Le transfert de comportement comme moyen d’amélioration de la qualité des services de santé; Par Dr Clément Diarga BASSE

Le Sénégal s’est inscrit, depuis plusieurs années dans une optique d’extension de l’offre des services de santé et d’amélioration de leur qualité. A ce titre, des progrès notables sont soulignés dans divers domaines telles que l’acquisition de nouvelles infrastructures, la formation du personnel, la disponibilité des intrants pharmaceutiques etc. Malgré ces progrès, il reste que la qualité de l’offre de service traine encore des défaillances et fait fréquemment d’ailleurs l’objet des sujets d’actualités. Entre autres sources d’insatisfactions il est possible de citer l’accueil, le suivi, la motivation, le sens de la responsabilité, la conscience professionnelle, le professionnalisme, la disponibilité, l’honnêteté, le sérieux, la rigueur, la compassion, le respect, la courtoisie etc.

Ces imperfections ont généralement une cause unique, le comportement des acteurs du système de santé et expliquent la nécessité de mettre l’accent désormais sur le savoir être au détriment du savoir et du savoir-faire.

Ce développement du savoir-être ne saurait se faire à travers les méthodes classiques de transfert de connaissances et de transfert de compétences qui ont fini de montrer leurs limites. Les investissements habituels pour l’amélioration du système de santé devraient emprunter la voie du « transfert de comportement ».

Il est important de développer de nouveaux modes d’interaction et de développement de comportement et de s’engager mutuellement à la construction d’une culture d’apprentissage interactive.

Miser sur des approches innovantes pouvant renforcer et élargir la pratique d’un comportement vertueux est essentiel et c’est tout le sens du transfert de comportement entre pairs.

L’expérimentation de cette méthode est d’autant plus justifiée au Sénégal car aucun des  documents stratégiques tels le Plan National de Développement Sanitaire (PNDS)  2009 – 2018 et le Plan d’Investissement Sectoriel (PIS) 2017-2022  n’y fait référence.

Selon Albert Einstein  « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » John Maxwell l’a repris des dizaines d’années plus tard en disant « Si vous continuez à faire ce que vous avez toujours fait, vous obtiendrez encore ce que vous avez toujours obtenu. ».

S’il faut agir dans le système pour améliorer les déterminants de la performance (motivation, satisfaction du personnel, climat de travail, organisation du travail etc.), il faudrait renforcer l’échange d’expertise entre personnel de santé en utilisant le « transfert de comportement » entre pairs.

En pratique, le transfert de comportement se rapprocherait du leadership transformationnel, il se fait en créant des espaces de travail en commun et de collaboration entre le détenteur de savoir-être et le ou les bénéficiaires du transfert en vue de renforcer le leadership porteur de bonnes performances.

Il faudrait dès lors se demander quelles sont les bonnes attitudes, les bonnes manières de faire, de se comporter, d’interagir qui sont porteuses d’une amélioration des performances du système de santé ; les conceptualiser et les véhiculer à travers des méthodes connues tel que le mentorat, le coaching et le tutorat, dans une démarche itérative et long-termiste.

A titre illustratif, l’USAID avait financé un projet nommé Leadership Management et Gouvernance (LMG) et l’une de ses activités phares était le Leadership Development Plan (LDP). Il s’agit d’une formation implémentée par Management Science for Health (MSH) avec une version améliorée comportant une dimension coaching et rebaptisée LDP+. Cette innovation de MSH testée au Nicaragua, au Nigeria, et en Tanzanie a bénéficié d’un passage précipité à l’échelle en raison d’une atteinte précoce des résultats attendus. Ainsi, ce projet a contribué à une amélioration dans le changement de comportement des acteurs du système de santé mais aussi dans la prestation des services de santé en augmentant la motivation du personnel, la collaboration et le travail d’équipe. Ce qui à son tour les a aidés à relever plus efficacement leurs défis professionnels.

Cet exemple démontre que le transfert de comportement a fait ses preuves et peut être expérimenté par les pays qui veulent accélérer le pas en matière de renforcement de la qualité de l’offre de services de santé.

Ce transfert de comportement entre personnel de santé entrainera, à travers l’impulsion de valeurs positives, une réduction des disparités de performances au sein du système. Il s’en suivrait alors une amélioration de la qualité de l’offre de service.

Par Dr Clément Diarga BASSE;

Spécialiste en santé publique et santé au travail

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