LES VENDEURS DE PNEUS SE DÉFAUSSENT SUR LES TRANSPORTEURS
Le Sénégal est en deuil. Le pays a connu dans l’accident survenu dans la nuit de samedi à dimanche, sur la route de Kaffrine, faisant 39 morts dont 35 sur le coup et 100 blessés, l’un des plus lourds bilans meurtriers liés au transport routier. D’après les premiers éléments de l’enquête, l’éclatement d’un pneu serait à l’origine du grave accident de la circulation impliquant deux bus qui sont entrés en collision, à six km de Kaffrine. Un prétexte pour la rédaction de s’intéresser à la vente de pneus. Le reportage nous a menés à la Cité capverdienne, en face de la Grande Mosquée de Dakar, point de vente.
Le premier constat est le suivant : les vendeurs de pneus ne supportent pas d’être mis à l’index. « Est-ce qu’on peut être jugés responsables quand les transporteurs préfèrent acheter des pneus d’occasion ou de seconde main ? », fulmine Bala Mbaye, de teint noir et en tenue couleur treillis.
Notre interlocuteur de poursuivre : « Je peux vous dire que seules les sociétés achètent les pneus de qualité. Les transporteurs préfèrent les venants moyennant 60 000 à 70 000 F CFA. C’est eux qui doivent changer, je crois. D’autant plus qu’un pneu neuf garantit plus de sécurité. Pour les venants, on a trois choix. Mais, il y a des automobilistes qui achètent un véhicule à 50 millions F CFA mais au moment de choisir les pneus portent leur choix sur celui d’occasion cédé à 25 000 F CFA. C’est insensé. Mais, on en voit tous les jours ici. Certains ne pensent même pas à les changer alors qu’il faut le faire. »
« Il arrive qu’on se rende en Gambie pour s’en procurer »
Selon Khalil Fall, casquette vissée sur la tête, trouvé un peu plus loin, le tonnage compte aussi. « Un pneu supporte un poids précis. Il y a une limite à respecter. Ça aussi, il faut le dire, les transporteurs qui optent pour la facilité choisissent les pneus de mauvaise qualité alors que les pneus, c’est une chose à ne pas négliger. » D’autant plus qu’a-t-il souligné, interrogé sur le processus d’introduction du produit sur le marché, « des gens paient des millions pour s’en procurer en Europe. Après dédouanement, les containers sont déchargés un peu partout, à Pikine, Thiaroye, entre autres endroits. Il arrive même qu’on se rende en Gambie pour en acheter. »
« Il ne faut pas être grippe-sou au point de risquer sa vie »
Babacar Tall, trouvé devant son entrepôt un peu plus loin, décompte différents types et formats de pneus pour les bus. « On a des marques chinoises, d’autres qui viennent du Japon et d’Europe. » La précision faite, il emboîte le pas à nos premiers interlocuteurs, soutenant que « le problème est très simple : Je ne peux pas avoir un bus qui roule jusqu’en Casamance et pour acheter un pneu dire que ‘’je n’ai que 30 000 F CFA sur moi, 50 000 F CFA, ou 60 000 F CFA’’. On ne peut pas avoir un pneu de bonne qualité à ces prix-là. Ce n’est pas possible. Pour avoir un pneu neuf, il faut débourser plus. »
Il poursuit : « Il n’y a pas de pneu qui ne peut pas éclater. Ça, c’est sûr. Mais, il y a des précautions à prendre. Par exemple, je peux le jurer que nombre de vulcanisateurs ne savent pas le volume d’air à mettre. Un pneu respire comme nous. Ils choisissent de mettre jusqu’à 12 kg au lieu de 7,5 ou 8 kg. Entre Dakar et Thiès, il n’y a pas de problème. Mais si le bus doit quitter Dakar pour se rendre à Tambacounda, c’est autre chose. Il fait froid actuellement à Dakar mais avec la chaleur qui règne à Tambacounda, le pneu va se dilater. La quantité d’air va augmenter. Les fers à l’intérieur vont se tendre. D’où le risque d’éclatement. »
Il est plus sûr de choisir des pneus de première main, conseille-t-il, ajoutant que les qualités diffèrent là-aussi : « On peut acheter un pneu chinois à 160 000 F CFA. Le même pneu neuf venant du Japon s’échange à 260 000 F CFA, le même prix que celui venant d’Europe. Les particuliers aussi sont interpelés. Il ne s’agit pas que des transporteurs. Il ne faut pas être grippe-sou au point de risquer sa vie. L’âge du véhicule aussi compte. Là même un bon pneu ne sert à rien. »
Parmi les problèmes rencontrés, « il arrive qu’on vende à crédit des pneus neufs aux transporteurs mais ils remboursent rarement. Ils doivent sérieusement se remettre en question », dénonce Babacar Tall.
emedia
Les commentaires sont fermés.