L’ENFER DES SÉNÉGALAIS DANS LE DÉSERT NIGÉRIEN

À Assamaka, la détresse de milliers de Sénégalais expulsés d’Algérie est insoutenable. Jetés dans ce no man’s land brûlant après un périple éprouvant, ils sont livrés aux pires exactions. À Dakar, les autorités de l’État restent de marbre

Au poste-frontière nigérien d’Assamaka, à seulement 15 km de l’Algérie mais à 4 000 km de Dakar, des milliers de migrants sénégalais expulsés par les forces algériennes survivent dans des conditions inhumaines. Jetés dans le désert sans eau ni nourriture, certains portent les stigmates de violences subies selon leurs témoignages recueillis par Le Monde.

« Je voyais les gens tomber et mourir sous mes yeux, et j’étais impuissant », confie Mouhamadoul Makhtar Thiam, étudiant de 24 ans. Expulsé le 29 mars, il fait partie d’un groupe d’environ 150 Sénégalais bloqués à Assamaka après avoir parcouru 15 km sous un soleil brûlant. « On est coincés dans le désert, certains sont blessés, il y a urgence », alerte un compatriote.

Mohamed Diallo montre dans une vidéo les brûlures qui constellent ses bras et son torse, conséquences d’un « lynchage » selon M. Thiam. « Il est souffrant, on doit l’évacuer au plus vite », s’énerve ce dernier.

Pourtant, malgré l’émoi suscité par ces images insoutenables diffusées dans les médias sénégalais, le président Bassirou Diomaye Faye, son Premier ministre Ousmane Sonko et le secrétaire d’État chargé de la diaspora n’ont pas réagi publiquement. « On n’est pas dans l’émotionnel », commente une source gouvernementale.

« Il faut mettre en place une agence autonome pour avoir un réel accompagnement pour toutes ces personnes en détresse », plaide Boubacar Sèye, président de l’ONG Horizons sans frontières, dénonçant l’inaction des autorités.

Selon Le Monde, cette indifférence tranche avec la réactivité dont a fait preuve l’ex-président Macky Sall pour rapatrier rapidement des dizaines de Sénégalaisблоqués au Cap-Vert ou en Tunisie en 2023. Les autorités semblent aujourd’hui craindre de remuer l’opinion, choquée par les drames répétés de l’immigration clandestine vers les Canaries espagnoles qui ont vu débarquer un record de 32 000 migrants sénégalais cette année selon Madrid.

Pendant ce temps, le calvaire se poursuit à Assamaka où, d’après Médecins Sans Frontières, plus de 22 250 migrants subsahariens ont déjà été abandonnés par l’Algérie qui aurait également expulsé entre 7 000 et 9 000 autres personnes depuis janvier vers le Niger voisin, provoquant des tensions diplomatiques.

« Où est la rupture? Où est le changement promis? », s’insurge M. Thiam, qui accuse l’ancien régime de Macky Sall d’être à l’origine de son exode parsemé de 7 emprisonnements en Algérie. Alors que la Tabaski approche, lui et 140 autres jeunes de moins de 35 ans ont choisi le « rapatriement volontaire » par l’OIM, seule issue après des semaines d’enfer à ciel ouvert.

seneplus

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