LIBRES ECHANGES AVEC… Papa Modou Ndiaye, Dg du Fera : « Nous pensons étendre le péage à d’autres routes ».

Dans la politique nationale de création des infrastructures, la maintenance et la réhabilitation des routes ne semble pas une priorité, si l’on en juge par le peu de moyens qui sont consacrés au Fera. Papa Modou Ndiaye, l’Administrateur Directeur général de cette structure, explique ici quels mécanismes il a été obligé de mettre en œuvre pour combler son budget, et ce qu’il veut en faire.

Pouvez-vous revenir sur le rôle et les missions du Fera ?

Le Fera (Fonds d’entretien routier autonome) est l’instrument de financement de l’Etat du Sénégal, de l’entretien et l’exploitation du réseau routier. Il a été mis en place en 2007 par décret, et a commencé à fonctionner en 2009. Le Fera à deux missions essentielles, la première, collecter toutes les ressources nécessaires à l’entretien du réseau routier, que ce soit le réseau classé ou le réseau non classé. La deuxième mission est de s’assurer qu’une fois ces ressources colletées, que l’argent est utilisé de façon claire et transparente.

Depuis lors, quelles ont été les réalisations du Fera ?

Je suis arrivé au Fera en 2016, il y a 2 ans maintenant. Je dois revenir un peu en arrière, sur l’historique des réalisations du Fera. Avant la mise en place du Fera, les ressources affectées à l’entretien du réseau routier étaient insuffisantes. Avant que le Fonds ne démarre, en 2009, les fonds alloués à l’entretien routier tournaient autour de 15 milliards par an, au maximum. Aujourd’hui, pour 2018, notre budget, en termes de ressources nouvelles, est de 60 milliards de francs Cfa. Avec l’augmentation des ressources allouées à l’entretien, le réseau est devenu de meilleure qualité. En 2009-2010, le réseau de bonne qualité ou de qualité moyenne, était de l’ordre de 55%. Aujourd’hui, le réseau qu’on peut considérer comme de qualité assez acceptable, tourne autour de 85%, pour le réseau bitumé. Le réseau non revêtu est de proportion un peu plus faible, mais a quand même beaucoup évolué, parce qu’avant la mise en place du Fera, la qualité était autour de 40%, contre environ 60% aujourd’hui. C’est dire donc que non seulement le Fonds a permis d’augmenter les ressources consacrées à l’entretien du réseau routier, mais il a aussi permis d’améliorer la qualité du réseau.

Les compétences du Fera s’étendent-elles sur l’ensemble du territoire national ?

En termes d’entretien et d’exploitation, le Fera intervient sur toute l’étendue du territoire national. Nous appelons réseau classé, celui qui est géré par l’Ageroute, l’agence d’exécution des travaux et de gestion des routes, qui a la charge de la maîtrise d’ouvrage de tout le réseau classé. Mais le Fera intervient aussi sur le réseau non classé, qui est du ressort des collectivités locales. Le Fera est aujourd’hui le seul instrument utilisé par l’Etat du Sénégal, pour financer aussi bien l’entretien que l’exploitation du réseau routier. J’insiste sur ce terme d’exploitation parce qu’au-delà de l’entretien physique que l’on peut voir, nous finançons aussi beaucoup d’activités liées à la sécurité routière, ainsi qu’à la gestion des bacs. Vous savez que dans certaines zones du pays, notamment au Nord, il y a toujours des bacs qui permettent aux populations de traverser. Et l’entretien et l’exploitation de ces bacs sont financés par le Fera, qui s’occupe aussi de tout ce qui est lié à la charge à l’essieu. La Direction des routes, qui s’occupe de tous les postes de pesage qui existent à travers le pays, est financée à travers le Fera. Une fois que la route est construite ou réhabilité, tous les travaux qui peuvent se faire après, sont éligibles au Fonds.

Vous semblez vous féliciter de cette augmentation du budget du Fera, pourtant à entendre énumérer toutes les missions du Fera, ce montant ne pourrait pas suffire.

Il est clair que les besoins sont supérieurs à ce qui est disponible. Nos besoins en financement aujourd’hui sont de l’ordre de 70 milliards, et parfois même d’un peu plus, alors que notre budget est de 60 milliards.

Néanmoins, beaucoup d’efforts ont été faits, pour améliorer les recettes, ainsi que pour les pérenniser. Avant la mise en place du Fonds, les ressources venaient le plus souvent du budget de l’Etat. Mais aujourd’hui, une partie de nos ressources est hors budget de l’Etat et provient de ressources sûres que nous pouvons mobiliser. Ainsi, l’année dernière, avec l’appui de quelques banques, le Fonds a pu lever sur le marché national, 102,5 milliards, ce qui nous a permis de financer notre budget de 2017, et une partie de celui de 2018.

D’ailleurs, nous venons de finaliser une importante stratégie, que nous appelons la Stratégie de financement de l’Entretien, qui a été approuvée par notre Conseil d’administration, et par les autorités, et nous permettra d’élargir l’assiette des ressources du Fera et d’assurer le financement de l’entretien ; avec les collectivités locales et des structures comme l’Ageroute.

Comment se déroulent vos interventions au niveau des collectivités locales ?

Le Fonds a commencé depuis l’année dernière, à financer l’entretien du réseau non classé. Notre Conseil d’administration a accepté de mettre à disposition environ 5% de notre budget. En 2017, on a alloué environ 3 milliards aux communes. Avant 2017, les interventions se faisaient à travers l’Ageroute parce qu’on s’est rendu compte que les communes n’avaient souvent pas assez de capacités. Mais ma philosophie est qu’il fallait les doter de ces capacités. C’est pour cela qu’on a mis en place ce système. On appuie les communes par le recrutement des consultants, qui les aident un peu dans leur rôle de maîtres d’ouvrage. On les forme sur les questions de passation de marchés, de gestion de contrats, pour qu’elles soient en mesure de lancer d’elles-mêmes tout le processus, recruter les entreprises et suivre les travaux. Cette politique a encore été acceptée par le Conseil d’administration en 2018 et on a encore mis en place un peu plus de 3,5 milliards pour appuyer les communes.

L’un des plus gros problèmes auxquels vous devez faire face est celui de la maintenance. On voit dans certaines voies, les gros camions surchargés, dont on dit qu’ils sont à la base de la dégradation des routes.

Quels moyens d’intervention a le Fonds contre cela ?

La mission principale du Fera est de financer l’entretien, donc la maintenance. Les dégradations que causent les camions sont les plus importantes causes au niveau national. C’est pour cela que l’Etat a signé une convention avec une société appelée Afrique Pesage, pour faire appliquer le Règlement 14. C’est une convention signée par tous les pays de l’Uemoa depuis 2005, et qui souligne que les camions ne doivent pas dépasser un certain poids, ce que l’on appelle la charge à l’essieu. Aux postes de pesage, les camions qui dépassent les charges autorisées sont soumis à une taxe. Dans la convention, une partie de la taxe revient à l’Etat du Sénégal, et l’autre est gardée par la société concessionnaire, qui a en charge la construction de ces postes de pesage. Je dois souligner que pour nous, l’objectif n’est pas de collecter la taxe, mais d’empêcher la surcharge. Car les camions en surcharge détruisent bien plus que ce qu’ils ne paient. Et dans les discussions de l’Etat et du Fera, à travers la Direction des routes, que nous finançons, avec les camionneurs, consistent à leur demander de ne pas dégrader la route, en évitant les surcharges.

Tous les pays de l’Uemoa respectent-ils le Règlement 14 ?

Tous les pays le mettent en œuvre, mais aucun ne l’applique intégralement, y compris le Sénégal. Pourquoi ne pouvons-nous être le seul pays à l’appliquer ? On remarque que les camions les plus chargés sont ceux qui vont vers le Mali. Or, le Port de Dakar et celui d’Abidjan sont en compétition sur le fret malien. Les Maliens ont la possibilité de venir au Port de Dakar ou de se faire décharger en Côte d’Ivoire. Le Sénégal n’a donc pas d’intérêt à l’appliquer, si le Règlement n’est pas appliqué en même temps de l’autre côté. C’est pour cela que les différents pays discutent pour avoir une application concomitante.

Vous dites avoir pu récoler 102,5 milliards de francs CFA à travers les banques. Est-ce ce modèle que vous comptez renforcer pour boucler votre budget, à l’avenir ?

C’est une question d’opportunité. On l’a rappelé, les besoins de financement de l’entretien routier, sont beaucoup plus importants que ce qui est disponible. Et jusqu’avant que l’on ne fasse cette opération, le Fera avait essentiellement deux sources de financement. Il y a d’abord la taxe d’usage de la route, une taxe sur les produits pétroliers, qui était une taxe parafiscale et dont une partie est reversée au Fera, et il y a la contrepartie de l’Etat dans le Budget consolidé d’investissement. Ces deux montants ne suffisaient pas. L’objectif pour nous est de faire que l’usager soit le payeur. C’est pour cela que le Fera a entrepris de mettre en place une stratégie de financement, dont la première étape était d’aller vers les banques commerciales. Avec l’opportunité d’avoir une taxe pérenne, nous l’avons utilisée pour lever des fonds. 6 banques étaient intéressées par l’opération, et nous avons pu lever ce montant, qui est assez important. En dehors de l’Etat, je ne pense pas qu’il y ait une institution qui ait pu, sur ses ressources propres, lever pareille somme en une seule fois.

Quelle est l’autre stratégie de collecte de fonds ?

Nous mettons en place un système pour aller vers l’international, et dans cet ordre, nous avons entrepris d’améliorer notre système de gestion. Car les bailleurs de fonds s’intéressent beaucoup au mode de gestion de la structure. Et nous sommes en train de chercher à obtenir une certification Iso 9001 version 2015, pour prouver que les procédures du Fera sont claires, identifiées et certifiées. Et l’avantage d’aller sur le marché international, c’est de pouvoir récolter des ressources à long terme et à des taux concessionnels.

L’autre stratégie de collecte de fonds concerne la question du péage routier et autoroutier. Nous sommes en train de voir quelles routes pourraient faire l’objet de péage. Bien sûr, on a besoin de discuter avec l’ensemble des acteurs, pour nous assurer que c’est un bon choix, et si on parvient à le faire, parvenir à offrir aux usagers un certain nombre de services. Parce que quand on emprunte une route qui est sous péage, on a des attentes.

On veut que la route soit accessible toute l’année, qu’elle n’ait pas de nids de poule. C’est quelque chose que certains pays de la sous-région ont entamé. Mais la question est que l’on ne peut mettre une route sous péage si l’on n’offre pas d’alternative que les populations peuvent l’emprunter sans avoir à payer.

L’Etat du Sénégal est en train de renégocier le contrat de concession de l’autoroute à péage. Etes-vous partie prenante à cette renégociation ?

En tant qu’entité du ministère des Infrastructures, nous sommes partie prenante. Mais vous avez parlé de concession, et c’est un modèle de Partenariat public-privé. Le péage dont je parle moi, c’est pour les routes qui ne sont pas en concession.

source; Le Quotidien

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