L’ARTOTEC ET LE CYTOTEC FONT FUREUR

Les grossesses non-désirées constituent la principale cause des interruptions volontaires de grossesses au Sénégal. Ve phénomène n’est plus un sujet tabou dans notre pays du fait de l’accessibilité des médicaments dédiés dans le marché noir – ENQUÊTE

Les grossesses non-désirées constituent la principale cause des interruptions volontaires de grossesses (Ivg) au Sénégal. Ve phénomène n’est plus un sujet tabou dans notre pays du fait de l’accessibilité des médicaments dédiés dans le marché noir. pour ne pas être la risée du quartier, les filles célibataires de 15 à 35 ans, accidentellement tombées enceintes, font recours à cette pratique bannie, sans aucune appréhension. l’Artotec et le Cytotec, les médicaments les plus prisés par les filles, font fureur.

«Keur Serigne-Bi», ce marché noir, temple de l’informel, accueille la plupart des candidats à l’avortement clandestin. Les ruelles de ce lieu de commerce de médicaments frauduleux, situées au cœur de Dakar sur l’avenue Blaise Diagne, sont toujours bondées de monde. Sous le soleil ardent de midi, une activité intense s’y déroule. Les clients et les vendeurs de médicaments clandestins se faufilent entre les étals réservés pour la circonstance à la vente «d’insecticides», de «café Touba» ou d’habillements. Dans cette officine géante où les vrombissements de moteurs, le vacarme des passants et les hélées des rabatteurs font bon ménage, le commerce illicite de médicaments marche à merveille, en ce qui concerne surtout les médicaments pour avortement. Cette vente illicite prospère à cause de l’usage détourné de certains médicaments comme «Artotec» ou «Cytotec.» En effet, l’usage abusif de ces médicaments aide celles qui ne veulent pas garder leur futur enfant suite à une relation coupable, à un libertinage sexuel ou tout simplement à l’envie de ne pas faire d’enfant en un moment précis.

Au marché «Keur Serigne Bi, parmi la foule d’habituée et de visiteurs enfiévrés, ce n’est pas la peine de dire ce que l’on désire. Il suffit juste de rôder aux alentours dudit marché pour être interpellé par les vendeurs de médicaments clandestins. «Qu’est-ce que vous voulez ? Un médicament pour interrompre la grossesse ?». C’est par ces propos que l’on a interpellé sans faux fuyant votre serviteur. Teint noir, habillé d’une chemise orange et d’un pantalon Kaki, un jeune homme nous entraîne dans une ruelle difficile à franchir du fait de l’occupation des lieux par les vendeurs de baumes et d’insecticide. Il s’y ajoute les tas d’immondices qui jonchent l’endroit. Postés devant un bâtiment, des individus procèdent à un interrogatoire d’usage et nous demandent de décliner notre identité pour des raisons de sécurité. Une fois dans le bâtiment de couleur ocre, le vendeur qui refuse toujours de décliner son identité nous fait savoir sur un ton ferme et intimidant que son travail exige de la discrétion.

Puis, il enchaine : «Comme vous êtes à six semaines de grossesse, le prix est à 50.000 francs.» Finalement, il accepte de nous vendre le médicament à 10.000 francs après un rude marchandage. Ainsi, le médicament destiné à l’avortement devient accessible à toutes les couches sociales. Pour une grande discrétion, les substances sont jalousement gardées dans un coin secret. Le vendeur extirpe par la suite des médicaments dans un sachet et nous remet cinq comprimés. «Nous ne nous connaissons ni d’Adam ni d’Ève. Même s’il y a complication, je dégage entièrement ma responsabilité», avertit le vendeur. A la question de savoir si le médicament est conçu pour l’avortement, le commerçant rétorque avec un large sourire qu’«il n’existe pas de médicaments consacrés uniquement à l’interruption volontaire de grossesse. Ces comprimés sont destinés à soigner l’ulcère, mais sont aussi efficaces pour l’interruption de grossesse.»

20 ANS DANS LA VENTE DE MEDICAMENTS ILLICITES

Taille élancée, habillé d’un caftan bleu, une barbe touffue, un vieux de 65 ans, également vendeur, souligne que rares sont les filles qui osent venir acheter ces médicaments. «Vous êtes brave et audacieuse. D’habitude, ce sont les garçons qui viennent les acheter pour les revendre», affirme-t-il avant de poursuivre que la majorité des femmes utilisent l’Artotec même si le Cytotec est plus efficace. Le sexagénaire ajoute qu’il s’active dans ce métier depuis 20 ans et qu’il n’a jamais eu de problèmes. «Il faut suivre nos instructions à la lettre. Si la grossesse n’a pas dépassé quatre semaines, il faut utiliser trois comprimés. Dans le cas contraire, il faut prendre cinq ou plus», renseigne-t-il. Sous le couvert de l’anonymat, un autre vendeur établi sur le même site informe que leurs clientes sont constituées en grande partie des filles âgées de 15 à 35 ans. Les étudiantes sont aussi des habituées de ce marché.

DES PHARMACIENS ACCUSES D’ETRE AU CŒUR DU BUSINESS

À Grand-Dakar, quartier populeux de la capitale, le recours à l’avortement clandestin est devenu une tendance pour les jeunes. Pour A.Mbaye, vivant dans ce quartier, certaines filles abusent de cette pratique. Habillée en jean taille haute, un body clop-top beige, 17 ans, elle soutient que dans son quartier, c’est le pharmacien qui procède à la vente de produits destinés à l’Ivg. «Il s’appelle Jean, la Police l’a arrêté à deux reprises, mais il continue à vendre des médicaments illicites. C’est un réseau de pharmaciens qui gère le marché», révèle-t-elle à voix haute, ignorant sa copine qui lui faisait signe de se taire. Mais A.Mbaye, une belle fille aux formes généreuses poursuit : «Je n’ai rien à cacher, car tout le monde sait que de nos jours, personne n’est blanc comme neige surtout nous les filles. Ce n’est plus un sujet tabou. Hier, dit-elle, lors du Laabane (Ndlr : pratique culturelle sénégalaise après la première nuit de noces des mariés) de ma copine, toutes les personnes présentes soutenaient qu’elle n’était pas vierge car elle s’est fait une fois avorter». Autres temps, autres moeurs.

L’As

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