BIGNONA : LE 8 MARS DANS LES CHAMPS AVEC LES FEMMES DE KABILINE 1

A Kabiline 1, un village situé dans le département de Bignona, les femmes vivent le 8 mars au quotidien, au rythme de leurs activités de maraîchage, qui donnent un contenu concret à la problématique de l’autonomisation des femmes dans cette partie de la région de Ziguicnhor.
A la sortie nord de Bignona, sur la route nationale numéro 5, seuls les multiples arrêts aux check-points de l’armée ralentissent l’allure des nombreux véhicules. Les vendeuses à la sauvette en profitent naturellement pour proposer toute une palette de fruits bien exposés dans des seaux ou soigneusement rangés sur des étals tout au long de la route. Des scènes ordinaires, qui se répètent à chaque arrêt sur la RN5.
A hauteur du village de Kawané, dans la commune de Djinaky, le village de Kabiline 1 s’annonce à deux kilomètres à l’ouest. Ici, une ambiance très calme régnait en cette fin de matinée du 8 mars, journée internationale de la femme, loin des réjouissances et des mobilisations en grande pompe qui caractérisent ailleurs les célébrations de cet événement.
 Rien de particulier, sinon ce groupe d’hommes, sous un grand manguier, et ces femmes, ustensiles à la main, se dirigeant vers des tabliers et vendeurs de légumes.
 Le sentier menant à Djéminine, un quartier isolé du village, est bordé d’arbres touffus. Des orangers dominent ce paysage fruitier dans lequel s’entremêlent papayers, mandariniers et différentes variétés de légumes.
Au milieu d’une forêt caractéristique de la Casamance naturelle, considérée comme le ’’grenier du Sénégal’’, en raison de ses potentialités agricoles, les femmes de Kabiline 1, sous l’encadrement d’une ONG espagnole, ont aménagé un périmètre maraîcher à Djéminine, un quartier du village. Elles y mènent une intense activité agricole.
 Les parcelles de tomates, les sillons de carottes, les rangées de choux et les tracées d’oignon et de gombo relèvent sur place d’un spectacle peu commun.
 Sous un soleil chaud, un groupe de femmes, portant des tee-shirts délavés ou des tenues en patchwork, procèdent à l’arrosage des parcelles, un dispositif de panneaux solaires facilitant le pompage de l’eau à partir de huit puits installés dans des endroits différents.
Fatou Sonko, portant deux arrosoirs remplis d’eau, est toute mouillée. Les traces de sueur sur son front se mélangent aux gouttelettes d’eau qui lui retombent dessus, autour d’un puits doté d’un dispositif de pompage.
 « C’est devenu notre quotidien. Ce travail a changé notre vie. Nous devenons de plus en plus autonomes. Pour nous, chaque jour est un +8 mars+, si cette date symbolise l’autonomisation des femmes ou leur quête d’une vie meilleure », lance Fatou Sonko, qui a fini de déverser le contenu de ses arrosoirs sur une parcelle d’oignons.
Au même moment, d’autres femmes s’affairent à l’arrosage des parcelles, le reste de la troupe occupé à cueillir des tomates déjà mûres dans l’autre coin du périmètre maraîcher. En un temps record, des seaux et des bassines sont remplis de légumes.
« C’est notre +8 mars+ à nous. Nous nous activons tous les jours dans la brousse pour subvenir aux besoins de nos familles. Toutes les charges familiales reviennent aux femmes membres de notre association », renchérit Ndèye Fanta Mary, secrétaire générale du GIE des femmes de Kabiline 1, qui exploite ce périmètre maraîcher.
 « Les hommes ne donnent plus la dépense quotidienne. Nous utilisons une partie de nos légumes pour préparer nos repas. Avec nos bénéfices, nous complétons la dépense quotidienne et prenons en charge nos enfants sur le plan sanitaire et scolaire », poursuit Mme Mary, portant un seau rempli de tomates.
En un laps de temps, un marché de légumes se tient sous un grand manguier à un jet de pierre du potager. Des bassines et des seaux remplis de tomates et de carottes, les deux seules variétés en cours de récolte, visibles un peu partout.
 « L’aspect commercial est pris en compte dans ce projet. Les femmes cultivent des légumes mais aussi elles en vendent. 80% de la production sont destinés à la commercialisation. Les 20% à la nourriture pour renforcer la résilience et lutter contre l’insécurité alimentaire », explique Adela Gonzalez, coordonnatrice extérieure de Manos Unidas, l’ONG espagnole qui accompagne ces femmes de Kabiline 1.
Mais l’absence de pistes de production pouvant relier Kabiline 1 à la RN5, soit deux kilomètres, rend difficile la commercialisation.
 « Nous écoulons nos produits dans les villages environnants jusqu’à la frontière gambienne, en portant nos bassines et nos seaux sur nos têtes. Nous n’avons ni pistes encore moins un véhicule pour nous faciliter la tâche », regrette Fatou Sonko, présidente du GIE des femmes.
« Nous maîtrisons les techniques culturales. Nous avons subi des sessions de formation pour cela. Même si les Espagnoles se retiraient, nous saurions comment continuer le projet », assure Mme Sonko dont les membres du GIE ont été alphabétisées en langue nationale diola, une des principales ethnies de la zone.
Tous les matins, à l’heure où les femmes s’activent dans le périmètre maraîcher, des hommes se déplacent très souvent assister et admirer les dames. « Nous sommes gâtés. Nous ne nous occupons presque plus de rien. Les femmes font tout à notre place. Elles cultivent, elles vendent, elles prennent en charge les enfants sur le plan sanitaire et sur le plan scolaire », souligne Landing Mary.
« Même moi je me sens requinqué parce que je mange bio. Les femmes n’utilisent aucun engrais chimique dans leurs parcelles maraîchères. Je suis âgé, mais je me sens tellement en forme que je voudrais prendre une seconde épouse. Mais ce ne serait pas faire honneur à ma femme qui fait tout pour moi », ironise M. Mary, dont la femme travaille dans ce périmètre maraîcher.
L’ONG Manos Unidas, qui accompagne ces femmes, appuie financièrement plus de 30 périmètres maraîchers, 41 jardins familiaux, ainsi que 11 unités d’élevage pour un montant de 1, 67 milliard de francs CFA, selon son coordonnateur local Joseph Gimenez.
APS

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