Télécoms : pourquoi les données mobiles sont plus chères en Afrique

En Afrique, les internautes paient les données mobiles plus cher qu’ailleurs. Les disparités de tarifs de l’internet mobile sont abyssales, atteignant jusqu’à plus de 30 euros pour un giga en Guinée équatoriale. Outre le niveau d’infrastructures, c’est aussi le manque de concurrence qui est en cause, selon deux études parues en septembre. Analyse.

Le prix médian d’un giga de données mobiles s’élève à plus de 7 dollars (5,96 euros) en Afrique subsaharienne, là où il est de 3,5 euros au sein de l’Union européenne. Et, alors que les Nations unies fixent pour objectif de parvenir à un coût du giga inférieur à 2 % du revenu mensuel par habitant, il est actuellement de 8,8 % sur le continent…

Le constat dressé l’analyse publiée le 10 septembre dernier par Ecobank est sans appel. En valeur absolue, les tarifs pratiqués par les opérateurs du continent sont très élevés. En outre, ce prix médian déjà élevé cache des disparités abyssales, avec un pic en Guinée équatoriale, où les utilisateurs de mobiles paient le giga de données 35,5 dollars. Par rapport au reste du continent, on trouve les tarifs les plus élevés au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).

Au contraire, c’est en Afrique de l’Est que l’on trouve les tarifs les plus bas, avec un giga de données mobiles coûtant 5,99 dollars (environ 5,1 euros) en Éthiopie, 4,39 dollars (3,7 euros) en Tanzanie, 3,87 dollars (3,3 euros) au Burundi, 3,35 dollars (3,35 euros) au Kenya et 2,33 dollars (1,98 euros) au Rwanda.

Un gigabit de données : 8,76 % du revenu mensuel en Afrique

Au niveau mondial, sur soixante pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, seul vingt-quatre avaient atteint l’objectif de la Commission des Nations unies sur la large bande, à savoir un coût du gigaoctet ne représentant pas plus de 2 % du revenu mensuel par habitant, selon une étude comparative portant sur les continents africain, asiatique et sud-américain publiée le 10 septembre par l’Alliance pour un internet abordable (Alliance for Affordable Internet).

Dans les soixante pays analysés, les utilisateurs dépensaient en moyenne 5,5 % de leurs revenus mensuels pour un giga de données mobiles en 2017. Mais le problème est plus aigu en Afrique qu’ailleurs : quand 1 giga de données représente 1,54 % du revenu mensuel brut par habitant en Asie, il pèse pour 3,58% en Amérique du Sud et 8,76% en Afrique.

La baisse du prix des données mobiles est lente

Les prix tardent à se réduire. En 2016, les consommateurs africains avaient vu baisser de 3 points le pourcentage du prix des données par rapport à leur revenu. Mais en 2017, cette réduction n’a été que de 0,52 point. L’étude ne permet pas de préciser dans quelle mesure ces évolutions sont le fruit des baisses de tarifs pratiqués par les opérateurs ou d’une augmentation du niveau de vie, et donc de la part relative du prix des données dans les revenus.

Sur l’ensemble du continent, seulement quatre pays (Tunisie, Nigeria, Maurice et Égypte) atteignent l’objectif des Nations unies d’un giga de données mobiles représentant moins de 2 % du revenu mensuel par habitant.

À cela s’ajoute une multiplication des taxes sur les communications par internet ces derniers mois dans plusieurs pays. Après l’Ouganda, en juillet, les gouvernements du Bénin et de la Zambie ont annoncé en août des cotisations supplémentaires sur les services de téléphonie en ligne. Des mesures justifiées par les autorités pour répondre aux menaces qui pèsent sur l’industrie des télécommunications, là où les internautes voient une volonté de contrôler les réseaux sociaux.

Si les différences régionales sont importantes, les prix de la data peuvent également diverger de manière significative entre deux pays voisins. Ainsi, le Tchad est l’un des pays les plus onéreux. Il faut y débourser 13,6 dollars  (11,57 euros) pour un giga. Son voisin nigérian, au contraire, est l’un des moins chers : le giga de data y est vendu à 2,56 dollars (2,18 euros).

Un facteur déterminant : la concurrence

Dans son étude, Ecobank prône un accroissement de la concurrence dans le secteur, seul à même, selon elle, de faire baisser les prix. « L’intensité de la concurrence dans le secteur des télécommunications de chaque pays est l’un des principaux facteurs qui expliquent les différences de coût des données mobiles », écrit la banque panafricaine. En effet, les données montrent qu’il y a une relation inverse entre le nombre d’opérateurs mobiles dans un pays et le prix moyen d’un giga de données mobiles. En d’autres termes, plus la concurrence est élevée, moins les données mobiles sont coûteuses.

Exception notable dans cette démonstration : l’Éthiopie, qui possède un seul opérateur et où le prix du giga est de 5,99 dollars (5,13 euros). Ethio Telecom, entreprise publique, y pratique des prix sont fixés par le gouvernement.

Pour les huit pays qui comptent seulement deux opérateurs, le prix moyen d’un gigabit atteint 13,03 dollars. Lorsque le nombre de fournisseurs passe à trois, le coût pour les consommateurs est de 9,17 dollars par giga dans les douze pays concernés.

Enfin, pour les dix pays avec quatre fournisseurs, le prix chute à 5,25 dollars par giga, soit un niveau inférieur à la médiane pour l’Afrique subsaharienne, qui atteint 7,04 dollars.

« Lorsque les infrastructures des télécommunications mobiles ont été construites en Afrique à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les gouvernements ont créé leurs propres opérateurs qui détenaient souvent un monopole sur le réseau mobile du pays, comme Togocel au Togo et Rwandatel au Rwanda. Mais avec le temps, et sous la pression des consommateurs qui exigeaient un meilleur service et plus d’investissements pour étendre le réseau au-delà des zones urbaines très peuplées, le secteur s’est progressivement ouvert à la concurrence », explique Ecobank.

Auteur : Jeune Afrique 

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