie. La femme de 27 ans a d’abord commencé à vider ses propres habits. «J’ai essuyé quelques remarques et je gagnais un peu de sous », relève cette commerçante. De file à aiguille, Mame Tabara Diène en fait une source de revenus. Elle empoche une commission sur chaque article vendu. Le montant de la commission est fonction du prix de vente.
«Je peux mettre en ligne quinze articles par jour. Si par exemple l’article n’a pas de preneur, je peux reposter cela et une fois vendu, je touche une commission entre 3.000FCFA, 5.000FCFA et 8.000FCFA», explique cette dernière qui juge cette pratique bénéfique.
Les administratrices surfent sur la vague
Le groupe Whatsapp dénommé «Vide tout» créé en août par Ndèye Sadio Coulibaly compte 200. C’est un espace de commerce du juste milieu. Des objets, des habits de valeur sont mis en vente pour résoudre le besoin d’avoir de l’argent pour en acheter d’autres. «Le but est de vendre des articles déjà portés et en bon état pour que d’autres personnes en profitent à moindre coût», a fait savoir Ndèye Sadio Coulibaly. Ce commerce est alimenté par cette tendance des femmes d’apparaître en public avec de nouvelles tenues ou à se rendre au travail avec des habits non déjà vus. « J’ai créé le groupe vide dressing parce que tout simplement pour aider les femmes à avoir de nouveaux habits. Elles n’aiment pas porter les mêmes habits », affirme Ndèye Sadio Coulibaly. Au sein de ce groupe, elle joue le rôle d’interface. Elle reçoit les articles qu’elle se charge d’afficher sur les réseaux sociaux. Les membres du groupe lui envoient les articles, les prix et la taille en privé. Elle se charge de publier dans le groupe et l’affiche via son statut Whatsapp. «Si la vendeuse trouve une acheteuse, je touche une commission de 10%.Cela me permet d’arrondir mes fins de mois étant moi-même commerçante», avoue-t-elle. Dans ce domaine, Rouguy Thiam s’est faite un nom. Celle qui explore le réseau social Instagram compte 14.000 abonnés sur sa page dénommée «vide dressing Dakar». L’étudiante a créé cet espace de commerce pour la mise en relation mais aussi pour se faire des sous. L’idée lui est venue en faisant du tri dans ses affaires. « La vie d’étudiante n’est pas facile tous les jours. J’ai dit pourquoi ne pas vendre quelques habits», confie la jeune femme âgée de plus d’une vingtaine d’années. Rouguy a donc ouvert cette page afin d’offrir la chance à tout le monde de gagner un peu d’argent mais également de pouvoir acheter des habits à des prix raisonnables.
Les reventes fonctionnent de manière simple. Les revendeurs lui envoient les photos de leurs articles, avec toutes les informations utiles .Si leurs articles sont en bon état, elle les poste sur la page. Si un client est intéressé, elle se charge du processus de livraison et l’envoi d’argent au revendeur. «Vidress se charge de tout. Le revendeur devra juste nous envoyer les informations nécessaires et être disponible», informe-t-elle.
Rouguy touche une «petite commission» après chaque service proposé. «Elle dépend des articles et de leurs prix», dit-elle sans plus de détails. Cependant la jeune fille confie s’en sortir grâce à ce filon.
Des économies pour les acheteuses
Cette boutique virtuelle offre un gain de temps et des économies. Ces espaces de vente des produits de qualité à bon prix sont une aubaine lorsque le pouvoir d’achat s’est fragilisé. Khoudia Diop qui voulait apparaître sous de nouvelles lignes et courbes lors du mariage d’une de ses amies s’est tirée d’affaires en sollicitant les services de ces nouveaux espaces d’échanges. Elle voulait un tissu qui coûtait 180.000FCFA pour une couture facturée à 50.000FCFA. «J’avais un budget qui ne permettait pas de couvrir cette charge et j’ai dû me tourner vers le groupe de vide-dressing», admet-elle. Khoudia a pu trouver dans ce groupe Facebook une tenue à vider à 50.000FCFA correspondant à ses goûts et couleurs. «J’étais vraiment comblée», avoue-t-elle avec un sourire en coin. Ce jour-là, la trentenaire a pu se faire plaisir grâce à son budget. Mais c’est loin d’être son coup d’essai. La femme de 33 ans est une habituée de ce groupe de seconde main. Une pratique qui ne la dérange aucunement. «Je suis toujours satisfaite vraiment parce que j’achète des articles de valeur à moindre coût», reconnaît-elle.
Djamila est étudiante en droit privé et membre active d’un groupe de vide-dressing. Elle avoue qu’elle y trouve des articles à des prix «étudiants». Elle se rappelle d’ailleurs très bien de son premier achat. « Je cherchais une perruque une fois et je n’en avais pas assez car celle que je voulais vaut entre 40.000FCFA et 45.00FCFA en magasin», débute-t-elle. La jeune fille se tourne alors vers le groupe et y poste l’annonce. Elle a finalement eu la réponse d’une dame et a acheté la perruque à 20.000FCFA. «La revendeuse a fait le soin et la coupe et on aurait dit qu’elle était neuve et était très jolie. J’étais très contente de cet achat», se remémore-t-elle. L’étudiante en droit privé juge cette pratique «bonne» malgré quelques déconvenues. «Il arrive parfois de recevoir un article qui n’est pas conforme à la photo ou abimé», relève-t-elle.
seneweb
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