Drame à la Centrale de Bargny : Un monte-charge a lâché sa charge de briques sur la tête d’un jeune de 21 ans

Une tragique scène s’est produite dans la Centrale à charbon de Bargny la nuit du vendredi 12 Juillet 2024. Une charge composée de briques d’un monte-charge s’est soudainement renversée et tomba directement sur la tête d’un jeune de 21 ans de Bargny Minam, employé par l’entreprise sous-traitante SIAM Group. Après plusieurs jours d’hospitalisation, le jeune a rendu l’âme, plongeant la communauté sous le choc.

La communauté de Bargny Minam est toujours dans l’émoi après la mort du jeune Mansour Diouf à la suite d’un accident de travail au niveau de la Centrale à charbon de Bargny. Un monte-charge, utilisé pour transporter des matériaux de construction dont des briques à travers les étages d’un bâtiment au niveau de la Centrale, a soudainement cédé sa charge entraînant une chute brutale sur la tête du jeune Mansour Diouf qui se trouvait en dessous. Le drame s’est déroulé devant six (6) jeunes de Bargny, tous journaliers de l’entreprise sous-traitant SIAM group.

Un d’entre eux, en l’occurrence D. Guèye, âgé de 19 ans a tenté de retracer le film du drame :  «Nous étions six jeunes à travailler dans la Centrale ce jour-là. Chacun exécutait la tâche qu’on lui avait confié. il était 22 heures. Soudain, j’ai entendu un bruit venu d’en haut. La lumière intense émises par des projecteurs placés au-dessus a fait qu’il était impossible de voir ce qui se passait. En quelques secondes, le Monte-charge a cédé son lourd fardeau sur la tête de Mansour qui se trouvait malheureusement sur sa trajectoire. Aussitôt il s’est évanoui. La scène était horrible ! Pris de panique, nous avons crié au secours. Un des responsables de l’entreprise du nom de Issa est arrivé pour s’enquérir de la situation. Il a fallu attendre plus de 30 mn pour voir l’ambulance arriver sur les lieux pour évacuer la victime à l’hôpital». Malheureusement, le jeune Mansour a succombé à ses blessures après 19 jours d’hospitalisation  à l’hôpital Dalal Jaam.

Le document du certificat à fin d’inhumations dont nous avons copies, mentionne clairement que « les conditions médico-légales ont établies que la mort était les résultats d’une complication neurologique et infectieuse d’un polytraumatisme contondant ».

Son père que nous avons rencontré était encore sous le choc.  Il a confié avoir pris contact avec les autorités de la Centrale, sans entrer dans les détails. Et d’ajouter : « Nous sommes en train de voir la conduite à tenir. Pour le moment, je ne peux rien dire de plus », conclut-il.

                           Traumatisme chez les jeunes employés

  La tragédie survenue à la centrale de Bargny a laissé des séquelles profondément traumatiques chez les jeunes employés et camarades de la victime. Ils ont rapporté avoir des difficultés à dormir, des réminiscences persistantes de l’accident, et une peur profonde de retourner sur le lieu de travail.

Un jeune journalier sous le couvert de l’anonymat explique : « Mes camarades et moi vivons des moments difficiles. Nous sommes traumatisés. Depuis ce jour, psychologiquement ça ne va. C’est comme si les images du drame me traversaient encore la tête. Je ne cesse d’y penser. Mes camarades me racontent la même chose. J’avoue qu’on a besoin d’assistance psychologique ». Son collègue d’ajouter :« Les conditions de travail dans l’usine sont très difficiles, nous n’avons jamais eu de formation pour exercer ce métier. Certes on nous a donnés des chaussures et des casques, mais on ne nous a pas parlés des mesures de sécurité. J’étais à mon 3ème jour de travail, je n’avais aucune expérience. Idem pour mon ami Mansour».

Embouchant la même trompette, D. Gueye déclare: «Nous n’avions pas d’assurance et pourtant nous travaillions la nuit avec tous les risques. Pire, on nous payait la maudite somme de 4000F au mieux 5000F». Une version confirmée par Adama Séne un jeune de Bargny qui a travaillé comme journalier au niveau de la centrale. « Les conditions de travail sont insupportables. Cet accident mortel du jeune Mansour, n’est que la goutte d’eau qui a fait débordé le vase. Il y a eu auparavant beaucoup d’accident au niveau de cette Centrale », confie-il.

                   Réaction de la Centrale, Omerta chez SIAM Group

Les responsables de la Centrale que nous avons saisies ont donné leur version des faits. Réagissant à notre questionnaire, ils expliquent : «la Compagnie d’Electricité du Sénégal (CES) avait choisi l’entreprise sous-traitante SIAM Group pour les travaux d’extension de son bâtiment administratif. Les travaux en question consistaient à rajouter deux paliers sur le bâtiment comprenant initialement deux niveaux.

Lors des travaux routiniers, il s’est produit un accident ayant entraîné l’hospitalisation d’un journalier pendant 19 jours avant qu’il ne succombe à ses blessures. L’accident s’est produit le vendredi 12 Juillet 2024 vers 21H30 lors des opérations de levage des briques. Pendant les opérations de manutention, le monte-charge s’est subitement renversé et la charge a touché un employé de SIAM qui essayait de se sauver suite à l’alerte de ses co-équipiers. Vu que le défunt était un employé de l’entreprise sous-traitante SIAM dans le cadre des travaux qui leur étaient confiés, l’accident n’engage pas la responsabilité de la CES». Pour ce qui est des dispositions sécuritaires, la CES déclare que « tout chantier en cours d’exécution sur le site de la Centrale obéit à certaines procédures sécuritaires. Ce faisant, la victime ainsi que ses autres co-équipiers portaient tous des EPIs (Equipement de Protection Individuelle). Le chantier de SIAM bénéficiait également d’une autorisation de travail délivrée après soumission et examen minutieux d’un plan de gestion de la sécurité par SIAM ».

Sur le plan médical, la Centrale déclare que « la CES avait instruit le Médecin Chef de sa Clinique de s’enquérir des conditions de traitement de la victime afin d’apprécier la pertinence de l’évacuer vers une meilleure structure de santé au sein du pays ou à l’étranger. Après investigations, le Médecin Chef avait conclu que le plateau médical de Dalal Jaam était approprié pour les soins dont la victime avait besoin. La CES a par la suite fait un suivi quotidien de l’état de santé de la victime. Après le décès, une délégation s’est rendue chez le défunt pour présenter les condoléances et remettre un soutien financier à la famille ».

Quid de l’entreprise sous-traitante SIAM group, employeur du défunt ? C’est l’omerta. Elle n’a pas donné suites à nos interpellations après plusieurs tentatives par téléphone et par mail.

    Des défenseurs de l’environnement pointent du doigt la Centrale et SIAM

 Cet accident tragique a fait sortir de ses gongs certains leaders de la société civile de Bargny, défenseurs de l’environnement. Ils dénoncent non seulement «cette nouvelle forme d’exploitation des jeunes par la Centrale et les entreprises sous-traitantes, mais aussi les conditions de sécurité jugées scandaleuses, sources de plusieurs accidents notées au niveau de la Centrale».

Le président de l’Association Solidarité ci sutura, Fadel Wade n’y est pas allé avec le dos de la cuillère et déclare : «Ces jeunes ne sont pas contents de la Centrale, ils vivent le calvaire et ils le font savoir chaque jour. Les entreprises sous-traitantes leurs font travailler dans des conditions déplorables. Il y a eu beaucoup d’accident au niveau de la centrale, on a vu et on a entendu. Nous avons aussi constaté beaucoup de problèmes chez les ouvriers. Certains jeunes qui travaillent dans les tas de charbons ont attrapé des maladies parce qu’ils ne disposaient pas de masques ». M. Fadel Wade déplore toutefois le fait que des jeunes, souvent des mineurs, puissent travailler sans sécurité, sans formation et sans assurance ».

Une enquête pour situer les responsabilités réclamée

Pour le président de l’Association Solidarité ci sutura, les responsabilités sont partagées : « Autant les entreprises sous-traitantes sont coupables, autant la centrale à sa part de responsabilité. Elle devait s’entourer de toutes les garanties pour que les normes de sécurités puissent être respectées ».

Abondant dans le même sens, la présidente de l’Association pour la valorisation de l’environnement et des côtes (AVEC) Ndeye Yacine Dieng ajoute : « Il y a eu beaucoup d’accidents dans cette Centrale à cause des conditions de travail difficiles. Les jeunes sont souvent exploités, malheureusement ils sont obligés d’y aller travailler à cause des difficultés économiques. C’est scandaleux ! Je pense qu’il nous faut adopter une stratégie pour faire face à la Centrale. Elle profite de la précarité, elle divise pour mieux régner ».

Compte tenu de tout ce qui s’est passé, ces défenseurs de l’environnement,  réclament  une enquête sérieuse pour situer les responsabilités.

Aujourd’hui la communauté de Bargny, déjà confrontée aux défis posés par la présence de la centrale à charbon, s’est retrouvée unie dans le deuil et à la quête de réponses. L’importance de la sécurité au travail et la préservation de la vie humaine dominent les conversations. Beaucoup espère que cette tragique perte ne sera pas vaine, mais mènera à des changements significatifs.

Par Jacques Ngor SARR

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