interview: Mimi Touré règle ses comptes et assène ses vérités

Les opposants arrêtés lors du sit-in avorté de l’opposition ont beaucoup râlé dans les médias et clouer au pilori le régime de Macky Sall. Prétexte pour iGFM d’interroger l’ancien Premier ministre, Aminata Touré, pour recueillir son avis sur l’arrêté Ousmane Ngom attaqué de toutes parts par la société civile et les opposants. Mimi Touré, par ailleurs coordonnatrice nationale du parrainage de « Benno Bokk Yaakar », répond à ceux qui accusent le régime d’instaurer une dictature. L’ex PM assène ses certitudes et règle ses comptes dans une interview exclusive avec IGFM.

«Au Sénégal, on fait la confusion entre démocratie et anarchie»

Après le sit-in avorté de l’opposition, beaucoup d’hommes épris de liberté estiment que le Sénégal est en train de reculer sur le plan de la démocratie. Le Sénégal a-t-il si changé ? 

Le Sénégal est à la pointe de la démocratie en Afrique. C’est un fait indéniable. J’ai dirigé de nombreuses missions d’observation d’élections et les éléments concrets de comparaison sont là. Je suis également une militante active des droits humains. Même si la réalisation des droits humains est une œuvre toujours perfectible, ici chez nous, pour qui veut être objectif, il faut reconnaître que  nous sommes le pays de référence sur le continent. C’est le fruit de la lutte de plusieurs générations d’hommes et de femmes engagés. Seulement, parfois, on fait la confusion entre démocratie, droits humains et anarchie. Par exemple, il y’a peu de pays dans le monde où on peut insulter le Président et dormir le même soir tranquillement dans son lit. Très peu. Il faut d’ailleurs que cela change car la désacralisation de nos institutions est un risque pour leur pérennisation. Sans vantardise aucune, je peux dire que nous n’avons aucun complexe à avoir vis à vis des  grandes démocraties. Seulement il ne faut pas s’y tromper, démocratie ne veut pas dire désordre permanent. On ne peut pas autoriser des manifestions politiques tous les jours. Sinon, quand est-ce qu’on va travailler pour se développer, alors? Le Sénégal n’appartient pas qu’aux politiciens quand même.  Je crois profondément aux vertus de la démocratie, mais aussi à celles de l’ordre et de la discipline. Il faut que l’opposition soit aussi raisonnable. Elle ne peut pas chercher à créer artificiellement et coûte que coûte une tension ou un rapport de force qui n’existe pas sur le terrain. Et elle le sait pertinemment. Elle a déserté le terrain depuis longtemps et s’en rend bien compte aujourd’hui qu’il faut retourner voir les citoyens qui les ont beaucoup entendu dans les médias, mais les ont très peu vu à leur côté avec des propositions alternatives. Par exemple, le candidat déclaré du PDS, Karim Wade fait du militantisme épistolaire depuis 3 ans à  Doha, à 10.000 km  de nos villes et villages.

Dans une interview accordée à iGFM, le Président de la « république des valeurs », Thierno Alassane Sall, considère que Macky Sall est le premier à violer la loi en refusant de leur donner accès au fichier électoral, partagez-vous cet avis?

Il faut d’abord lire ce que dit le code électoral en matière de mise à disposition du fichier électoral. Ce qu’il dit est très clair : son article L 11 dispose en son 7ème alinéa que «la mise à  disposition du fichier électoral en format papier et électronique est remis aux candidats 15 jours avant le scrutin ». Lequel fichier électoral, je rappelle, contient des informations personnelles importantes sur les citoyens. Il existe quand même un dispositif de protection des données personnelles. Ces informations ne peuvent pas être mises entre les mains de la centaine de candidats à la candidature qui s’est signalée!  Le fichier sera donc remis aux candidats qui auront effectivement rempli les conditions fixées par le Code électoral 15 jours avant le scrutin. C’est ce que dit la loi. Ceci, l’opposition qui compte en son sein des politiciens aguerris le sait bien. Mais pour elle, tout est bon pour essayer de discréditer le processus électoral avec le but inavoué d’expliquer plus tard sa déroute électorale. Mais, nous tâcherons d’éclairer constamment la lanterne de nos citoyens qui d’ailleurs ne sont pas dupes et comprennent toutes ces manœuvres.

«Ce que je pense de la candidature de Aïssata Tall Sall»

Il est dit également que vous avez été avec le Président Macky Sall contre l’arrêté Ousmane Ngom, et que ce serait un recul moral de votre part d’encourager cet arrêté ? 

Comparaison est rarement raison. En 2012, le Président Abdoulaye Wade voulait transformer notre république en monarchie en essayant de se faire succéder par son fils Karim Wade. Les sénégalais se sont soulevés légitimement contre sa tentative de forfait et il a dû retirer son projet de loi. Aujourd’hui, le principal parti de l’opposition, son parti, le Pds, n’a pas de candidat et veut en faire un motif de tension et de perturbation de la quiétude des citoyens. Vous savez bien qu’on ne peut pas comparer les deux situations. D’ailleurs, je trouve dommage qu’un parti historique comme le Parti Démocratique Sénégalais en soit réduit à ne pas trouver de candidat autre que Karim Wade condamné par la Justice sénégalaise et inéligible. N’y a-t-il donc pas d’autre personnalité en son sein qui soit capable de le représenter à une élection aussi importante que l’élection présidentielle? Après la tentative avortée de monarchisation de nos institutions, le fondateur du PDS, Me Abdoulaye Wade, est en passe de réussir la monarchisation de son propre parti.

Que pensez-vous de la candidature de Aïssata Tall Sall ? Est-ce que vous la prenez au sérieux ?

L’honorable député Aïssata Sall est une femme qui se bat  dans l’arène politique depuis longtemps avec détermination. Je n’ai que du respect pour elle. J’aurais bien aimé qu’on puisse travailler ensemble dans la coalition présidentielle car nous de BBY et Madame la mairesse de Podor n’avons pas de divergence fondamentale et elle serait d’un bon apport. Mais chacun choisit sa voie en fonction de ses propres analyses. En tout état de cause, c’est une femme de qualité, une incarnation positive du leadership féminin.

«Khalifa et Karim ont joué avec l’argent public et ont perdu»

Que répondez-vous à  ceux qui accusent le Président d’écarter ses adversaires politiques, Karim Wade et Khalifa Sall ? Le Président aurait-il des problèmes les « K »?

C’est un argument facile, repris d’ailleurs partout dans le monde. Pas loin de nous, en France François Fillon a tenu le même langage,  le Président Sarkozy aussi, de même que la Présidente de Corée et l’ancien maire de Montréal  Codère,  battu il y’a quelques mois et qui pensait nous donner des leçons.  Soyons clairs : il est impossible de fabriquer des faits de détournement de deniers publics, de fausses factures et d’enrichissement illicites quand ils n’existent pas. C’est tout simplement impossible. Les «K», comme vous les appelez ont joué  avec l’argent public et ils ont perdu. C’est une leçon pour tous les politiciens de A à Z, ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Autrement dit, ne pas toucher à l’argent public  si on veut éviter le Procureur, les Procès et la Prison. Ceci étant dit, je rappelle que quand le candidat Macky Sall battait le Président Abdoulaye Wade en 2012, Karim Wade  était bien avec son père, n’est-ce pas? Khalifa Sall en 2016 a été battu jusque dans son bureau de vote au référendum alors qu’il dirigeait la campagne du «Non» à Dakar. Il a été battu à nouveau aux législatives de l’an dernier où sa liste n’a eu que 388.188  voix  y comprises celles du Sieur Idrissa Seck, d’ailleurs.  Contre 1.637.761 voix de Benno Bokk Yaakaar. Si peur il y’a, elle ne peut pas être de notre camp.   Les rapports de forces sont connus. Néanmoins, nous n’avons pas la grosse tête, nous ne sommes pas arrogants et ne fanfaronnons pas, nous restons humbles au vu du chemin qui reste à parcourir pour notre pays. Mais nous sommes tout aussi déterminés à défendre le très bon travail réalisé par notre candidat en 7 ans et cela a été régulièrement reconnu par les électeurs durant les 4 scrutins qui ont suivi l’élection du Président Macky Sall.

Farba Ngom exige d’envoyer en prison les candidats à la candidature qui n’auraient pas atteint 20 000 signatures. Souscrivez-vous à cette idée?

Le député Farba Ngom faisait de l’animation à son meeting. Bien évidemment,  il plaisantait et tout le monde en a ri d’ailleurs.  Plus sérieusement, la question qu’il pose en filigrane et qui est légitime c’est celle des garde-fous à mettre en place pour que notre démocratie ne soit pas sabotée sciemment par des individus qui cherchent à la discréditer. Et le parrainage est un bon filtre en la matière.

Comment se passe le parrainage au sein de la coalition Benno Bokk Yaakar ?

Cela se passe bien. Sans tambour ni trompette, les responsables, militants de Benno Yaakaar et sympathisants du Président Macky Sall sont sur le terrain. Ils vont à la rencontre de nos citoyens pour partager avec eux le bilan largement positif du Président en vue de solliciter leur parrainage pour qu’il puisse consolider et élargir les programmes qu’il a mis en œuvre depuis 2012. Notamment, pour poursuivre son approche autour du triptyque croissance économique-politique sociale inclusive- gouvernance améliorée. Le Plan Sénégal Émergent reposant sur une stratégie à triple détente s’est matérialisé autour d’investissements infrastructurels importants et de promotion des ressources humaines pour améliorer notre productivité avec un accompagnement technique et financier des secteurs économiques comme l’agriculture, la pêche et l’artisanat. Le deuxième pilier du PSE s’est concrétisé à travers des programmes sociaux avant-gardistes de mise à niveau de nos compatriotes les plus démunis notamment à travers le PUDC , PUMA et la CMU  mais aussi la DER avec l’objectif  de réduire significativement les inégalités sociales dans notre pays et de donner aux jeunes et aux femmes les moyens de leur propre autonomie. Et le troisième volet  a mis l’accent sur la gouvernance améliorée des ressources publiques, condition préalable à l’atteinte des objectifs d’émergence. Nous expliquons tout ceci de manière pédagogique et accessible à toutes les catégories socio-professionnelles, aux femmes, aux jeunes et aux moins jeunes partout dans le pays avec de nombreuses preuves à l’appui. Car le bilan du Président Macky Sall se voit, se touche et même se mange si on considère la maîtrise des prix du panier de la ménagère sur les six dernières années et l’amélioration importante de notre production agricole, que ce soit l’arachide, le riz ou l’horticulture.

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