EXPLOITATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES ET GAZIÈRES: Des experts tracent les pistes d’une bonne gestion

Le Sénégal espère produire son premier baril de pétrole en 2021, des experts sénégalais se penchent sur la bonne formule pour mieux tirer profit de ces ressources en vue d’éviter la malédiction du pétrole et le syndrome hollandais.

Depuis l’annonce des découvertes de gaz et de pétrole au Sénégal, le débat sur les bonnes pratiques est lancé. Hier, l’Association sénégalaise pour le développement de l’énergie en Afrique (Asdea), en collaboration avec la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), a organisé une conférence sur les enjeux et perspectives de ces découvertes pétrolières et gazières au Sénégal. Introduisant le thème sur la gestion des revenus tirés du pétrole et du gaz sénégalais, Birame Diouf, ingénieur géologue-géophysicien et consultant international, a préconisé la mise en place de trois fonds : un fonds de développement national, un fonds de stabilisation économique et un fonds pour les générations futures. Dans son intervention, il a mis en avant quatre grandes catégories de pratiques de bonne gouvernance des ressources pétrolières : la définition claire des attributions et des responsabilités ; l’accès du public à l’information ; les règles de procédures applicables aux fonds liés aux ressources et la gestion des recettes et la transparence des procédures budgétaires. A ses yeux, il est important de définir clairement les attributions et les responsabilités de chacun ; rappelant qu’à la faveur de la révision constitutionnelle du 20 mars 2016 que « les ressources naturelles sont la propriété du peuple et elles sont utilisées pour améliorer ses conditions d’existence ». Il découle, d’après M. Diouf, de cette disposition que les procédures d’attribution des permis de recherche et d’exploitation (adjudications publiques ou de négociations directes avec les compagnies) doivent être ouvertes et transparentes, et les contrats portés à la connaissance du public.

L’accès du public à l’information
Puisque ces ressources appartiennent au peuple, le consultant international a insisté sur l’accès du public à l’information, soulignant que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) est un instrument incontournable. Il a soutenu que la divulgation et l’accès du public aux informations sur l’endettement associé aux ressources naturelles ainsi que tout nantissement de la production ultérieure de ces ressources ; les avoirs financiers détenus par l’État à l’intérieur comme à l’extérieur du pays tout comme l’épargne associée aux ressources ; les estimations de la valeur des actifs en ressources naturelles fondées sur le flux de revenus escomptés basés sur les hypothèses de productions physiques et de prix sur lesquelles elles s’appuient ; l’information sur les éléments de passif et les opérations quasi-budgétaires ; les risques associés aux recettes tirées de ressources notamment ceux ayant trait aux prix et aux passifs éventuels sans oublier les mesures prises pour y parer constituent des actes de bonne gouvernance des ressources naturelles.

Gestion décentralisée des recettes 
Un autre aspect sur lequel le conférencier a également insisté est la gestion décentralisée des recettes pétrolières. M. Diouf estime que les modes d’allocation de recettes entre l’administration centrale et les administrations infranationales doivent être clairement définies et conformes aux objectifs de politique budgétaire. «Dans certains pays, les administrations infranationales sont propriétaires des ressources naturelles. Dans d’autres, la constitution ou la loi exige le partage des ressources avec les administrations infranationales, obéissant ainsi souvent à des facteurs d’économie politique», a-t-il dit. Il a ajouté que la gestion des finances publiques et l’équité exigent, en général, qu’un système de transfert pour corriger les déséquilibres verticaux entre l’administration centrale et les administrations locales de même que les déséquilibres horizontaux dans les administrations locales provinciales. «Très souvent, les provinces sont responsables de près des trois quarts de la production pétrolière totale. Une situation semblable s’observe en Russie où les cinq régions les plus riches en pétrole ne renferment que 6 % de la population mais recueillent plus de 50 % de la part totale des recettes des ressources pétrolières attribuée aux administrations locales. Si les petits pays ont tendance à centraliser l’administration des recettes, les plus grands souvent dotés de structures fédérales utilisent des formules de répartition avec les administrations régionales ou locales (Colombie, Mexique, Indonésie, Nigéria, Russie, Vénézuela etc.)», a indiqué M. Diouf.

Birame Diouf estime que ces pratiques de bonne gouvernance des ressources pétrolières et gazières éviteraient au Sénégal la malédiction du pétrole synonyme de non performance des résultats économiques, d’instabilité politique et même de guerre et l’accaparement des revenus par une minorité ; et le syndrome hollandais qui se traduit par le déclin des autres secteurs d’activité associé à des tendances inflationnistes.

 

 

Le Soleil

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